Fraichement réélu président de la fédération russe de basket, Andreï Kirilenko coule une retraite paisible dans son pays natal. L’ancien ailier All-Star du Jazz est retiré des parquets depuis 2015, après avoir fini sa carrière au bercail, au CSKA Moscou.
Drafté en 24e position en 2001 par le Jazz d’Utah, Andreï Kirilenko avait participé à la transition entre la fin de l’immense ère Stockton – Malone et une nouvelle génération qui finira tout de même en finale de conférence en 2007, en compagnie de Deron Williams et Carlos Boozer, plus Mehmet « la mèche » Okur.
« Jerry Sloan m’a permis de bien m’adapter à mes débuts », raconte ainsi Andreï Kirilenko dans le Knuckleheads podcast« , car il me donnait des temps de jeu intéressants, entre 20 et 25 minutes. Et il alternait entre des minutes de titulaire, où je défendais sur des gros joueurs comme Glenn Robinson, Ray Allen ou Jamal Mashburn et Allan Houston, et des minutes de remplaçants, pour que je m’adapte plus facilement au niveau de jeu. J’avais des séquences de 4 ou 5 minutes face à des All-Stars pour voir quel était le vrai niveau attendu, et ensuite des minutes face aux seconds couteaux pour pouvoir souffler [rires]. »
All-Star à 22 ans
Auteur d’une saison rookie très encourageante à 10 points, 5 rebonds et 2 contres de moyenne, qui lui vaudra une place dans le meilleur cinq rookie, Andreï Kirilenko va rapidement connaître le succès en NBA.
Puisqu’il récoltera, à 22 ans, sa première (et unique) cape All-Star dès sa troisième saison, en 2004.
« C’était un sentiment étrange, comme si quelque chose ne tournait pas rond, ou quand tu sais que ta vie ne sera plus jamais la même. Comme quand je suis arrivé dans la Ligue en fait. Après, je savais que je jouais bien, j’avais déjà été élu deux fois joueur de la semaine, j’avais fait de grands matchs et l’équipe tournait mieux que prévu. Je me doutais que je pouvais faire partie des 25 meilleurs joueurs de la Ligue mais, en même temps, j’étais encore un gamin, dans ma troisième année. Je me souviens, on était à San Antonio, et un « ball boy » ou un gars du staff des Spurs est venu me voir avant le match pour me féliciter d’être All-Star. Et j’ai dû faire un des pires matchs de ma carrière après [13 points, 6 rebonds tout de même, à 5/11 aux tirs, ndlr] ! Je me disais, je suis All-Star, je dois faire des actions de fou. Et puis, Coach Sloan est venu me voir pour me calmer, me dire de jouer mon jeu. C’était un peu accablant ! »
Talent précoce en passant pro dès l’âge de 15 ans à Saint-Pétersbourg, Andreï Kirilenko apprend vite à tous les niveaux. Il a ainsi rapidement obtenu ses lettres de noblesse avec un surnom qui lui a rapidement collé à la peau : « AK47 ». Parfait pour incarner son histoire et son parcours.
« Quand je suis arrivé à Utah, on jouait en ligue d’été et j’avais le numéro 13, qui était le numéro de ma mère et le numéro avec lequel j’ai fait la grande majorité de ma carrière. Mais quand on a commencé le camp d’entraînement, on avait récupéré John Amaechi, un pivot vétéran. En NBA, quand un vétéran débarque dans l’équipe, il a la priorité pour choisir son numéro. Il a choisi le 13 donc je devais en trouver un autre. Et Quincy Lewis, qui était le jeune gars avec qui je traînais dans l’équipe (il est d’ailleurs le directeur des relations avec les alumni – anciens joueurs – du Jazz), m’a suggéré de prendre le 47. Car, avec mes initiales, ça faisait AK47, qui est tout simplement un des produits russes les plus connus dans le monde. Je n’avais aucune autre idée donc j’ai choisi le 47. Depuis, c’est devenu une marque de fabrique. Ça collait parfaitement à mon parcours. Et encore plus, car ma ville natale de Izhevsk est là où les premiers AK47 ont été produits. C’était un surnom qui m’était prédestiné pour ainsi dire ! »
Fan de Wemby
Dans le second cinq défensif en 2004 et 2005, et enfin dans le meilleur en 2006, meilleur contreur de la Ligue en 2005, Andreï Kirilenko est tout simplement le prototype du couteau-suisse défensif dans le basket moderne. Il est également le seul joueur, avec Hakeem Olajuwon, à avoir réalisé plusieurs « 5 by 5 » en carrière (trois, contre six pour « The Dream »).
À ce propos, Andreï Kirilenko prédit que le jeune prodige tricolore des Spurs devrait prendre sa suite sur cet exploit statistique : « Victor Wembanyama va être monstrueux pour un paquet d’années à venir. Je peux vous le dire dès maintenant, il va battre mon record de « 5 by 5″ très rapidement [rires] ! »
Confronté aux rugueux Malone et Stockton, pas les derniers pour sortir les coudes sur les poses d’écrans, l’ailier russe a cependant retenu un autre nom plus méconnu de ses débuts dans l’Utah. Celui de DeShawn Stevenson, un personnage à part entière dans les années 2000.
« D-Steve était super explosif et très fort défensivement. Il était toujours sur ses appuis et je n’arrivais pas à le déborder en un-contre-un. Je partais en dribble mais le gars était toujours en face de moi. Il avait une vitesse incroyable pour réagir. Et puis, l’explosivité ! Dès qu’il avait la balle, c’était Vince Carter. Tu ne pouvais pas le laisser poser son appui près du cercle. Il fallait être présent aussi, sinon, tu allais être postérisé. »
Un autre nom, tout aussi improbable dans l’Utah, fut celui de Mark Jackson, le meneur vétéran passé de manière fugace en pays mormon en 2002. « J’ai beaucoup aimé jouer avec John Stockton mais Stockton recherchait toujours Karl Malone pour faire ses passes. J’ai donc préféré jouer avec Mark Jackson, parce que lui me cherchait moi sur le terrain ! Dès que j’étais ouvert, boum, j’avais la balle dans les mains ! »
Proche d’être échangé contre Boris Diaw
Encore productif pour son retour en NBA en 2012 dans le Minnesota, où il jouera notamment le rôle de grand frère à Nikola Pekovic et son compatriote Alexey Shved, Andreï Kirilenko tentera une dernière aventure chez un prétendant, à Brooklyn. Alors, comme il le révèle, qu’il aurait pu atterrir à San Antonio… contre Boris Diaw !
« Après Minnesota, je sentais bien que ma carrière NBA était sur la voie descendante. Même si je le voulais, je ne pouvais plus éviter les écrans comme nous le disait tout le temps Coach Sloan [rires]. J’étais encore capable d’apporter quelque chose mais je voulais essayer de trouver une équipe candidate au titre. Minnesota voulait m’échanger contre Boris Diaw. C’était une des rumeurs que j’entendais et ça me plaisait car San Antonio était une dynastie et j’aurais adoré jouer pour Popovich. Mais ça n’est pas arrivé car David Kahn a été remplacé par Flip Saunders et la franchise a pris une autre direction. Et puis Brooklyn a été racheté par un propriétaire russe, il y avait déjà D-Will que je connaissais, plus Brook Lopez et Joe Johnson. Quand ils ont récupéré KG, Paul Pierce et Jet Terry, c’était une évidence pour moi de signer là-bas ! C’était la dernière croisade, je voulais tenter cette expérience, plus celle de vivre à New York. On avait une chance de gagner le titre. On n’a pas réussi mais c’était un bon essai. »
Porte-drapeau aux JO 2008
Premier joueur russe de grande envergure en NBA, Andreï Kirilenko a ensuite été littéralement le porte-drapeau de sa nation, sur la scène olympique de Pékin en 2008.
Champion d’Europe à la surprise générale en 2007 en Espagne, et médaillé de bronze en 2011 à l’Euro balte, puis aux JO de 2012 à Londres, il avait réalisé une saison de mammouth en Euroleague avec le CSKA Moscou lors de l’année du lockout. Malheureusement privé du titre par un tir au buzzer de Giorgios Printezis pour l’Olympiakos.
« En Europe, on grandit avec l’idée que le plus haut niveau de basket est le jeu international, quand tu joues pour ton pays, et notamment aux Jeux Olympiques. C’était vraiment inscrit dans mes veines et dans mon sang. Du coup, dès qu’il y avait une compétition internationale, je voulais en être. Pour retrouver les gars avec qui j’ai grandi, et pour jouer pour soi-même, pour ses proches et son pays. Car il n’y a pas d’histoire d’argent en équipe nationale ! Je recommande toujours aux joueurs de jouer pour leur pays s’ils le peuvent, c’est une expérience tellement forte. On a réussi à remporter la médaille d’or en 2007 à l’Euro, puis une médaille de bronze aux JO en 2012 mais pour moi, le plus grand souvenir est en 2008 quand j’ai été nommé porte-drapeau pour mon pays. Je ne pense pas qu’il y ait un plus grand honneur que ça. »
Andrei Kirilenko | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2001-02 | UTH | 82 | 26 | 45.0 | 25.0 | 76.8 | 1.8 | 3.1 | 4.9 | 1.2 | 1.9 | 1.4 | 1.3 | 1.9 | 10.7 |
2002-03 | UTH | 80 | 28 | 49.1 | 32.5 | 80.0 | 1.8 | 3.4 | 5.3 | 1.7 | 2.3 | 1.5 | 1.7 | 2.2 | 12.0 |
2003-04 | UTH | 78 | 37 | 44.3 | 33.8 | 79.0 | 2.9 | 5.2 | 8.1 | 3.1 | 2.2 | 1.9 | 2.8 | 2.8 | 16.5 |
2004-05 | UTH | 41 | 33 | 49.3 | 29.9 | 78.4 | 2.2 | 4.1 | 6.2 | 3.2 | 2.5 | 1.6 | 2.2 | 3.3 | 15.6 |
2005-06 | UTH | 69 | 38 | 46.0 | 30.8 | 69.9 | 2.3 | 5.7 | 8.0 | 4.3 | 2.4 | 1.5 | 2.9 | 3.2 | 15.3 |
2006-07 | UTH | 70 | 29 | 47.1 | 21.3 | 72.8 | 1.3 | 3.4 | 4.7 | 2.9 | 2.5 | 1.1 | 1.9 | 2.1 | 8.3 |
2007-08 | UTH | 72 | 31 | 50.6 | 37.9 | 77.0 | 1.7 | 3.0 | 4.7 | 4.0 | 2.3 | 1.2 | 1.9 | 1.5 | 11.0 |
2008-09 | UTH | 67 | 27 | 44.9 | 27.4 | 78.5 | 1.3 | 3.5 | 4.8 | 2.6 | 1.9 | 1.2 | 1.8 | 1.2 | 11.6 |
2009-10 | UTH | 58 | 29 | 50.6 | 29.2 | 74.4 | 1.3 | 3.2 | 4.6 | 2.7 | 1.8 | 1.4 | 1.4 | 1.2 | 11.9 |
2010-11 | UTH | 64 | 31 | 46.7 | 36.7 | 77.0 | 1.6 | 3.6 | 5.1 | 3.0 | 1.8 | 1.3 | 1.8 | 1.2 | 11.7 |
2012-13 | MIN | 64 | 32 | 50.7 | 29.2 | 75.2 | 1.6 | 4.1 | 5.7 | 2.8 | 1.3 | 1.5 | 1.9 | 1.0 | 12.4 |
2013-14 | BRK | 45 | 19 | 51.3 | 20.0 | 51.3 | 1.2 | 2.0 | 3.2 | 1.6 | 1.4 | 0.9 | 1.2 | 0.4 | 5.0 |
2014-15 | BRK | 7 | 5 | 0.0 | 0.0 | 75.0 | 0.3 | 0.9 | 1.1 | 0.1 | 0.1 | 0.1 | 0.1 | 0.0 | 0.4 |
Total | 797 | 30 | 47.4 | 31.0 | 75.4 | 1.8 | 3.7 | 5.5 | 2.7 | 2.0 | 1.4 | 1.9 | 1.8 | 11.8 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.