Alors qu’une bonne partie de la planète orange se régalait, à juste titre, de la dernière acrobatie de Dennis Smith Jr. en fin de match face aux Blazers, Damian Lillard faisait lui la grimace sur son repli raté avec une cheville gauche définitivement touchée. Mais dans sa plus pure tradition, Dame ne pipait mot et serrait les dents.
Avec 29 points, 8 passes et 5 rebonds, Damian Lillard n’aura encore une fois pas ménagé sa monture. Mais pour le coup, Portland a dû s’incliner pour une défaite qui fait clairement tâche. D’autant plus quand les Blazers veulent verrouiller leur place sur le podium de la conférence Ouest.
« Je n’ai pas besoin de validation, je laisse couler maintenant »
Et le meneur All-Star de Rip City a encore une fois été fidèle à ses valeurs. S’il a dû s’incliner, il est tombé sur le champ d’honneur, avec les armes à la main. Une constante pour l’intéressé depuis son adolescence en fait. À un petit détail près…
« C’est marrant, car en arrivant cette saison, je me suis relâché de moi-même », explique-t-il sur SBNation. « Je me suis dit que ça ne servait à rien de me tuer si les gens ne reconnaissaient pas mon travail. Je n’ai pas besoin de validation. Je laisse couler maintenant. »
Laissé plus d’une fois de côté pour le rendez-vous des étoiles en février, Damian Lillard est désormais passé à autre chose. Lui qui est devenu papa il y a quelques jours seulement fait dorénavant plus attention à son entourage direct.
« Ce n’est pas un boulot pour moi de m’occuper des gens autour de moi. Je ne me sentirai pas bien si j’avais du succès et que personne autour de moi n’était content. »
Et ça se sent dans son jeu. Damian Lillard tourne à un peu moins de 7 passes par match, soit son 2e meilleur total en carrière mais, comme le dit Terry Stotts, il est plus mature que jamais dans son jeu.
« Il gère mieux le jeu maintenant. Il comprend mieux le jeu. À mesure que son équipe continue à être performante à haut niveau, le succès de l’équipe va être un reflet de sa personnalité. Il voit des choses qu’il ne voyait pas avant. Il est devenu un vrai meneur et plus seulement un meneur scoreur. »
Son approche a effectivement évolué, non seulement en ce qui le concerne mais également, et surtout, en ce qui concerne ses coéquipiers. La réussite du groupe de Terry Stotts réside effectivement dans la nouvelle mentalité adoptée par Lillard.
« Dame peut toujours aller chercher un panier mais certains de nos autres joueurs ont besoin de lui pour trouver leur rythme », analyse Meyers Leonard sur Sports Illustrated. « Et il a compris qu’il pouvait créer pour ses coéquipiers, faire qu’ils touchent la balle et se sentent plus impliqués. Ils joueront plus dur, communiqueront mieux et défendront mieux. C’est comme ça qu’on mène et qu’on gagne. »
Pas de dictature mais une démocratie participative
En cherchant moins à faire briller sa propre étoile et plus à impliquer ses coéquipiers, Damian Lillard a lancé une série de 13 victoires d’affilée des Blazers qui se sont ainsi replacés à l’Ouest, contre les prédictions des spécialistes en début d’année.
« Sur les deux dernières mois, on est une équipe bien meilleure parce qu’on le fait en équipe », nous expliquait Dame durant cette série. « Tout le monde est super concentré, tout le monde apporte. Et on le fait avec constance. Bien que CJ et moi n’étions pas dedans en adresse, on était à une possession seulement. Nurk, Moe, Chief, ET, Bazz, Zach, Ed, Pat, on a des contributions de partout et on se donne une chance de gagner à chaque fois. C’est la différence pour nous cette année : ce sont ces contributions des autres joueurs. Tous les gars qui rentrent ont un impact. On est simplement au point. Les gars arrivent et font leur travail pour aider l’équipe. »
Ne voulant clairement pas d’une « dictature », Damian Lillard y préfère une démocratie participative.
« La différence entre Dame et beaucoup de scoreurs, c’est qu’il s’intéresse vraiment à ses coéquipiers », souffle David Vanterpool, l’assistant coach fondamental dans son évolution. « Regardez-le. Il va pénétrer pour faire ressortir l’intérieur, ce qui signifie que le défenseur de Moe va virer sur l’intérieur, ce qui veut dire que Moe est libre. Et c’est comme ça qu’on crée un tir exprès, pour un gars qu’on a envie de voir réussir. »
Quand Neil Olshey, le GM, est allé récupérer Moe Harkless, Damian Lillard a ainsi été le premier à féliciter son dirigeant. De 18% à 3-points sa dernière année en Floride, Moe Harkless est désormais à 41% à 3-points dans l’Oregon cette saison ! Une progression qui ne doit rien au hasard mais qui est au contraire célébrée dans le système des Blazers.
« On avait eu trois matchs durant lesquels Chief avait été le joueur qui rentrait le gros tir », explique Damian Lillard. « À +2, avec 58 secondes à jouer, j’ai deux gars qui viennent sur moi, et Chief est ouvert. Je vais lui faire la passe. C’est comme ça qu’on doit jouer. »
« C’est Dame qui appelle 90% des systèmes maintenant »
Après avoir couru derrière les récompenses individuelles et la reconnaissance de ses pairs pendant plusieurs de ses premières saison dans la Grande Ligue, Damian Lillard est désormais suffisamment sûr de lui pour ne plus s’en soucier. Sa concentration, et son investissement dans le projet de jeu de Rip City n’en est que plus porteur.
« Stotts est connu pour appeler les systèmes et il a toujours plus ou moins appelé 90% des systèmes à Portland », rappelle un scout NBA resté anonyme. « Mais cette année, ça a complètement changé, c’est Dame qui appelle 90% des systèmes maintenant. »
Damian Lillard peut toujours changer de braquet et passer la surmultipliée en fin de match. C’est le fameux « Dame Time », avec le coup de la Flik Flak invisible et le public qui scande MVP, MVP pour son meneur adoré.
« Quand les choses deviennent tendues, on sait qu’il est prêt pour ça », insiste Ed Davis. « Il y a beaucoup de gars dans la ligue qui disent qu’ils sont prêts pour ça, mais ils ne le sont pas. Croyez moi. J’ai été suffisamment longtemps dans cette ligue pour savoir qu’il n’y a qu’une poignée de gars qui peuvent vraiment le faire chaque soir. »
Et Dame en fait partie. Heureux dans le cadre paisible de Portland, il continue de monter dans la hiérarchie des stars NBA. Outre son niveau de jeu (27 points, 7 passes et 4 rebonds), c’est son travail dans la communauté et auprès de la jeunesse de Portland (dans les écoles notamment) qui impressionnent également.
« Je suis fier de cette série, mais on doit encore continuer », nous confiait-il récemment. « On a eu de bons entraînements et on a été sérieux cette semaine aux séances vidéos. Non pas qu’on ne l’ait pas fait durant la saison. Mais dernièrement, on est encore plus concentré, plus intense. Il y a un degré supérieur d’excitation dans l’équipe. Pour les trucs simples. On gagne mais on passe à autre chose. On ne se repose pas sur nos lauriers mais on continue d’avancer et c’est pour ça qu’on enchaîne les succès. »
Propos recueillis à Portland
« Dame Time » à la Nouvelle Orléans
« Dame Time » à Los Angeles
« Dame Time » à Phoenix