A quelques semaines de la plus chaude des intersaisons, Basket USA entame un tour d’horizon complet des capacités financières des équipes qui s’apprêtent à être particulièrement actives à l’intersaison.
Dans les quatres premiers articles, nous avons traité des contraintes concernant principalement les managers des équipes. Aujourd’hui, dernier article sur le cœur du sujet : les négociations contractuelles et le montant du salaire. Pour suivre toute l’évolution des contrats depuis la draft jusqu’à la retraite, suivez le guide.
Un environnement calme autour de vous, il est temps de faire le vide dans votre tête, avant de plonger dans le monde infernal de la finance de la NBA.
Salaire minimum et salaires maximums
Le salaire des joueurs NBA est soumis à un plancher, qui varie en fonction du nombre d’année d’expérience du joueur. Le tableau suivant synthétise les valeurs pour la saison 2010-11 :
Expérience | Salaire Minimum |
0 | $473 604 |
1 | $762 195 |
2 | $854 389 |
3 | $885 120 |
4 | $915 852 |
5 | $992 680 |
6 | $1 069 509 |
7 | $1 146 337 |
8 | $1 223 166 |
9 | $1 229 255 |
10+ | $1 352 181 |
Au niveau du plafond, il n’y a pas un salaire maximum, mais plusieurs, à nouveau en fonction de l’expérience des joueurs. Le salaire maximal qu’il est possible d’offrir à un joueur est découpé en trois paliers :
- De 0 à 6 saisons : le maximum entre 105% du contrat précédent et 25% du salary cap
- De 7 à 9 saisons : le maximum entre 105% du contrat précédent et 30% du salary cap
- Plus de 10 saisons : le maximum entre 105% du contrat précédent et 35% du salary cap
La dernière estimation du salary cap pour 2010-11 est de 56,1 m$. Attention, conformément à une pirouette négociée dans l’accord collectif, on prend en compte une valeur différente du salary cap pour le contrat maximum. Le ratio utilisé est 48.04% du BRI (Basketball related income, voir le premier article de la série), contre 51% pour la masse salariale. Il s’agit en fait qu’un reliquat du précédent accord de 1999, et qui a probablement fait l’objet d’une discussion houleuse en 2005. Si on prend en première estimation (notamment hors effet des bénéfices) la valeur 52,80 m$ (56,1 / 51% * 48,04 %), on obtient pour 2010-11
- De 0 à 6 saisons : le maximum entre 105% du contrat précédent et 13,2 m$
- De 7 à 9 saisons : le maximum entre 105% du contrat précédent et 15,85 m$
- Plus de 10 saisons : le maximum entre 105% du contrat précédent et 18,50 m$
Le montant du salaire maximal réel sera déterminé à l’été, avec l’annonce de la valeur définitive du salary cap. Pour les joueurs qui signent des contrats au salaire maximum durant la saison, le montant final de leur salaire n’est donc connu qu’en juin suivant.
Pour continuer, plutôt que de vous expliquer la suite des règles, j’ai choisi de parcourir un certain nombre de situations rencontrées lors d’une carrière et d’introduire en même temps les règles associées. Muni de tout ce que nous avons appris dans les articles précédent, commençons par les rookies
Le salaire des contrats rookies
Lorsque les rookies sont choisis au premier tour de la draft, leur salaire est encadré de manière forte. C’est le « rookie scale contract », qui détermine le salaire en fonction du rang à la draft, puis les évolutions de ce salaire tout au long du contrat rookie. Le salaire de référence de la première année du contrat pour 2010-11 est présenté dans le tableau ci-dessous :
Rang | Salaire (en m$) | Rang | Salaire (en m$) |
1 | 4 286,9 | 16 | 1 371,2 |
2 | 3 835,6 | 17 | 1 302,6 |
3 | 3 444,4 | 18 | 1 237,5 |
4 | 3 105,5 | 19 | 1 181,8 |
5 | 2 812,2 | 20 | 1 134,5 |
6 | 2 554,2 | 21 | 1 089,1 |
7 | 2 331,7 | 22 | 1 045,6 |
8 | 2 136,1 | 23 | 1 003,8 |
9 | 1 963,6 | 24 | 963,6 |
10 | 1 865,3 | 25 | 925,1 |
11 | 1 772,1 | 26 | 894,4 |
12 | 1 683,5 | 27 | 868,6 |
13 | 1 599,3 | 28 | 863,3 |
14 | 1 519,4 | 29 | 857,0 |
15 | 1 443,3 | 30 | 850,8 |
Le montant des 2ème et 3ème année (optionnelle) est déterminé de même, ainsi que l’augmentation pour la 4ème année (elle aussi optionnelle). C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles un joueur a clairement intérêt à être drafté parmi les 30 premiers : son contrat est garanti, ainsi que les évolutions de salaire associées.
En fait, un rookie drafté au premier tour peut être signé pour un montant valant entre 80% et 120% de la valeur de référence. La plupart du temps, c’est bien la limite maximale qui est appliquée. Ainsi, la valeur pour la saison 2009-10 applicable au premier tour de draft est $4 152 900. Blake Griffin a été signé pour $4 983 480, soit 120% de la valeur de référence.
Un contrat rookie est valable pour 2 ans fermes, avec une option sur la 3ème année et une sur la 4ème à discrétion de l’équipe (nouveau CBA 2005). Si l’équipe décide de ne pas utiliser cette option, le joueur est agent libre unrestricted la saison suivant la dernière année de son contrat. Si elle les utilise toutes les deux, le joueur est restricted agent libre au bout de 4 ans. Elle a donc un droit de « préemption » sur toute offre d’une autre équipe.
A noter qu’il n’est pas possible pour une équipe de renoncer à la 4ème année de contrat pour pouvoir offrir au joueur un meilleur contrat en faisant jouer la Larry Bird Exception et lui donner le contrat maximum correspondant à son expérience. Le rookie scale contract cherche à encadrer la rémunération des rookies et ne doit pas pouvoir être contourné ainsi.
Les joueurs draftés au second tour ou non drafté peuvent se voir offrir un contrat encadré par les règles générales, mais généralement sont signés pour un salaire et une durée limités. Pour les meilleurs d’entre eux, c’est une opportunité : à l’issue de leur premier contrat, ils pourront négocier un salaire important bien avant les rookies draftés au premier tour. Ainsi Manu Ginobili, qui a débuté sa carrière en NBA en 2002-03 a pu obtenir en 2004-05 un salaire annuel de $6 603 500, alors que s’il avait été drafté à la 1ème place de la draft, il n’aurait pu obtenir cette saison là que $3 697 400.
A l’issue du rookie scale contract
Un jeune joueur, à l’issue de son rookie contract ou de son premier contrat vétéran s’il n’a pas été drafté au premier tour, peut se retrouver dans 2 situations :
Soit son équipe ne souhaite pas le re-signer, parce qu’il n’a pas été assez performant, pour raisons financière ou pour toute autre raison.
Il se retrouve alors agent libre, soit sans restriction si la dernière année en option de son contrat n’a pas été activé, soit restricted s’il est resté 4 ans dans son équipe d’origine. Une autre équipe peut alors le recruter, soit en utilisant son espace sous le salary cap (« cap room »), soit en utilisant une des exceptions disponibles pour recruter des agents libres d’autres équipes (Mid-Level Exception, Bi-Annual Exception, Minimum Player Salary Exception, Disabled Player Exception).
Son salaire est alors encadré par le salaire minimum associé à son expérience, et le salaire maximum présenté ci-dessus. C’est ainsi que Charles Villanueva a signé aux Pistons à l’intersaison dernière. Après 4 ans sur son contrat rookie (aux Raptors puis aux Bucks), il était Restricted Free Agents. Les Bucks n’ayant pu s’aligner, il a signé un contrat de 35 m$ sur 5 ans pour aller galérer cette saison avec Gordon, Hamilton et Prince.
Soit son équipe souhaite le re-signer.
Dans ce cas, si elle a utilisé ses deux années optionnelles de contrat, le joueur se retrouve Restricted Free Agent (RFA). Elle peut donc lui faire une offre en utilisant la Larry Bird Exception, et aller jusqu’au salaire maximal. Memphis annonçait en mars dernier qu’elle s’alignerait sur n’importe quelle offre pour Rudy Gay. Ceci signifie qu’ils seraient prêts à lui offrir une maximum qualifying offer, au salaire maximum donc et pour 6 ans obligatoirement. En vertu du statut de RFA, Memphis a la possibilité de préempter l’ensemble des autres offres d’équipes qui pourraient aussi offrir le salaire maximum. Mais l’utilisation de la Larry Bird Exception lui permet en plus d’offrir une augmentation annuelle de 10,5% par an, contre 8% pour le contrat offert par d’autres équipes.
Elle peut aussi lui faire une qualifying offer, et ceci au cours de la saison précédent l’expiration du contrat (avant le 30 mars). Le joueur s’engage alors pour un an uniquement, en espérant trouver un meilleur contrat par la suite. C’est le cas célèbre de Ben Gordon qui, ne trouvant pas le contrat qu’il espérait durant la saison 2007-08, a préféré prolonger un an avec les Bulls grâce à la qualifying offer, pour sa 5ème année de carrière, et fini par aller galérer cette saison chez les Pistons avec Villanueva, Hamilton et Prince (comment ça je l’ai déjà dit ?).
Mais il est aussi possible de signer un contrat qui ne soit ni une maximum qualifying offer (6 ans, salaire max), ni une qualifying offer (1 an, montant max déterminé par les règles de l’accord collectif en rapport avec la place à la draft). Danny Granger a reçu après 4 ans en Indiana une offre des Pacers pour un contrat de 60 m$ sur 5 ans avec les Pacers, valorisant un nouveau salaire pour la saison 09-10 à 9 930 500 m$. Le GM, David Morway, assigné de son président pour les opérations basket Larry Bird, ont pour atteindre un tel montant utilisé la … Larry Bird Exception.
Comme indiqué dans l’article précédent, les trades ne sont pas traités à ce stade, et il faudrait y consacrer un ou plusieurs articles dédiés. On peut néanmoins noter que ces mécanismes de re-signature peuvent être utilisés pour permettre au joueur d’avoir un contrat à la hauteur de ses ambitions (en utilisant la Larry Bird Exception, la plus favorable), et que par la suite il pourra être échangé (avec une valeur supérieure) contre une autre équipe. C’est le principe du sign and trade.
En tant que vétéran expérimenté
La renégociation suivant celle du rookie scale contract est plus simple : il n’y a plus de Restricted Free Agent. L’ensemble des règles concernant la resignature de ses propres agents libres (Bird Exception, Early Bird Exception, No-Bird Exception) ou d’autres agents libres (MLE, BAE, Minimum..) s’appliquent.
Le joueur peut disposer d’une Early Termination Option (ETO): il peut décider de mettre fin à son contrat de manière anticipée. Le nombre de saison à partir duquel il peut exercer cette option est évidemment inclus de la négociation initiale. Kobe Bryant a renoncé à son ETO pour la saison 2009-10, ce qui lui a finalement permis de signer un nouveau contrat de 3 ans pour un montant de 83,5 m$ sur 3 ans à compter de la saison prochaine.
Jerome James disposait pour la saison 2009-10 d’une player option qui lui permettait de rester avec les Bulls cette saison là. Avec son salaire de 6,6 m$, il ne s’est bien entendu pas privé. Ce qui ne l’a pas empêché d’être coupé en avril 2009. Dans ce cas, les règles expliquées dans l’article précédent s’appliquent. Spécifiquement, dans ce cas, comme il n’a pas été signé, l’ensemble du montant garanti, c’est-à-dire la totalité du salaire lui a été versé. On peut aussi citer le cas de TJ Ford, qui bénéficiait d’une player option pour l’année prochaine à hauteur de 8,5 m$ et qui l’a logiquement fait joué fin avril, au vu de son année difficile.
La différence effective entre ETO et player option est subtile, aussi nous ne la traiterons pas ici.
Dernier élément : il est tout à fait possible que le salaire annuel d’une star dépasse le montant maximum. En effet, ce dernier s’applique sur la première année d’un contrat, mais pas sur les valeurs suivantes. Sous une Larry Bird Exception, l’augmentation annuelle peut être de 10,5%, soit plus que l’augmentation annuel du salaire maximum.
Exemple : en 2007-08, Cleveland a offert à Lebron James le salaire maximum disponible cette année là pour un joueur de son expérience (5 ans à l’époque), soit 13 041 250 $. L’année suivante, il touchait une augmentation de 10,5% (Bird), pour un salaire annuel de 14 410 581 $. Mais le salaire maximum pour un joueur avec 6 années d’expérience valait toujours 13 041 250 $, identique au contrat maximum pour 5 saisons.
Une dernière question : si la règle du salaire maximum concerne toute première année du contrat, comment une star au dessus de ce montant fait-elle pour ne pas baisser en salaire en signant un nouveau contrat ? Grâce à la règle des 105% du début de cet article : le montant du salaire maximum vaut le maximum entre 105% du contrat précédent et 25%/30%/35% du salary cap. Lebron James pourra donc se voir offrir 105% des 15 779 912 $ touchés cette année, soit 16,56 m$. Et on peut toujours lui appliquer 10,5% d’augmentation annuel du Bird Exception (s’il resigne à Cleveland), ou au moins les 8% des contrats standards (dans le cas contraire).
Montant des salaires pour une signature en cours de saison
Lorsqu’une équipe recrute un joueur en cours de saison, deux cas de figure : soit l’équipe a de la place sous le salary cap, soit elle est au dessus. Dans le premier cas, elle fait ce qu’elle veut et peut payer le joueur pour la totalité du montant disponible, même pour un match.
Si elle est au dessus du salary cap, elle doit utiliser une exception (MLE, BAE, Minimum, …). Le plafond disponible associé à ces exceptions va être modifié au pro-rata de l’avancement dans la saison : au fur et à mesure que les jours passent, le montant payable à un joueur diminue.
Dans le cas du Minimum Salary Exception, c’est le cas dès le deuxième jour de la saison. Ainsi, si un joueur avec 5 ans dans la ligue est signé 10 jours après le le premier jour de la saison en utilisant cette exception en 2009-10, il va pouvoir recevoir 959 111 * (170 – 10) / 170 = 902 693 $ au maximum (en considérant qu’il y a 170 jours dans la saison).
La Mid-Level et la Bi-Annuel exception suivent la même règle : leur valeur décroit de 1 / 170 par jour, mais seulement à partir du 10 janvier (date à laquelle les contrats signés sont garantis sans possibilité de couper un joueur). Contrairement au Minimum Salary Exception, la valeur de ces exceptions n’est pas nulle à la fin de la saison.
Ainsi Ilgauskas a été resigné aux Cavaliers en date du 23 mars en utilisant la Bi-Annual Exception. La saison 2009-10 compte 170 jours et il y a 73 jours entre le 10 janvier et le 23 mars. Le montant de la Bi-Annuel Exception pour cette année était de 1,99 m$. Donc le salaire maximum qui pouvait lui être proposé était de 1,99 * (170 – 73) / 170 = 1,135 m$. Il a d’ailleurs été signé pour moins que cette valeur, mais c’est l’objet de la négociation.
Les prolongations de contrat
Les contrats d’une durée de plus de 4 saisons, incluant les rookies scale contracts, peuvent être prolongés, avant même que le joueur ne prenne le statut d’agent libre. La signature de cette prolongation ne peut avoir lieu qu’avant le 30 juin. Après cette date, le joueur devient automatiquement un agent libre. C’est la raison pour laquelle la saison des recrutements ne commence que le 1er juillet. La phase qui précède est consacrée à la re-signature.
La seule exception est la prolongation d’un contrat rookie, qui peut avoir lieu jusqu’au 31 octobre de la 3ème année de contrat. La prolongation s’applique alors à partir de la 5ème année de carrière du joueur, puisqu’on a dit au dessous qu’un joueur ne peut effectuer sa 4ème année dans l’équipe qui l’a drafté que dans le cadre de son contrat rookie.
Le Buy-Out
Le départ volontaire d’un joueur de son équipe ne fait pas l’objet de règles spécifiques, mais utilise l’ensemble des possibilités du CBA. Le buy-out, dans son principe, consiste pour un joueur à être libéré de tout lien avec son équipe, en échange d’un « paiement », qui correspond en fait à un réduction du salaire qui lui est dû. Ceci permet au joueur d’aller trouver un place dans un roster ailleurs et à l’équipe de gagner à la fois sur la masse salariale et de pouvoir recruter un joueur supplémentaire (si elle avait déjà 15 joueurs sous contrat).
Le mécanisme est alors simple : l’équipe et le joueur convienne d’une diminution de salaire (ou ont déjà envisagé l’éventualité d’un buy-out dans le contrat initial), puis le joueur est coupé. Les modalités de paiement des montants garantis peuvent alors être modifiées d’un commun accord, par en accélérer ou ralentir le paiement par exemple. Dans le cas où le joueur resigne avec une autre équipe, alors le mécanisme de diminution du salaire pris en compte dans le salary cap (expliqué dans l’article 4) est appliqué.
Conclusion
On le voit, beaucoup de vocabulaire, mais nous finissons par utiliser la majorité de notions traitées dans les articles précédents. Et comme toujours, un grand nombre règles, et autant d’exceptions permettant aux superstars de gagner leur croûte correctement.
On se rappelle néanmoins ce qu’indiqué au début de la série : les exceptions sont notamment là pour favoriser les joueurs qui re-signent avec leur équipe d’origine. La différence de la valeur des augmentations annuels (10,5% contre 8%) fait partie de ces fortes incitations.
Pour le dernier article de la série, je me propose de le faire en deux temps : tout d’abord, une compilation des réponses aux questions que vous aurez pu vous poser à la lecture de ces articles, et quelques réflexions sur les pratiques « typiques » qu’engendrent chez les managers, les agents et les joueurs les contraintes au sein desquelles ils doivent naviguer.