Sacré champion NBA en fin de carrière avec le Heat, dans un rôle de meneur organisateur, Jason Williams a plutôt laissé le souvenir d’un sacré pétard ambulant en attaque, capable de dégainer plus vite que son ombre sur contre-attaque mais aussi et surtout d’avoir des inspirations folles à la passe et au dribble dans la digne lignée de Pete Maravich.
L’origine du surnom « White Chocolate »
Malgré ses déficiences évidentes en défense (et très peu d’envie de ce côté-là du terrain), Williams a connu une carrière longue de douze saisons avec en point d’orgue individuel, une saison à 15 points, 8 passes et 2 interceptions de moyenne pour sa première année à Memphis après son transfert des Kings.
Surnommé « White Chocolate » pour son jeu flashy et créatif, le jeune Jason (Chandler de son deuxième prénom !) a vécu une enfance plutôt heureuse, et pleine de métissage culturel, dans la petite ville de Belle, en Virginie Occidentale.
« Il y a mille habitants en gros, et il ne se passe pas grand-chose », narre Williams pour Showtime. « Mais pour résumer, dans le village, il y avait un côté avec les familles blanches, le lycée au milieu, et les familles noires de l’autre côté. Personnellement, je passais plus de temps de l’autre côté que chez moi. Je jouais avec les gamins de toutes les couleurs mais c’est vrai que je passais plus de temps avec mes amis noirs. D’où ce surnom ! Quand j’étais gamin, je pensais que c’était un monde idéal et en grandissant, j’ai compris certaines choses [il tique et hoche la tête]. C’est comme ça… »
Mélange explosif de technique pure et dure et d’une créativité tous azimuts, Williams est très vite tombé amoureux de la balle orange. Pour survivre malgré son physique chétif, il a rapidement compris qu’il devait devenir un dribbleur insaisissable, et un pourvoyeurs de bons ballons pour les copains pour rester sur le terrain.
« Pour moi, le lockout était presque une aubaine »
« Quand j’ai commencé, j’étais très souvent le plus petit joueur sur le terrain. J’avais du mal à envoyer des tirs. Donc j’ai vite compris que je devais faire autre chose pour pouvoir rester en jeu. J’ai fait des passes et ça a marché. Et puis, de mon côté, j’ai commencé à jouer et développer mon propre style. Les nouvelles générations sont toujours avec des entraîneurs qui leur disent quoi faire et ça tue leur imagination. Quand je jouais seul, j’inventais des trucs un peu fous en me disant que ça pourra me servir un de ces quatre en match. »
Après une carrière universitaire en deux temps, à Marshall puis à Florida, prometteuse mais entachée d’une suspension définitive des Gators (pour non respect du règlement de l’équipe, plus précisément pour consommation de marijuana), Williams a flambé dès sa première année en NBA.
Drafté par les Kings en septième choix, le jeune meneur a tout simplement fini dans le meilleur cinq débutant avec 13 points, 6 passes, 3 rebonds et 2 interceptions de moyenne, alimentant au passage les highlights hebdomadaires de ses passes lumineuses avant de finir dans le Top 5 des maillots les plus vendus pour son année rookie.
« J’étais juste content d’être dans la Ligue et de pouvoir jouer à ce niveau », explique-t-il aujourd’hui. « Pour moi, le lockout était presque une aubaine parce qu’on n’avait que 50 matchs à jouer. On n’était venus sur la côte Est qu’une seule fois. C’était bien de pouvoir en finir assez rapidement, je n’ai pas eu à me prendre le rookie wall. Mes coéquipiers et mon staff étaient supers et comme on n’avait pas vraiment de meneur remplaçant [derrière moi], je pouvais faire ce que je voulais pour ainsi dire [et donc tenter beaucoup]. »
Passeur fou
Lancé dans le grand bain par Rick Adelman, un coach inventif en attaque, Williams a effectivement pu donner libre cours à son imagination débordante. Il avait le feu vert de son entraîneur. Même s’il n’en avait pas besoin !
« Mon premier match, on était à l’Alamodome [21 points, 5 interceptions, 4 rebonds et 3 passes au final]. Je n’oublierais jamais ça. Et Rick Adelman vient me voir avant qu’on entre sur le terrain. Si tu veux faire une passe dans le dos et qu’elle finit dans les tribunes, ce n’est pas grave ! La prochaine fois, essaye avec la main gauche ! Il m’avait donné le feu vert. En même temps, j’aurais toujours joué comme ça. Pour m’arrêter, il fallait me rappeler sur le banc. »
C’est ce qui est arrivé lors de sa troisième saison à Sacramento ! Malgré un début de carrière tout feu tout flamme, Williams a vécu une fin d’aventure cruelle chez les Kings, avec une petite saison à 9 points, 5 passes avant de se faire envoyer dans le Tennessee, dans un échange « poste pour poste » avec Mike Bibby,
« C’était difficile au début parce que je ne voulais pas vraiment quitter Sacramento mais je dois leur tirer un coup de chapeau, à Bibby et aux Kings, ils sont devenus plus forts sans moi ! Je le reconnais. Avec Bibby, ils avaient une meilleure chance de battre les Lakers. »
« J’essayais toujours d’envoyer mes passes le plus haut possible pour voir jusqu’où il pourrait aller la chercher »
Battus par le duo O’Neal – Bryant deux années de suite, au premier puis au second tour, Williams et les Kings ont ensuite vu leurs chemins se séparer. Contraint à prendre la route de Memphis, Williams a aidé à remettre les Grizzlies sur la carte avec son jeu spectaculaire, comme il l’avait fait pour les Kings, bien aidé par l’émergence de Pau Gasol (notamment élu rookie de l’année en 2002)… ou les envolées dantesques de l’astronaute Stromile Swift.
« On avait Lorenzen Wright, paix à son âme. C’est l’un des meilleurs poseurs d’écrans avec lequel j’ai joué. Il avait de très bonnes mains aussi. Il ne pouvait pas sauter au-dessus d’une pièce de 20 centimes mais je lui envoyais des passes en l’air quand même [rires] ! Je faisais ça aussi avec Stromile Swift. Il pouvait s’accrocher au plafond celui-là ! J’essayais toujours d’envoyer mes passes le plus haut possible pour voir jusqu’où il pourrait aller la chercher. Ils les a toutes ramenées ! »
Après Adelman, Williams a eu droit à un autre grand nom du coaching américain à Memphis en la personne de Hubie Brown, précisément élu coach de l’année avec les Grizzlies et Williams en 2004. Il faut dire que les Grizz’ étaient passés de 28 victoires pour 46 défaites à 50 victoires pour 32 défaites, pour les premiers playoffs de l’histoire de la franchise.
« J’ai connu pas mal de coachs dans ma carrière mais, dans la globalité, j’ai préféré Hubie Brown. Il laissait les joueurs jouer. C’était un bon communicant et il savait y faire avec les joueurs. On avait toujours des obligations avec les abonnés à l’année et Hubie nous disait, c’est bon, je m’en occupe ! J’adore Hubie parce qu’il ne voit plus que d’un oeil. Et n’entend plus que d’une oreille, donc il faut se mettre juste en face de lui : ici, Hubie, ici ! »
Petit meneur, fort caractère
Petit génie de la balle orange, Jason Williams pouvait aussi se transformer en diablotin qui sort de sa boîte, avec son caractère bien à lui. Habitué des amendes après des contrôles anti-dopage de la Ligue, Williams avait aussi ses petits coups de sang de temps en temps…
De quoi avoir maille à partir avec le logo, Jerry West, quand ce dernier (natif comme Williams de Virginie Occidentale) était General Manager de Memphis !
« Jerry West est né de l’autre côté de la rivière. En face de chez moi à Belle. Nos écoles se sont réunies il y a trente ans. J’ai une histoire marrante avec Jerry. Vous savez comme je suis et comment ça peut se passer dans un vestiaire. Bon, [à Memphis], c’était une fois que j’avais pris une amende, je ne sais plus pourquoi. Et tu as ce vieux Jerry qui se ramène dans le vestiaire et qui doit venir jusqu’à moi [il l’imite marchant difficilement]. Il me tend l’enveloppe et là, je lui prends des mains et je l’envoie en l’air. Ça ne lui a pas plu et je me suis pris cinq matchs de suspension. Cette amende-là m’a bien calmé [rires] ! En fait, tout ça avait démarré parce que j’avais dit qu’on était nul. On racontait que les Hawks étaient la pire équipe et j’avais répondu, non, mec, c’est nous les pires ! [West] voulait que je m’excuse auprès de lui, de l’équipe et du GM, Dick Versace. J’étais d’accord pour le faire : « Jerry et Dick voudraient que je m’excuse pour ce que j’ai dit mais, à vrai dire, je ne pense pas vous devoir d’excuses. J’ai dit que nous, on était nul [en parlant des joueurs], pas eux ! » Je me suis pris une amende qui m’a bien fait mal. »
Toujours dans le même registre, celui du mauvais élève, Williams a également fait des siennes à Orlando, avec qui il a atteint la finale NBA en 2009 (pour ce qui sera son dernier grand frisson en carrière). Avec Stan « le Pingouin » Van Gundy qui a pris une balle perdue…
« J’envoie la balle dans le dos, et ça rebondit sur son ventre ! »
« On faisait notre session vidéo habituelle, une heure avant l’entraînement. Et le thème était la défense en transition, sur comment bien être organisé sur le repli. Ce qu’ils voulaient, c’est que les arrières parlent et communiquent le plan aux autres. On était avec Matt, et je lui souffle de me suivre et de poser un écran. On arrive en attaque et on fait notre truc, là, Stan interrompt le match d’un coup de sifflet et hurle : « Mais non, tu n’as pas informé toute l’équipe [de ce qu’il fallait faire] ». Je dégoupille un peu : « Ok, je me barre » et j’envoie la balle dans le dos, et ça rebondit sur son ventre ! Je m’en suis voulu après coup parce qu’on avait une équipe de lycée qui était invitée et qui nous regardait. Plus le père de Stan ! »
Egalement connu pour sa fameuse passe du coude lors du rookie game 1999, ou encore pour avoir effectué un trajet dans la soute du bus des Kings entre l’aéroport et l’hôtel à Boston, en plein hiver (!), Jason Williams a forcément une place de choix dans le coeur de nombreux fans pour ses actions d’éclat qui restent encore dans les mémoires.
Tel ce fameux drible croisé sur Gary Payton (son futur coéquipier à Miami). Un Glove, symbole de la défense coriace des années 1990, figé au sol. Les deux pieds dans le ciment. Un moment de génie fugace entré instantanément dans la légende !
« Avant ça, il m’avait tellement pourri pendant le match ! J’en étais presque arrivé à me demander si j’avais vraiment le niveau pour jouer en NBA ! C’était Gary Payton. Un monstre sacré. Mais, sur l’action précédente, j’avais rentré un tir de loin, donc il était obligé de sortir sur moi. Et quand j’arrive sur un défenseur à pleine vitesse, peu importe qui c’est, je vais faire mon truc. S’il n’avait pas essayé de me faire un croche patte, on n’en parlerait plus maintenant. Mais je peux te dire qu’il n’a plus rien dit après ça dans le match ! »
Le crossover légendaire sur Gary Payton :
Un mix sur sa carrière :
Jason Williams | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
1998-99 | SAC | 50 | 36 | 37.4 | 31.0 | 75.2 | 0.3 | 2.8 | 3.1 | 6.0 | 1.8 | 1.9 | 2.9 | 0.0 | 12.8 |
1999-00 | SAC | 81 | 34 | 37.3 | 28.7 | 75.3 | 0.3 | 2.6 | 2.8 | 7.3 | 1.7 | 1.4 | 3.7 | 0.1 | 12.3 |
2000-01 | SAC | 77 | 30 | 40.7 | 31.5 | 78.9 | 0.3 | 2.2 | 2.4 | 5.4 | 1.5 | 1.2 | 2.1 | 0.1 | 9.4 |
2001-02 | MEM | 65 | 34 | 38.2 | 29.5 | 79.2 | 0.3 | 2.7 | 3.0 | 8.0 | 1.6 | 1.7 | 3.3 | 0.1 | 14.8 |
2002-03 | MEM | 76 | 32 | 38.8 | 35.4 | 84.0 | 0.3 | 2.5 | 2.8 | 8.3 | 1.7 | 1.2 | 2.2 | 0.1 | 12.1 |
2003-04 | MEM | 72 | 29 | 40.7 | 33.0 | 83.7 | 0.4 | 1.7 | 2.0 | 6.8 | 1.4 | 1.3 | 1.9 | 0.1 | 10.9 |
2004-05 | MEM | 71 | 28 | 41.3 | 32.4 | 79.2 | 0.3 | 1.5 | 1.7 | 5.6 | 1.3 | 1.1 | 1.8 | 0.1 | 10.1 |
2005-06 | MIA | 59 | 32 | 44.2 | 37.2 | 86.7 | 0.1 | 2.3 | 2.4 | 4.9 | 1.7 | 0.9 | 1.7 | 0.1 | 12.3 |
2006-07 | MIA | 61 | 31 | 41.3 | 33.9 | 91.3 | 0.3 | 2.0 | 2.3 | 5.3 | 1.1 | 1.0 | 1.6 | 0.0 | 10.9 |
2007-08 | MIA | 67 | 28 | 38.4 | 35.3 | 86.3 | 0.2 | 1.8 | 1.9 | 4.6 | 1.4 | 1.2 | 1.4 | 0.1 | 8.8 |
2009-10 | ORL | 82 | 21 | 44.4 | 38.0 | 75.6 | 0.1 | 1.5 | 1.5 | 3.6 | 0.8 | 0.7 | 1.1 | 0.0 | 6.0 |
2010-11 * | All Teams | 27 | 11 | 32.8 | 26.3 | 0.0 | 0.1 | 1.0 | 1.1 | 1.9 | 0.3 | 0.4 | 0.7 | 0.0 | 2.0 |
2010-11 * | ORL | 16 | 11 | 34.2 | 30.4 | 0.0 | 0.2 | 1.2 | 1.4 | 1.5 | 0.4 | 0.5 | 0.7 | 0.0 | 2.1 |
2010-11 * | MEM | 11 | 11 | 31.0 | 20.0 | 0.0 | 0.0 | 0.7 | 0.7 | 2.6 | 0.2 | 0.3 | 0.6 | 0.1 | 1.9 |
Total | 788 | 29 | 39.8 | 32.7 | 81.3 | 0.2 | 2.1 | 2.3 | 5.9 | 1.4 | 1.2 | 2.1 | 0.1 | 10.5 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.