Adonal Foyle : « Une voiture me suffit largement ; ado, je me déplaçais à dos d’âne »

A 39 ans, il ne fait certes plus partie de la communauté des joueurs encore en activité et a même carrément quitté l’organigramme de la Grande Ligue depuis son départ d’Orlando mais Adonal Foyle fait bel et bien partie du paysage NBA. Ancien pivot des Warriors et du Magic, spécialiste du contre et des tâches défensives de l’ombre, Foyle n’en reste pas moins un personnage central… aussi atypique soit-il…

Le poète des parquets NBA

Adonal Foyle voit le jour sur la petite île de Canouan, dans l’archipel des Grenadines, au large des côtes vénézuéliennes (et au sud de la Martinique). Sur ce petit paradis de 12 kilomètres carrés, où la population totale ne dépassait alors pas la barre des 500 habitants, Adonal grandit et joue au basket avec des paniers accrochés aux poteaux, et il faut attendre que les voitures passent pour reprendre le match sur le tarmac de la route.

Loin de penser à la NBA sur son île, où historiquement, des esclaves se sont échappés des Barbades pour venir y trouver refuge (ils deviendront les Black Caribs), c’est par un coup de pouce du destin que Foyle va pouvoir atteindre l’Amérique et ses richesses.

Adopté à l’âge de 15 ans par Joan et Jay Mandle, deux touristes américains intrigués par son potentiel athlétique, Adonal quitte son île et arrive à Philadelphie. Le choc est brutal. Il débarque au lycée Cardinal O’Hara mais encore trop orienté vers le basket, c’est en fait à Hamilton, dans l’Etat de New York, dans un petit lycée que Foyle parvient enfin à faire grimper ses notes. Avec pas moins de 15 mots à apprendre par jour et de grosses sessions de révision, le jeune Adonal rattrape son retard.

« Mes parents me faisaient de véritables interrogatoires, pour s’assurer que je révisais bien mes leçons. » se souvient Adonal pour Slam. « J’avais toujours des devoirs supplémentaires pour rattraper mon retard. C’était cauchemardesque parfois mais je ne le regrette pas. Il y avait de grandes attentes, à l’université notamment, mais ça m’a fait grandir. Je voulais aller là où on me traiterait comme un étudiant athlète dans tous les sens du terme. Je voulais mon diplôme. Je ne voulais pas revenir aux Caraïbes sans diplôme. Je voulais être le premier dans mon village à y arriver. »

Frustre sur un parquet mais prolixe avec ses idées

Ainsi encadré, Foyle se régale aussi bien sur les terrains que dans les salles de cours. Il emmène Hamilton vers deux titres de l’Etat en se faisant également sélectionné pour le McDonald Challenge qui regroupe tous les meilleurs lycéens du pays. Duke et Syracuse lui rendent même visite, par l’intermédiaire de coach K et Jim Boeheim, pour essayer de l’attirer mais le géant des Grenadines préfère rester dans le giron de sa famille adoptive en s’inscrivant à Colgate. Et c’est ainsi que naît sa passion des livres, plus dévorante encore que celle qu’il entretient pour le basket…

« Je lis tout ce que peux trouver. Je lis de la poésie, et j’en écris aussi. Rien n’a changé quand je suis arrivé en NBA, l’argent que j’ai pu gagner m’a permis de continuer à acheter encore plus de livres. Ca a nourri mon addiction. J’adore apprendre. »

Bien conscient de ses limites sur les terrains avec des moyennes de 4 points, 5 rebonds et 2 contres en carrière, Foyle sait combien la carrière d’un sportif de haut niveau est de l’ordre du temporaire. Dès lors, il continue de travailler à son éducation… et celle des autres, avec notamment son association créée en 2001, Democracy Matters.

Cinq années de suite, Foyle gagne le Community Award pour au moins un mois de la saison NBA. Il est même devenu le premier vice-président du syndicat des joueurs, poste qu’il a quitté au moment de sa retraite en 2010.

Un joueur éduqué en vaut dix sur la paille

Mais Adonal n’a pas chômé non plus puisqu’aussitôt sa retraite annoncée, il est resté auprès du Magic d’Orlando en tant que directeur du développement des joueurs. Il a tenu ce rôle deux saisons durant, jusqu’au limogeage du GM Otis Smith, ce qui lui a permis de mettre à profit son approche particulière du monde professionnel.

« Pat Garrity (un ancien coéquipier) est un esprit brillant. Il lisait toujours un bouquin. Je lui demandais ce qu’il lisait et on en parlait, et on avait nos petits débats entre nous. JJ Redick lit beaucoup aussi, et il écrit également. Il est très religieux. J’aime apprendre à connaître les centres d’intérêts des joueurs pour en discuter avec eux. Nombre d’entre eux sont plus intelligents qu’on ne le pense. »

Proche des joueurs, Adonal Foyle a également décidé de faire bon usage de son expérience pour écrire un livre intitulé “Why NBA Players Go Broke, A veterans advice”, qui vise, comme son titre l’indique, à conseiller les jeunes joueurs NBA parfois incapables de garder la tête froide avec leur salaire gargantuesque. Foyle aborde ainsi des thèmes généraux mais n’hésite pas non plus à rentrer dans le détail en évoquant notamment la ‘JOCK Tax’ réservée aux sportifs professionnels et aux gens du spectacle, un impôt que les joueurs NBA oublient souvent dans leurs opérations financières.

Intronisé au Hall of Fame mondial des sportifs humanitaires (aux côtés de NBAers tels que Nate “Tiny” Archibald, Vlade Divac, Julius Erving, AC Green, Kevin Johnson, Dikembe Mutombo, David Robinson et Steve Smith), Adonal Foyle est évidemment un véritable exemple pour les jeunes de son île (comme on peut le constater sur ce site qui présente plusieurs des îles caribéennes).

Avec les pieds solidement ancrés dans la terre, et la tête bien remplie, Adonal Foyle se réjouit de pouvoir aider son prochain par ses associations. Surtout, c’est le type de personnage qu’il faut pour relativiser la folie financière des grandeurs qui existe parfois en NBA.

« Tous les gars en NBA parlent de vouloir cette voiture, ou cette voiture. Mais moi, je leur dis : une voiture me suffit largement. Ado’, je me déplaçais à dos d’âne. »

Adonal Foyle, le conseiller financier des jeunes joueurs NBA