Les sourires francs et honnêtes au Frost Bank Center ont laissé place à une vive inquiétude, quant à la situation de Gregg Popovich (75 ans). Les visages des uns et des autres, du personnel de la salle, aux fans en passant par les journalistes locaux, étaient un peu plus marqués qu’à l’accoutumé. Car le patron des Spurs, qui a manqué un septième match de suite contre Washington, se fait désirer.
Après plus de dix jours de silence, les Spurs, l’une des franchises les plus secrètes de la ligue, ont enfin communiqué, quelques heures avant la rencontre contre les Wizards, confirmant que Gregg Popovich avait fait « un léger AVC, le 2 novembre » (le jour du match contre les Wolves), et qu’il « avait déjà commencé des soins », sans toutefois donner guère plus de détails.
Ses absences en back-to-back en 2012 et 2016 ou celle en 2018 lors des playoffs suite au décès de sa femme Erin étaient différentes. Cette fois, la confirmation par les Spurs d’une information donnée par ESPN quelques jours plus tôt, a plongé San Antonio dans le doute, dans la crainte, bien réelle mais que personne n’ose imaginer, que Coach Pop’ – l’entraîneur le plus victorieux de la Grande Ligue en saison régulière – n’entraine plus les Spurs.
Pou lui rendre hommage à leur manière, plusieurs fans des Spurs ont arboré un t-shirt à l’effigie du légendaire coach des Spurs. « Praying for you Popovich (« Des prières pour toi, Popovich » en français) », pouvait-on encore lire sur une pancarte d’un jeune couple. « C’est comme un père spirituel pour nous, c’est l’âme de la ville », avoue Sonia Ramirez, 33 ans, la gorge nouée et le cœur en vrac. « San Antonio lui doit tout mais aujourd’hui, il doit prendre soin de lui et mène sans doute l’un des matchs les plus importants de sa vie ».
« La période que nous traversons est difficile pour tout le monde »
Car Gregg Popovich, prophète en son pays, est un habitué des victoires. Il a permis de mettre San Antonio sur la carte du monde grâce à ses Spurs, qu’il a d’abord rejoints en tant qu’assistant de Larry Brown en 1988 avant d’en prendre les rênes en décembre 1996. Menant ainsi les Spurs vers cinq titres de champions NBA (1999, 2003, 2005, 2007, 2014) et en faisant l’une des équipes les plus victorieuses tout sport confondu ces trois dernières décennies.
« La période que nous traversons est difficile pour tout le monde », a déclaré le GM, Brian Wright, avant la rencontre contre les Wizards. « Coach Pop est le leader de cette organisation depuis près de trente ans. Nous avons tous rencontré ou connaissons des personnes qui ont simplement une aura différente, une présence différente, et il est clair qu’il fait partie de ces gens-là. Lorsque nous entrons ici, nous ressentons chaque jour son leadership et cette présence. Donc sans lui, il y a clairement un vide et il nous manque ».
Car « Coach Pop’ » n’est pas simplement un coach, c’est aussi un peu un deuxième grand-père, fidèle mais dur en affaires. Il se préoccupe tout autant du bien-être des joueurs et de leurs familles que de leurs performances sportives. Qu’il n’hésite pas à relativiser car pour lui, le basket était secondaire face aux tracas du quotidien et aux maux de la société, l’élection de Donald Trump, comme 47e président des États-Unis, en premier lieu.
« Les joueurs se sortent bien de cette situation mais cela ne veut pas dire que ce moment n’a pas été difficile à vivre pour eux », tient à préciser Brian Wright. « Je ne suis pas certain qu’il y ait une autre personne, dans une quelconque structure, pas même sportive, qui signifie autant que Pop pour nous. Il est bien plus qu’un coach. Il parle de bien plus que de basket, il parle de la vie aussi, et les gars le sentent. C’est important pour leur développement, notamment pour un jeune groupe comme le nôtre. »
Depuis au moins une décennie, les gens l’interrogent sur sa potentielle retraite, un sujet de conversation qui l’intrigue parfois et l’irrite souvent. Car le rythme incessant de la NBA, de ses 82 matchs de saison régulière et de ses trop nombreux back-to-back, use. « Je préfère me concentrer sur le prochain entraînement car ce que je ferai dans cinq ans, je n’en ai aucune idée », avait-il, par exemple, déclaré en mars lors d’une des deux rencontres délocalisées à Austin.
Prolongé de cinq ans avec les Spurs en juillet 2023 juste après la draft de « Wemby », Gregg Popovich semblait remotivé par le challenge Victor Wembanyama après des années à manger son pain noir, avec cinq saisons de suite sans playoffs, alors qu’il avait mené les Spurs aux phases finales de la NBA pendant vingt-deux ans de suite, entre 1998 et 2019 (un record).
« On est tous inquiets mais je sais dans quel état d’esprit il est »
Aujourd’hui, Gregg Popovich ne pense sûrement pas au moment où il soulvera un autre trophée mais peut-être, au moins, à celui où il jouera un match de playoffs ou de play-in avec « Wemby » et compagnie. « C’est horrible ce que je vais dire mais je le répète souvent : pour moi, Gregg Popovich mourra en tant coach des Spurs », lâche un fan avec un maillot de Victor Wembanyama chevillé au corps.
L’AVC de Gregg Popovich, les joueurs disent l’avoir appris, ce mercredi matin. « On est tous inquiets mais je sais dans quel état d’esprit il est. Il est en train de travailler pour revenir le plus rapidement possible avec nous. Je crois en lui et j’espère qu’il ne sera pas trop loin de nous pendant trop longtemps », a déclaré « Wemby » après ses 50 points.
Plus que la perf’ XXL de son jeune poulain, c’est le sixième succès en douze matchs que « Coach Pop' » aurait fêté autour d’un bon repas d’équipe. Et forcément, avec une bouteille de vin (mais avec modération bien sûr !). Un bon Bordeaux ou un Bourgogne, c’est au choix…
De notre correspondant à San Antonio (États-Unis).