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Lindsay Sarah Krasnoff décrypte les relations franco-américaines dans le basket-ball

Livre – L’historienne américaine vient de publier un livre très intéressant consacré aux relations franco-américaines dans le monde du basket.

Historienne, spécialiste de la diplomatie dans le monde du sport, qui a également écrit pour The Athletic, ESPN, le Washington Post ou encore le New Yorker, Lindsay Sarah Krasnoff a récemment publié un livre particulièrement intéressant pour les amateurs de NBA en France.

L’ouvrage sorti en septembre, « Basketball Empire : France and the Making of a Global NBA and WNBA », évoque les relations entre la France et les États-Unis dans le monde du basket. Une longue et riche histoire racontée par cette Américaine francophone.

Pour Basket USA, elle revient sur l’histoire de ce livre, ainsi que sur les sources de la relation entre les deux pays, dans les décennies qui ont suivi la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Vous écrivez que l’idée de ce livre est venue au moment du titre de champion d’Europe remporté par l’équipe de France en 2013, en lien aussi avec vos propres recherches sur les relations franco-américaines. Vous aviez écrit un premier livre, « Making Of Les Bleus : Sport in France, 1958-2010 », déjà en lien avec le basket français. Pourquoi avoir eu envie de poursuivre dans cette voie ?

Ce premier livre était la finalisation de ma thèse de doctorat. Il concernait mes recherches sur le développement du sport de haut niveau chez les jeunes. Comment et pourquoi, sous la Ve République, la France a créé des instituts de formation et des programmes de sport-étude pour les jeunes. Dedans, il y avait un fort accent de football car c’était le sport le plus accessible. J’ai eu plus de facilités à trouver des informations sur ce sport et son histoire dans les archives, les livres, la littérature universitaire. En même temps, il y a une petite partie sur le basket car j’ai trouvé de la documentation sur le début des programmes sport-étude dans le basket, dans les années 1970. J’ai alors eu cette envie, à l’avenir, de revenir dans le basket. Je suis Américaine donc, pour nous, le basket est un sport plus populaire, plus familier que le football.

Par conséquent, dans le cadre de mon ancien travail, celui d’historienne dans le département d’État des États-Unis, j’ai effectué des recherches sur les diplomates américains en France au moment de la Première Guerre mondiale. J’ai ainsi remarqué que les Américains avaient formé des liens très forts avec leurs homologues français, et ce sont ces liens de citoyen à citoyen qui ont fait beaucoup pour la France, même si les États-Unis étaient neutres au début du conflit. J’ai réfléchi à cela en voyant la victoire des Bleus à l’Eurobasket, avec les nombreux joueurs de cette équipe qui ont une expérience américaine, en NBA. Je me suis demandée : existe-t-il un lien entre cette histoire du basket et la relation historique entre les deux pays ou est-ce grâce aux relations personnelles, de citoyen à citoyen, que les liens se sont nourris ?

Vous écrivez que « l’histoire de la France en NBA, WNBA et NCAA ne s’est pas déroulée dans une bulle ». Est-ce pour cela que vos chapitres, dans la première partie de l’ouvrage, commencent toujours avec un rappel historique de la France, sur le plan politique et culturel, afin de ne jamais couper le lien entre le sport et la société ?

C’est pour cette raison que je fais cela, tout à fait. De plus, c’est un livre d’histoire et la maison d’édition dans laquelle il est publié, Bloomsbury, fait de la recherche académique. Donc il n’y a pas seulement de l’histoire du sport, mais aussi de la grande histoire. Ainsi, je fais un résumé pour rappeler le contexte. Et cela peut aussi être utile pour les lecteurs américains qui ne seraient pas des spécialistes des relations franco-américaines.

« Je ne pense pas que Bill Russell fut conscient du rôle important qu’il a eu en France »

Pour vous, « la France est aujourd’hui un empire du basket, une pépinière de joueurs qui a contribué à l’internationalisation et à la mondialisation de la NBA ». Et ce qui la distingue, c’est justement sa relation avec les États-Unis, mais aussi son héritage postcolonial. La question du racisme, évoquée dans votre livre, est-elle aussi prégnante pour expliquer ce lien entre les deux pays ?

Les États-Unis et la France sont historiquement des pays d’immigration où l’on peut venir pour prendre la citoyenneté (même si l’esclavage a existé officiellement aux États-Unis jusque dans les années 1860, une partie de sa population n’est donc pas arrivée sur les côtes américaines par choix). Ils sont aussi universalistes. Je pense que, pour ces deux pays aujourd’hui, le monde du sport est le plus démocratique, le plus méritocratique pour la population, sans distinction de statut social ou économique – même si c’est un peu différent aux États-Unis dans certains sports.

Les joueurs afro-américains ont gagné de l’influence en NBA avec leur niveau de jeu évidemment, mais aussi avec la lutte des droits civiques. Je pense ici à Bill Russell et Kareem Abdul-Jabbar. Se faisant, ils ont gagné une place dans la culture américaine. Pour la France, je m’appuie sur le travail de l’historien Fabien Archambault, qui a démontré que, dans les années 1950, Robert Busnel, le président de la Fédération, s’est rapproché du basket américain parce qu’il était associé à des joueurs afro-américains, notamment les Harlem Globetrotters, la première équipe afro-américaine à faire le tour du monde. Ce fut une manière pour lui d’améliorer le basket français, en important des techniques, des styles et des tactiques, sans être taxé ou critiqué d’être trop proche de la culture de l’empire américain, alors qu’il y avait encore des lois raciales aux États-Unis.

Parlons de Bill Russell puisque vous avez cité son nom. On remarque qu’il a été le modèle de beaucoup de protagonistes de votre livre : Jacques Cachemire, Henry Field, même Elisabeth Riffiod, la mère de Boris Diaw. Peut-on dire que, indirectement, l’ancien pivot des Celtics a eu une influence considérable sur le basket français, sans même le savoir ?

Oui, on peut le dire. J’ai été très surprise de cela, en faisant le lien avec l’histoire de ces trois personnages. Je ne pense pas que Bill Russell fut conscient du rôle important qu’il a eu en France. Car Jacques Cachemire, Henry Field et Elisabeth Riffiod ne jouent pas au basket dans leur coin. Ils ont transmis leur connaissance du style de jeu de Bill Russell à des coéquipiers et coéquipières, donc au fur et à mesure du temps, c’est devenu une part importante du jeu français.

« Cette histoire ne se résume pas à une seule personne ou à un père fondateur. C’est surtout une question de générations »

En lisant votre livre, on découvre des choses qui peuvent paraître surprenantes. Par exemple qu’Elisabeth Riffiod a été encouragée à regarder des images des Finals des Celtics dans les années 1960, alors qu’on peut penser que les vidéos NBA étaient inexistantes en France à cette époque. De plus, on apprend que les joueurs français étaient considérés comme individualistes dans les années 1950 – soit le contraire de leur image actuelle. Ou qu’en 1967, l’idée de mettre un coach américain à la tête des Bleus a été évoquée. Avez-vous été surprise par vos recherches ?

Totalement. C’est toujours un plaisir quand on fait des recherches d’être surprise par un détail, par un élément qui ne semble pas correspondre à la réalité d’aujourd’hui, mais qui l’était à l’époque. La chose la plus surprenante à mes yeux, c’est que cette histoire ne se résume pas à une seule personne ou à un père fondateur. C’est surtout une question de générations, avec comme des liens familiaux, mais pas au sens premier du terme. Ce sont surtout des histoires de mentors, de coaches, de modèles entre les générations. Même si cela change dans les années 1980 et 1990 avec les Français et Françaises qui commencent alors à jouer aux États-Unis – Paoline Ekambi notamment. Dès lors, la transmission se fait directement, entre Français, et ne passe plus par un Américain.

Vous parlez beaucoup du basket féminin dans le livre. D’Elisabeth Riffiod et Paoline Ekambi donc, mais aussi de Katia Foucade ou Isabelle Fijalkowski. On y apprend que le basket féminin français était en avance sur son homologue américain dans les 1960 et 1970.

Là aussi, j’ai été très surprise par cette réalité. Elle s’explique parce que, dans ces années-là, il y avait plus d’opportunités de devenir une joueuse en France qu’aux États-Unis. Il y a une information que j’ai apprise en début d’année, donc qui n’est pas écrite dans le livre : dans certains États des États-Unis, dans les années 1960 et 1970, chez les femmes, on pratiquait le basket à six-contre-six. On ne jouait pas en cinq-contre-cinq comme chez les hommes… Choquée par ce que j’avais entendu, j’ai posé la question à Paoline Ekambi pour vérifier si cela existait aussi en France. Elle m’a répondu que non.

Le plus grand symbole de ces échanges, de ce brassage des cultures, pour les Français, n’est-il pas George Eddy ? Et aux États-Unis, qui serait-il ?

En France, oui, c’est George Eddy. Il a fait beaucoup et influencé des générations de Français avec ses échanges culturels. En revanche, je ne pense pas qu’il soit très connu aux États-Unis. Là-bas, surtout après son introduction au Hall of Fame, je pense à Tony Parker. Même si je sais que pour certains Américains, qui ne sont pas fans de NBA, avec son nom et son premier mariage avec Eva Longoria, ils ne savent pas toujours qu’il est Français. En parlant avec certains de mes amis, en 2015 ou 2016, beaucoup l’ignoraient. Je remarque ce fossé entre certains Américains et les joueurs français, qu’ils ne voient pas comme des étrangers. Tout cela a changé cette année avec Victor Wembanyama et le bruit médiatique qui a entouré son arrivée en NBA. Lui est sans doute vu comme un Français.

« Les projets mutuels vont continuer dans les années à avenir. Les liens vont perdurer et mûrir »

Il est peut-être le grand absent, pourrait-on dire, dans le livre : Tony Parker. Son nom est évidemment cité à plusieurs reprises, mais aucun chapitre ne lui ai consacré, contrairement à Boris Diaw, Rudy Gobert ou Evan Fournier. Pourquoi ?

Il est partout dans le livre car il est un acteur important de cette histoire. Seulement, j’ai construit les chapitres de la deuxième partie avec des joueurs et joueuses que j’ai rencontrés pour ce livre ou pour des entretiens année après année. Ils ont accepté mes demandes d’interview, ce que Tony Parker n’a pas fait. J’ai fait beaucoup de demandes au fil des années, sans avoir de réponses. Je n’ai pas pu parler avec lui. C’est dommage mais je comprends : chacun a ses raisons et ses priorités.

Pour conclure, les joueurs français sont petit à petit arrivés en NBA et maintenant, chaque année ou presque, ils sont draftés. Certains ont remporté des titres et des trophées individuels. Il y a même un match de saison régulière organisé à Paris depuis 2020. Quelle pourrait être la prochaine étape pour les relations franco-américaines ?

C’est une très bonne question mais comme je suis historienne, je ne connais pas l’avenir (rires). Quand je regarde l’environnement du sport et les liens franco-américains qui se renforcent – le cas récent du Paris Basketball est d’ailleurs très, très intéressant -, c’est clair que les projets mutuels vont continuer dans les années à avenir. Après les Jeux olympiques de Paris, il y aura ceux de Los Angeles et ce n’est pas anodin pour le basket. C’est le sport collectif numéro un aux Jeux olympiques, notamment aux États-Unis. Le fait de voir la NCAA féminine commencer sa saison à Paris en novembre est également remarquable. Je ne sais pas pourquoi ce choix a été fait dans ce sens – peut-être pour montrer la voie avant les Jeux de Paris, peut-être parce que la coach de South Carolina, Dawn Staley, a joué en France à Tarbes – mais c’est un symbole fort. On sait aussi que la NBA a lancé un partenariat avec la FFBB en janvier dernier, avec Adam Silver, Jean-Pierre Siutat et le président Macron. Enfin, je n’oublie pas Marie Johannes avec le New York Liberty en WNBA. Cela peut aider les liens avec le basket féminin, dont la mondialisation n’est pas encore totale, surtout après le tweet de félicitation de LeBron James. Tout cela va aider à une plus grande médiatisation du basket français aux États-Unis. Les liens vont perdurer et mûrir et c’est intéressant d’imaginer la suite, dans cinq ou dix ans.

Vous pouvez retrouver « Basketball Empire : France and the Making of a Global NBA and WNBA » (408 pages) chez Bloomsbury. Une précision : le livre n’a pas été traduit, il est donc en anglais.

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