Février 1996. Alamodome de San Antonio. Slam Dunk Contest. Jerry Stackhouse (Philadelphie), Doug Christie (New York) et Darrell Armstrong (Orlando) passent à la trappe au 1er tour. La finale oppose un Celtic, Greg Minor, un Sun, Michael Finley, et un Clipper issu d’une illustre famille de basketteurs. Brent Barry décolle de la ligne des lancers francs pour la gloire.
La figure a été inspirée par Julius Erving et Michael Jordan. Reprise par Brent, elle manque un peu de style et de grâce (comme sa coupe de cheveux)… Mais le jury n’est pas très exigeant. Avec un score de 49, il devient le premier Blanc vainqueur du concours de dunks. Le seul aussi. Depuis, aucun n’est retourné ne serait-ce qu’en finale (ndlr : Chase Budinger a terminé 2e en 2012 mais il n’y avait pas de finale).
« Que va devenir cette Ligue si un Blanc remporte le concours de smashes ? », s’amuse Charles Barkley.
« Sir » Charles ne le sait que trop bien : Brent Robert Barry a de qui tenir. C’est le troisième des quatre fils de Rick Barry, l’un des plus grands scoreurs de l’histoire du basket. Champion NBA et MVP des Finales 1975, l’ailier des Warriors fut All-Star à huit reprises et intégra le premier cinq All-NBA cinq fois. Cet ailier de 2,01 m, 2e choix de la draft 1965, tourna à 26 points sur l’ensemble de sa carrière, en ABA puis en NBA. Il fit son entrée au Hall of Fame en 1987.
Rick Barry épousa Pam qui lui donna quatre fils, Scooter, Jon, Brent et Drew. Tous passèrent basketteurs professionnels. Les trois derniers évoluèrent en NBA. Scooter remporta le titre NCAA 1988 avec Kansas. Le papa de Pam transita lui aussi par la Ligue. Bruce Hale évolua notamment chez les Indianapolis Olympians de 1949 à 1951 avant de se tourner vers le coaching. A l’université de Miami, il eut Rick Barry sous ses ordres. Durant sa saison senior chez les Hurricanes, en 1964-65, ce dernier termina meilleur scoreur du pays (37.4 pts).
Petits, Scooter, Jon, Brent et Drew avaient l’habitude de croiser Pete Maravich, Kareem Abdul-Jabbar ou Earl Monroe. Le basket, ils tomberont naturellement dedans. Scooter sera le seul à ne pas évoluer dans la grande Ligue. On le verra à Mulhouse et Cholet. Jon visite huit franchises NBA. Drew dispute 60 matches avec les Hawks, les Sonics et les Warriors. Brent connaîtra plus de succès. Outre son succès au Slam Dunk Contest 1996, il sera sacré champion avec les Spurs en 2005 et 2007.
« Chacun de nous s’est fait seul, sans Rick »
Des quatre frangins, Brent est le plus grand (2,01 m contre 1,96 m pour Jon et Drew et 1,91 m pour Scooter). C’est aussi celui qui possède le jeu le plus flamboyant et flashy. Ce n’est pas exclusivement un joueur avec du jump. Durant sa saison rookie, en 1995-96, il se montra déjà très complet, tournant à 10.1 points, 2.9 passes, 47.4% aux tirs et 41.6% à 3-points sur 24 minutes.
Bon sang ne saurait mentir. Mais la saga Barry ne fut pas toujours un long fleuve tranquille. Rick divorça de Pam, la mère des garçons, en 1979 et prit ses distances avec la famille pendant une décennie. Il renoua les liens avec ses fils dans les années suivantes mais les comparaisons, inévitables, avec papa ne furent pas toujours les bienvenues. « Ce n’est pas pour enlever quoi que ce soit à notre père mais chacun de nous est fier de s’être fait seul », expliquera Brent.
Il avait 9 ans quand Rick quitta la maison. Il fut le seul des quatre frères à porter le n°24 de l’ancien Warrior. Le seul aussi à tirer les lancers francs à la cuillère, comme papa. « Je pense qu’il y aura toujours des cicatrices », admit sur le coup l’intéressé qui eut une fille, Shannon, et un cinquième garçon, Canyon, de sa troisième femme Lynn, ex-star de la fac William & Mary, en Virginie.
« Nombreux sont ceux qui nous ont dit : « Ah, tu es le fils de Rick Barry ! » Et souvent, on répondait : « Oui mais je suis aussi le fils de Pam Connolly et elle a fait un boulot énorme en élevant cinq enfants… », raconta Brent.
« Je ne m’aimais pas, je ne me reconnaissais plus »
Les matches de basket dans la cour sont brutaux. La compétition entre les garçons se prolonge loin des paniers. Drew gagne une place dans le cinq de départ de l’équipe des 14-15 ans du lycée. Brent ne lui parlera plus jusqu’à la fin de la saison… Il devient égoïste et cynique. Il commença à changer lorsque son beau-père le jeta de la maison, entre ses deuxième et troisième années à Oregon State. Nous sommes en 1993.
« Je savais qu’il avait raison parce que moi-même, je ne m’aimais pas. Je ne me reconnaissais plus », admet Brent. « Un jour, je me suis levé en réalisant que je ne n’arrivais pas à me remettre de la séparation de mes parents. » La blessure cicatrise avec le temps. Pendant son année rookie chez les Clippers, des célébrités viennent le saluer jusqu’au vestiaire, comme l’acteur Billy Cristal. Le propriétaire des Clippers, Donald Sterling, y va de son mot de réconfort. « La foule t’adore. Les médias t’aiment. Elgin Baylor (ndlr : le general manager) également. »
Le retour de Rick fit du bien à tout le monde. « Aujourd’hui, notre relation est géniale », commente Brent au milieu des années 90. « On ne peut pas vivre dans le passé. Ce qu’on peut faire aujourd’hui, c’est regarder vers l’avant en passant du temps ensemble. Voila où nous en sommes. Et encore une fois, c’est génial. »
Sa mère : « C’est mon petit Harlem Globetrotter »
Chez les Beavers, Brent était surnommé « Bones » (Os) parce qu’il ne pesait que 84 kg (contre 95 plus tard). Mais il n’avait rien à envier à la plupart de ses petits camarades. Durant sa saison senior, il s’afficha à 21 points, 5.9 rebonds, 3.9 passes et 2.6 interceptions de moyenne. Son jeu rappelait Magic quand il adressait des « no look » passes qui traversaient toute la longueur du terrain et trouvaient un coéquipier démarqué pour un panier facile. Longtemps, les fans évoquèrent cette soirée où il planta son pied dans la poitrine d’un adversaire pour claquer un dunk terrifiant.
« Brent a toujours été mon petit Harlem Globetrotter », expliqua affectueusement sa mère, Pat Connolly. « Il aimait les Harlem. Il ne pouvait pas adresser une passe normale, il fallait toujours qu’il fasse passer la balle entre ses jambes ou derrière son dos. Même quand il était gamin, il était incapable de tenir correctement le ballon. »
« Je pense que nous avons la même approche du jeu mais Brent fait les choses à plus grande échelle », commenta Rick. « Il possède une vision du terrain incroyable ! Il réalise des trucs avec la balle que je ne rêvais même pas de faire. »
Brent est retenu en 15e position de la draft 1995 par les Nuggets puis cédé aux Clippers contre Antonio McDyess, 2e choix, et Randy Woods. Rodney Rogers l’accompagne en Californie. Les doutes qu’inspirent ses premiers pas chez les pros sont levés dès la pré-saison quand Pooh Richardson, arrière titulaire, se fracture le pied. Trois matches suffisent au coach, Bill Fitch, 23 ans de service et un titre NBA en 1981 avec les Celtics, pour confier les rênes à Brent, qui glisse du poste 2 au poste 1.
« Il m’a surpris », confie Malik Sealy, deuxième arrière du cinq qui perdra la vie dans un accident de voiture en mai 2000. « Son allure, sa volonté de prendre les shoots les plus chauds, sa manière de diriger la manœuvre, sa vision… Tout en lui respire le jeu. Il aurait pu être délicat pour un rookie de faire son trou. Mais Brent y est allé franco, en jouant son jeu. C’est exactement ce qu’il fallait faire. »
« Brent est plus un super mec qu’un super joueur »
Evidemment, Elgin Baylor et Bill Fitch furent incendiés lorsqu’ils décidèrent d’expédier le désormais retraité Antonio McDyess dans le Colorado pour récupérer Barry et Rogers (12.2 pts en 1994-95). Les Clippers échangèrent aussi le pivot Elmore Spencer contre Brian Williams, a.k.a. Bison Dele, présumé mort après une virée en catamaran dans l’Océan pacifique en juillet 2002. Quelques mois plus tard, la deuxième équipe de Los Angeles se mêlait à la lutte pour la dernière place qualificative en playoffs dans la Conférence Ouest avec Sacramento, Golden State et… Denver. Les Clippers échouèrent, se classant 11es, à 10 victoires du dernier qualifié (29 succès contre 39 pour les Kings).
« Pour moi, Brent est plus un super mec qu’un super joueur », nuança le coach. « Il apporte de la fantaisie mais il doit encore apprendre. Il a la capacité de bien faire jouer ses partenaires. A lui de savoir l’exploiter. »
Brent est passionné d’art, de théâtre et de musique classique. Au college, avant de s’entraîner, il se relaxait en jouant de l’orgue au Gill Coliseum. Au lycée, il chantait l’hymne national avant les matches. Il avait, dit-on, des intonations à la Frank Sinatra… Il dessine et écrit également des poèmes. A Oregon State, il suivit des études de sociologie. Sur les plages californiennes, il devint dingue de surf. « C’est un homme de la Renaissance ! », dit de lui sa mère. « Il est très curieux, il s’intéresse à tout. Son esprit est sans cesse en éveil, son cerveau en ébullition. Il adore créer. »
La carrière entière du natif d’Hempstead (Etat de New York) sera marquée du sceau de la polyvalence. Brent n’est pas seulement l’un des meilleurs dunkeurs blancs de l’histoire, c’est un joueur protéiforme, un basketteur très complet capable d’occuper trois positions. On peut lui demander de muer en meneur car il possède une bonne vision du jeu (entre 2001 à 2004, il tournera à plus de 5 passes). On peut aussi lui demander de dégainer à 3-points, l’arme fait partie de son arsenal.
Le troisième des fistons Barry est aujourd’hui classé 39e meilleur shooteur longue distance de l’histoire (1 395 paniers primés réussis en carrière). En 2001 ans à Seattle, il termina en tête de la Ligue pour le pourcentage de réussite derrière l’arc (47.6%). Après 14 ans de NBA, il affichait un magnifique 40.7%. Il fallait bien que Brent ait un point faible. Ce fut la défense, même s’il se révéla un bon intercepteur.
Le nouveau Jordan fait pschitt
Au printemps 1996, les Clippers loupent donc les playoffs mais le n°31 n’a pas tout perdu. À sa victoire dans le Slam Dunk Contest vient s’ajouter le troisième meilleur total de tirs à 3-points réussis pour un rookie (123), à deux longueurs de Dennis Scott et dix de Damon Stoudamire. Avec une moyenne de 10.1 points, 2.9 passes et 47.4% aux tirs, Brent intègre le deuxième cinq des débutants, complété par Tyus Edney, Kevin Garnett, Rasheed Wallace et Bryant Reeves. Lors du Rookie game, il avait une fois encore fait étalage de sa polyvalence (8 pts, 4 pds, 5 ints).
Blessé au pouce gauche, le protégé de Rick loupe les 14 premières rencontres de la saison 1996-97. Limité à 59 matches en raison d’une cheville et d’un dos douloureux, il doit se contenter de sortir du banc et tombe à 7.5 points de moyenne. Brent a perdu confiance, comme en témoigne une adresse en chute libre (40.9%). Le meilleur scoreur des Clippers, Loy Vaught, tourne à moins de 15 points mais cela n’empêche pas l’équipe de Bill Fitch de remporter 40 matches. Intégrée au tableau des playoffs, elle essuie un sweep logigue contre Utah (0-3). Barry participera huit fois à la postseason. C’est dans cette campagne face au Jazz qu’il signe sa meilleure moyenne de points : 11.7.
A Chicago pour l’après-Jordan
Le 19 février 1998, alors qu’il s’affiche à 13.7 points par match, Los Angeles le cède à Miami contre Isaac Austin, Charles Smith et un premier tour de draft. Coupé en juillet après un intermède sans grand intérêt (4.1 pts sur 17 sorties), il rebondit à Chicago. Plusieurs équipes étaient sur le coup, parmi lesquelles Golden State. Au sortir du lock-out, Barry signe un contrat de 6 ans et 27 millions de dollars chez les Bulls et récupère son n°31, un temps délaissé au profit du 17. Il doit louper 13 des 15 derniers matches de la saison et regarde du banc les Bulls de l’après-Jordan sombrer dans le néant (13-37). Brent est loin d’avoir convaincu le staff. Il shoote à moins de 40% et rapporte à peine plus de 11 points sur 32 minutes. Après seulement un an, il est remercié. Chicago l’envoie à Seattle dans un échange impliquant Hersey Hawkins.
Il est des joueurs faits pour certaines équipes. Et vice versa. Sans doute Brent Barry était-il taillé pour une formation historiquement très faible à l’intérieur mais adroite de loin. Gary Payton vient, comme lui, d’Oregon State. Pendant 5 ans dans l’Emerald City, Brent fera valoir une belle adresse avec deux pointes à 50% dans le champ (en 2002 et 2004) et jamais moins de 40% à 3-points (n°1 NBA en 2001 avec 47.6%, 109/229). En termes de production brute, le baril de Brent rapporta 11.2 points, 4.1 rebonds et 4.6 passes.
Il sera starter à 296 reprises et disputera deux autres séries de playoffs : un 1er tour perdu 3-2 contre le Jazz en 2000 et un perdu 3-2 contre les Spurs en 2002. Preuve ultime de son côté couteau suisse, l’ex-vainqueur du concours de dunks participa en 2003 au concours de tirs à 3-points, durant le All-Star week-end à Atlanta. En finale, il arriva 3e derrière Peja Stojakovic et Wesley Person. Il devait participer à l’édition 2004 mais dut renoncer à cause d’une blessure à la main.
Il boucle la boucle à Houston, comme Rick et Jon
En juillet 2004, à 32 ans, le frère cadet de Jon se retrouve free-agent. Seattle veut conserver son ailier à tout faire mais doit se résoudre à le voir filer à San Antonio, qui offre de meilleurs atouts. Brent reprend le n°17. Le 12 décembre contre Miami, il signe son 1 000e panier primé en carrière. Le 22 mai suivant contre Phoenix, dans le Game 1 de la finale de Conférence (victoire des Spurs 121-114 dans l’Arizona), il établit son record de playoffs : 21 points.
Au bout de la route, il y a un premier titre de champion NBA, acquis de haute lutte face aux Pistons (4-3). Les amateurs de stats décalées retiendront que seulement trois papas champions NBA virent leur rejeton accéder à la plus haute marche en tant que joueur, comme eux. Matt Guokas (1967) imita papa, sacré en 1947. Luke Walton (2009, 10) imita Bill, couronné en 1977 en 86. Et Brent Barry (2005) imita donc Rick, champion en 1975.
Un an plus tard, Barry Fils améliora son record en playoffs (22 pts dans le Game 2 du 1er tour face à Sacramento). C’est lui qui égalisa à 3-points au buzzer pour envoyer cette rencontre en prolongation, conclue par une victoire des Spurs 128-119. Dallas ayant fait plier San Antonio en demi-finales de Conférence (4-3), Brent dut patienter un an de plus pour fêter son deuxième titre NBA, à 35 ans. Son apport en postseason (3.1 pts, 35% aux tirs) ne fut pas spécialement décisif…
Le 20 février 2008, San Antonio le renvoie à Seattle, en compagnie de Francisco Elson. Les Sonics le coupent dès le lendemain. Il revient dans le Texas courant mars. Flambe une dernière fois en plantant 23 points dans le Match 4 de la finale de Conférence face aux Lakers. Se dégage de son contrat puis rejoint le voisin Houston. C’est chez les Rockets que sa carrière s’acheva au printemps 2009. Il participa une huitième et dernière fois aux playoffs (défaite 4-3 face aux Lakers en demi-finales de Conférence). Brent prit part au training camp suivant – il possédait un contrat de 2 ans – mais fut coupé durant les derniers jours. C’était le troisième Barry à jouer à Houston… et à y boucler la boucle : Rick acheva sa carrière chez les Rockets en 1978-80, Jon fit de même en 2004-06.
Brent Barry épousa Erin en 1998. Ils s’étaient connus au lycée, à la De La Salle Catholic High School (Californie). Ils ont eu deux fils. Le couple a divorcé en 2010. Depuis sa retraite, Brent travaille comme consultant sur NBA TV.
Stats
14 ans
912 matches (449 fois titulaire)
9.3 pts, 3 rbds, 3.2 pds, 1 int, 0.3 ct
46% aux tirs, 40.5% à 3-points, 82.3% aux lancers francs
Palmarès
Champion NBA : 2005, 2007
Vainqueur du concours de dunks : 1996
All-Rookie Second Team : 1996
Records
31 points (2 fois)
15 rebonds à New York le 1.03.021
6 passes contre Milwaukee le 21.02.03
6 interceptions (3 fois)
3 contres (2 fois)
Gains
53,4 M$