Consultant vedette de TNT depuis 1998, Kenny Smith côtoie le gratin de la Grande Ligue au quotidien depuis plus de deux décennies. Mais, en tant que joueur, il a aussi des valises de bonnes anecdotes à partager, à commencer par son passage dans son « alma mater » de North Carolina.
Lycéen star à New York au début des années 1980, Kenny Smith avait le choix pour la case universitaire à suivre, après avoir été nommé McDonald’s All American en 1983.
Michael Jordan sans dribble
« J’avais des offres de Duke et de Virginia mais quand j’ai vu qui ils avaient déjà dans l’équipe, je me suis dit que je devais aller [à North Carolina] », raconte Kenny Smith dans le podcast Up The Smoke. « J’ai fait mon choix quand je suis allé à un de leurs entraînements. Il y avait Sam Perkins, Brad Daugherty, Michael Jordan. Au début, j’étais nerveux et je ne savais pas si je pourrais jouer avec eux. Je n’avais jamais vu de joueurs de 2m13 comme les leurs. Mais je ne pouvais pas choisir une autre université sachant qu’ils allaient nous battre. J’ai fini par y aller. Et j’étais un des premiers freshmen à être titulaire. À l’époque, c’était rare, maintenant, c’est presque la norme. »
Logiquement impressionné par le niveau de talent de l’effectif des Tar Heels, Kenny Smith n’a cependant pas tardé à se faire sa place sur le campus de Chapel Hill. Il a en l’occurrence rapidement ciblé la faiblesse de Michael Jordan à l’époque : son dribble. Sa tenue de balle en général.
Un talon d’Achille bientôt renforcé pour être une arme de plus dans l’arsenal de celui qui deviendra « His Airness ».
« Sam Perkins était le meilleur joueur lors de ma première année. Il avait été All-American trois fois de suite, un truc qui n’arriverait plus aujourd’hui. Michael Jordan était le joueur le plus dynamique mais Sam était le meilleur joueur. Car MJ n’arrivait pas bien à maîtriser son dribble. À l’époque, je me souviens, je voulais défendre contre lui sur les petits matchs d’entraînement, car je savais que j’allais l’embêter sur son dribble. Il se marrait en me voyant : ‘Ah, toi, tu penses que tu peux défendre sur moi’. Et moi, je lui répondais que ce serait facile car son dribble était pourri ! On se chauffait tout le temps. Mais il est ensuite parti aux Jeux Olympiques (de 1984). Puis, il est drafté et il a fait sa saison NBA. Et l’été suivant, il revient à North Carolina, comme tous les gars le font encore. La salle est remplie et il y a du talent au mètre carré, on aurait pu battre n’importe quelle équipe NBA ! Sans aucun doute. Mais je vois MJ qui dribble à côté de moi. Il me dit : ‘J’ai bossé mon dribble au fait !’ Moi, j’avais oublié ce que je lui avais dit ! [rires] C’est le seul gars duquel je peux dire qu’il a fait de chacune des faiblesses, qu’il avait en début de carrière, des forces en fin de carrière. »
« School is in session »
Devenu star planétaire avec ses premiers titres glanés au début des années 1990, Michael Jordan récoltait enfin les fruits d’un travail acharné. Le compétiteur forcené qui voulait rester sur le terrain coûte que coûte durant les entraînements à UNC s’est peu à peu transformé en machine à gagner en NBA. Toujours avec la langue bien pendue.
« Il parlait beaucoup, et tous les jours, mais, tous les jours, il mettait ses actes au niveau de ses paroles. Il assurait à chaque fois. Il tirait beaucoup de fierté en défense à l’époque. Je me souviens l’entendre : ‘Walter Davis, tu ne vas pas scorer aujourd’hui ! Tu ne vas rien marquer!’ Il avait ce type d’énergie tous les jours. »
Son aura ne fera que grandir année après année, au fur et à mesure que son armoire à trophées s’est enrichie. Chacun de ses retours estivaux à Chapel Hill devient un événement immanquable. À l’époque, la Caroline du Nord n’avait pas de franchise… Du coup, les fans de la balle orange se rendaient tous à UNC pour aller voir celui qui deviendrait le futur propriétaire de la franchise NBA de l’état.
Plus fort encore, Michael Jordan avait développé sa méthode bien à lui pour annoncer sa présence.
« Quand il revenait chaque été pour les sessions d’entraînement, il appelait chaque numéro de chambre des joueurs de l’équipe. On entendait « dring dring », un silence de quelques secondes et ça raccrochait. Et ça continuait tout au long du couloir, de chambre en chambre. C’était Michael qui appelait chaque chambre pour dire : ‘L’école va reprendre’ [« School is in session »]. On courait dans les couloirs : ‘Mike est là, Mike est là’. Tout le monde venait à nos entraînements. Il y avait 4 000 personnes à la salle pour nos entraînements durant l’été, c’était incroyable ! Cette période de basket était formidable. »
La légende Dean Smith
Éternellement inspiré par Dean Smith, l’entraîneur légendaire des Tar Heels dont la salle porte désormais le nom, Michael Jordan n’a fait que répéter les formules apprises auprès de son coach, en y ajoutant les « gros mots », ajoute Kenny Smith en se marrant.
Plus sérieusement, Dean Smith est véritablement un modèle pour tous ces joueurs passés par North Carolina. Une anecdote impliquant l’intérieur sénégalais, Makhtar N’Diaye, raconte particulièrement l’attention et l’humanité de l’entraîneur entré au Hall of Fame en 1983.
« Mak n’était pas bien à l’entraînement. Il éprouvait de grosses difficultés. Et Roy Williams et Bill Guthridge, les deux assistants à l’époque, lui tombent dessus : ‘Mais qu’est-ce que tu fiches, remue-toi !’ etc. Coach Smith n’était pas du genre à jurer, il n’avait jamais juré, mais là, il expulse Mak de l’entraînement. Après coup, Coach Smith va le voir et lui demande si tout va bien, s’il a le mal du pays. ‘Non, coach, non’. Mais Mak ne regarde pas Coach dans les yeux, et ce dernier lui demande de le faire : ‘Regarde-moi quand je te parle !’ ‘Non, coach’. Et il lui demande à nouveau de le regarder. ‘Coach, dans ma culture, regarder un adulte dans les yeux est un manque de respect’. Coach lui dit OK et s’en va. Le lendemain, pas de Coach Guthridge, ni le reste de la semaine d’ailleurs. Et Mak reçoit le coup de fil de sa mère : ‘J’ai un coach avec nous ici, je ne le connais pas mais il dit qu’il vient pour apprendre notre culture’. Coach Smith avait envoyé Guthridge au Sénégal pour apprendre la culture de Makthar et ne plus jamais commettre ce genre d’erreur. »
Michael Jordan sur Dean Smith
https://www.youtube.com/watch?v=g6bGu1gcrXc