Tous les mardis, “La course au MVP” vous propose de retrouver un Top 5 des candidats potentiels au titre de Most Valuable Player.
Vous connaissez certainement John Hollinger d’ESPN et sa formule magique du PER (Player Efficiency Rating). Cette formule mathématique complexe a quelques ressemblances avec celle de l’efficiency utilisée par la NBA, à la différence que celle d’Hollinger prend en compte le temps de jeu, le rythme d’un match, ainsi que le rôle d’un joueur dans son équipe.
Hollinger lui même reconnait que sa formule n’est pas parfaite, mais qu’elle est avant tout un moyen de rassembler toutes les statistiques d’un joueur en un seul nombre, car celles-ci ne font pas tout. Mais quoi qu’il en soit, cette année, il se pourrait bien que LeBron James rentre de l’histoire du PER, et en quelques sortes, de la NBA.
Pour cette 24ème édition de la course au MVP, un changement majeur vient de s’opérer, et désormais, nous ne serons plus jamais les mêmes puisque, depuis quelques jours, nous sommes tous devenus des Fred Hickman en puissance.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Hickman est le seul des 121 spécialistes, à avoir trouvé original de voter pour Allen Iverson en 2000, alors que les 120 autres votants avaient placé O’Neal à la première place pour le titre de MVP de la saison.
Désormais il y aura 124 votants pour le titre de MVP, plus un 125ème, derrière qui se cachent en réalité des millions de personnes, dont vous et moi faisons partie ! Soyons clair, ce vote ne changera strictement rien au résultat final. On a beau être des millions, voire des milliards de votants, cela ne représentera toujours que 1/125ème des votes. Mais quand on pense que T-Mac et Iverson ont failli être sélectionnés au All Star Game cette saison, il y a de quoi être perplexe.
Bref, en tant que membres de jury à part entière, mon devoir est donc de vous fournir tous les éléments possibles dont nous disposons, afin de vous aider à faire votre choix, et cette semaine, c’est John Hollinger qui ouvre les débats avec un papier publié sur espn.com.
Voici les faits. Le PER est une formule mathématique complexe, utilisée par John Hollinger, qui permet de condenser toutes les statistiques d’un joueur en un seul nombre. Evidemment, cette formule à ses limites, il n’y a qu’à voir le classement de la saison actuelle pour s’en rendre compte. Toutefois, la formule d’Hollinger est l’une des plus réputées, et aussi l’une des plus complètes parmi toutes celles proposées. En tout cas, cela devrait bien arranger les affaires des fans de LeBron James, en passe de réaliser un exploit dans l’histoire du PER.
Hollinger : « LeBron James est un Michael Jordan de la saison régulière »
Une des choses qui prouve que cette formule est assez représentative de l’impact d’un joueur sur une saison, est le fait que le meilleur PER de l’histoire a été établi par Michael Jordan en 1987-1988. Sachant que les rebonds offensifs, les contres et les interceptions n’ont été comptabilisés par la NBA qu’à partir de la saison 73-74 (désolé Oscar Robertson), je trouve juste de dire que la saison réalisée par Jordan en 87-88 est la meilleure de « l’ère moderne » sur le plan individuel. Pour info, cette saison là, Jordan avait des moyennes de 35 points, 5.5 rebonds, 5.9 passes, 3.2 interceptions et 1.6 contre par match. Il avait d’ailleurs terminé meilleur marqueur et intercepteur de la ligue, et remporté le titre de MVP et de meilleur défenseur de la saison.
Cette saison là, MJ avait réalisé le meilleur PER de l’histoire (31.89), et jusqu’en 2003, il détenait également les 4 autres meilleurs scores. Mais depuis 2003, un certains LeBron James est arrivé dans la ligue, et il est le premier à oser venir titiller le record établi par His Airness.
La saison passée, LeBron avait déjà établi la 3ème meilleure performance de l’ère moderne (encore désolé Oscar Robertson), avec un PER de 31.76. Cette saison, il est à nouveau le maitre de la planète Hollinger, puisque du haut de ses 31.52, il est d’ores et déjà assuré de terminer premier au PER. En réalité, James pourrait même rater ses 100 prochains shoots, ne prendre aucun rebond et ne faire aucune passe dans les 200 prochaines minutes, qu’il serait toujours premier devant Wade (28.31), Durant (25.78) et Bosh (25.18).
Mais la performance n’est pas là. Il y a une semaine à peine, James présentait un PER de 31.81, soit 0.08 unité de moins que le record établi par Jordan. Si depuis la semaine dernière, son PER est redescendu à 31.52, James est pratiquement assuré d’au moins une chose, il va devenir le premier joueur depuis Michael Jordan à enchaîner deux saisons consécutives avec un PER supérieur à 30. Seul Michael Jordan a fait mieux avec 4 pointes consécutives à plus de 30 entre la saison 87-88 et la saison 90-91.
Deuxième point, LeBron James va également devenir le premier ailier de l’histoire de la NBA à terminer la saison avec plus de 8 passes décisives de moyenne. Seul Larry Bird s’en était approché en 86-87 avec 7.6 passes distribuées par match.
Cela suffit-il pour comparer LeBron James à Michael Jordan ? Pour Hollinger, cette comparaison est délicate, car James n’a jamais remporté de titre, mais pour lui, « il n’y a personne d’autre à qui le comparer »
Sans une bague, le PER ne signifie pas grand choseIl n’y a pas à dire, LeBron James est une machine à stats, et il suffit d’ailleurs de regarder ses moyennes cette saison pour s’en rendre compte. Mais comme je vous le disais la semaine dernière, je ne suis pas fan de ce genre de comparaison. En fait, ce qui me dérange là dedans c’est que, à l’époque (en 1988), Michael Jordan n’était pas considéré comme le plus grand joueur de tous les temps. Il réalisait « simplement » une saison exceptionnelle, et était lui aussi considéré comme une machine à stats. Maintenant que sa carrière est terminée, et que son CV est bien rempli, n’importe quel fan de basket considère MJ comme l’un des plus grands joueurs ayant foulé les parquets, voire même le plus grand de tous. Du coup, chaque fois que vous comparez un joueur à Jordan, vous en faites, indirectement, un potentiel « meilleur joueur de tous les temps ». C’est assez gênant lorsque le joueur en question n’a que 25 ans et aucune bague de champion au doigt.
Michael Jordan a mis 7 ans pour remporter son premier titre. James, lui, est dans sa 7ème année, et il n’a jamais été autant considéré comme favori dans la course au titre. Mais, entre être proche du titre, et le gagner, il y a un pas que certains joueurs, aussi bons soient-ils, n’ont jamais réussi à franchir. Ce genre de comparaison se fera dans 10 ans, lorsque James aura fini sa carrière, là on pourra faire les comptes.
J’entends souvent dire que, le jour où LeBron James remportera un titre, alors ce jour là, il deviendra l’un des plus grands joueurs de l’histoire du basket. Je suis complètement en désaccord avec cela. Car pour moi, la question n’est pas : quand est-ce que LeBron James gagnera un titre ? Mais plutôt, s’il gagne, comment évoluera-t-il après cela ?
Pour rester dans le débat d’Hollinger sur la comparaison entre LeBron James et Michael Jordan, il y a une phrase que je n’oublierai jamais, et qui pour moi, résume tout à fait la carrière de Jordan. Cette phrase, c’est le légendaire Bill Russell qui l’a prononcée. L’ancien Celtic disait de MJ :
« Je suppose que ce qui m’a le plus impressionné, c’est sa détermination à être Michael Jordan chaque soir. Il n’enfilait jamais ses chaussures et son maillot pour prendre un soir de repos. »
Même après trois, quatre, cinq titres, Michael Jordan s’est toujours donné à fond sur le terrain, il voulait gagner chaque année, chaque match.
LeBron James est un phénomène, et il a l’air d’avoir parfaitement conscience de cela. C’est peut-être pour ça qu’il semble hanté par l’idée de remporter un titre, car il sait très bien que tout ce qu’il réalise n’aura pas le même impact s’il quitte la ligue sans bague au doigt. Il sait très bien qu’il peut battre tous les records qu’il veut, on pourra toujours lui dire qu’il n’a rien gagné collectivement. Comme il l’a déclaré la semaine dernière :
« J’ai un objectif, et il est énorme : ramener un titre ici, à Cleveland. Tant que je ne l’aurai pas fait, je continuerai ».
Est-ce que cela signifie qu’une fois le titre acquis, James considèrera qu’il a rempli sa mission ?
Michael Jordan ne s’est jamais reposé pour une raison, c’est lui même qui le disait à B.J Armstrong avant un match :
« les gens qui sont venus ce soir n’auront peut-être plus jamais l’occasion de me voir jouer. Je veux qu’ils se souviennent de moi toute leur vie. »
Si LeBron James disait ça, il se ferait descendre par ses détracteurs.
James est (très) maladroit dans ses déclarations. Jordan aussi a parfois été considéré comme arrogant, mais l’histoire lui a donné raison, et encore aujourd’hui, ces petites phrases dont il a le secret sont reprises en cœur par tous les médias.
James, de son côté, doit être plus vigilant. Comme la dernière fois, où il a déclaré qu’il pourrait gagner le titre de meilleur scoreur chaque année s’il le voulait, mais qu’il préférait se concentrer sur les titres. Michael Jordan ne l’a pas dit, il l’a fait, et 7 fois d’affilée (10 si on ne compte pas ses 2 saisons manquées lors de sa première retraite). Pourtant, cela ne l’a pas empêché de remporter 6 titres de champions lors de ces 10 années.
C’est la différence entre phénomène et une légende. Aujourd’hui, LeBron James est peut-être le maître du PER, mais il lui faudra dominer bien plus qu’une formule mathématique avant que le monde de la NBA ne lui réserve une place aux côtés de ceux qui ont marqué à jamais de leur empreinte, l’histoire de ce sport.
1-LeBron James (1)* : 29.9pts, 7.3reb, 8.5pd, 1.7int, 1.0ctr, 3.4bp, 50.4% Tirs, 33.5% 3pts, 76.5% LF
2-Kevin Durant (2) : 29.7pts, 7.6reb, 2.7pd, 1.3int, 1.0ctr, 3.4bp, 47.6% Tirs, 35.4% 3pts, 89.5% LF
3-Kobe Bryant (3) : 27.1pts, 5.4reb, 5.0pd, 1.6int, 0.3ctr, 3.2bp, 45.8% Tirs, 32.5% 3pts, 81.4% LF
4-Dirk Nowitzki (4) : 24.8pts, 7.6reb, 2.7pd, 0.9int, 1.0ctr, 1.9bp, 47.8% Tirs, 38.7% 3pts, 90.9% LF
5-Dwyane Wade (-) : 26.6pts, 4.9reb, 6.6pd, 1.9int, 1.1ctr, 3.3bp, 47.4% Tirs, 30.1% 3pts, 76.1% LF
Mentions spéciales (dans le désordre) : Carmelo Anthony, Chris Bosh, Dwight Howard, Steve Nash, Deron Williams
*() : Classement semaine précédente.