Le documentaire « Untold : Malice At The Palace ! » disponible sur Netflix n’est pas forcément la meilleure publicité pour la NBA, à la différence des dernières productions de la plateforme, consacrées à Michael Jordan ou encore Tony Parker. Mais revenir sur les moments les plus sombres de l’histoire récente de la ligue peut aussi être un bon moyen pour éviter qu’ils ne se reproduisent.
Pour Jermaine O’Neal, parmi les acteurs principaux impliqués dans cette fameuse bagarre générale, lors de ce match opposant Detroit à Indiana le 19 novembre 2004, ce documentaire a finalement été un mal pour un bien. L’occasion de rouvrir une page douloureuse de sa carrière, qui le hantait encore jusqu’à aujourd’hui, pour mieux clore le chapitre.
Un sujet toujours sensible, même 17 ans après
Depuis 17 ans, il ne se passe pas une semaine sans que Jermaine O’Neal ne soit interpellé, sur les réseaux sociaux ou au quotidien, au sujet de ce triste épisode. Comme si celui-ci résumait aujourd’hui la carrière d’un joueur six fois All-Star tout de même.
« C’est un sujet très sensible pour moi », a-t-il déclaré dans un entretien accordé à Complex. « J’ai tellement d’amour et de respect pour les Pacers, pour la NBA, pour les fans, car ils nous soutiennent de bien des façons. Mais c’était une nuit difficile. C’était une nuit très dure. »
Le pivot s’est donc fait violence, guidé par le besoin de raconter sa version des faits via un témoignage cathartique, une bonne fois pour toute.
« Je voulais le faire. Je n’ai pas été interrogé pour en parler. Et c’est vraiment la raison pour laquelle je voulais le faire, parce que la perception des gens et les informations qui circulent ne sont pas nécessairement la vérité », a-t-il précisé, ajoutant que son image vis-à-vis du grand public avait définitivement changé depuis ce jour. « C’est la chose qui a été un peu sacrifiée : la façon dont les gens me considéraient en tant que personne. Je ne m’en souciais pas autant en tant que joueur, parce que j’étais agressif sur un terrain. Mais quand vous vous éloignez de tout ça et que vous voyez des gens qui vous regardent de travers, comme si vous étiez un voyou qui ne tient pas à la vie, c’est un vrai problème pour moi. »
Pas d’auditions, mais de grosses sanctions
A la différence des interventions de ses acolytes, Stephen Jackson, Ron Artest, voire Reggie Miller dans une moindre mesure, Jermaine O’Neal se démarque par sa mesure et sa lucidité au cours du documentaire, se replongeant souvent dans ses souvenirs avec le visage grave.
« Je n’étais pas mal à l’aise pour en parler », a-t-il ajouté. « Il y a beaucoup d’émotion derrière tout ça, évidemment, en ce qui me concerne. Il est important pour moi de dire ce qu’il en est réellement et que les gens puissent en retirer la perception qu’ils en ont. La seule chose sur laquelle on me pose des questions, chaque semaine, quand on me voit et alors qu’on ne m’a jamais rencontré auparavant, c’est cette fichue bagarre et ça me fatigue. »
O’Neal en a donc profité pour livrer sa vérité. Son principal regret par rapport à cette affaire a été de ne pas avoir été entendu ou auditionné pour délivrer son point de vue devant les dirigeants de la NBA. Ces derniers (pour ne pas dire David Stern seul) ont ainsi pris leurs sanctions avec les images des caméras pour uniques témoignages, faisant plutôt passer les Pacers, pourtant en infériorité numérique, pour les agresseurs.
« Il y a beaucoup d’informations qui auraient pu être utilisées, mais on a choisi de ne pas le faire parce qu’à l’époque, les gens en avaient peur. Bien que je sois un ancien de la NBA, que je l’aime, qu’elle m’ait donné l’occasion de m’occuper de ma famille pendant plusieurs générations, je comprends qu’il s’agit d’une question de fond qu’ils doivent aborder avec les 30 propriétaires. Cette partie m’a dérangé. Cela m’a dérangé, un peu, que les Pacers ne se soient pas levés et n’aient pas dit ce qu’ils auraient dû dire. »
« Que feriez-vous dans une salle où il y a 18 000 personnes, avec des gens qui sautent par-dessus les sièges, lancent des chaises et qui font toutes ces choses qui n’ont rien à voir avec un match de basket ? »
Au-delà du fait d’avoir vu les sacrifices de toute une carrière partir en fumée en l’espace de quelques minutes, alors que les Pacers étaient programmés pour gagner le titre cette année-là, la dernière de la carrière de Reggie Miller, Jermaine O’Neal n’a jamais accepté sa suspension de 25 matchs. C’était la deuxième plus grosse sanction pour un joueur derrière Ron Artest dans cette histoire, sans oublier une privation de salaire de plus de 4 millions de dollars.
La NBA a vu son crochet adressé à un fan de Detroit venu en découdre sur le terrain et s’en est tenue à ça. Pour prouver son bon droit, le joueur a alors poursuivi la NBA en justice, et a gagné.
« J’ai poursuivi la NBA en justice, je suis passé par un arbitrage, devant un juge fédéral, j’ai gagné et j’ai été réintégré dans mon équipe parce que le juge a dit que j’avais le droit, et c’est important, de faire ce que j’ai fait. Beaucoup de gens ne le savent pas. Certains des consultants les plus respectés, et des personnes que je respecte dans les médias, se sont mis à parler de choses qu’ils ne connaissaient même pas vraiment. »
A l’arrivée, Jermaine O’Neal n’a purgé que 15 de ses 25 matchs initiaux de suspension. Le fan est en effet arrivé sur le parquet avec l’idée de se battre et n’avait évidemment rien à faire là. On peut alors considérer que le pivot a agi en légitime défense, face à ce qui pouvait être considéré comme une agression. Un crochet à moitié raté, fort heureusement pour le fan des Pistons, qu’il regrette toujours aujourd’hui, avouant avoir lui aussi été dépassé par l’ampleur des événements.
« Je vous le demande : que feriez-vous dans une salle de 18 000 personnes avec des gens qui sautent par-dessus les sièges, lancent des chaises et qui font toutes ces choses qui n’ont rien à voir avec un match de basket ? Que feriez-vous ? Je dois dire aussi que les gens regardent le coup de poing que j’ai mis et c’est quelque chose dont ils parlent toujours. Ils ne se rendent pas compte que je venais juste de dégager un gars qui venait de derrière moi et m’attrapait par le cou. J’ai regardé à ma gauche et j’ai vu Anthony Johnson, qui avait une main cassée. J’ai couru là-bas et j’ai frappé cette personne, parce qu’à ce moment-là, il s’agit de se protéger et de protéger les autres. »
Les récents événements ayant impliqué fans et joueurs ont rappelé qu’il ne suffisait pas de grand-chose pour qu’une situation dégénère. Comme ce fameux soir, lorsqu’une échauffourée, finalement assez banale, s’est transformée en « Royal Rumble » géant, au moment où Ron Artest a reçu une boisson sur le corps depuis la table de marque lancée depuis la tribune, et a choisi de se faire justice tout seul, en s’en prenant au passage à la mauvaise personne…
L’objectif pour lui était donc de pouvoir tourner la page, mais aussi d’offrir un rappel aux fans, quant à ce qu’ils peuvent faire et surtout ne pas faire au cours d’un match.
« Il s’agit simplement d’éduquer les gens à ce sujet. J’étais juste à Las Vegas pour entraîner l’équipe de mon fils. J’ai dû être approché dix fois pour en parler. Donc pour moi, il s’agit plutôt d’avancer dans ma vie, de raconter l’histoire et de faire en sorte que le plus grand nombre de personnes possible puissent la raconter », a-t-il précisé. « Ce que l’on a appris, c’est qu’un équilibre doit être trouvé et un niveau d’éducation doit être atteint avec les fans. Lorsque vous venez dans la salle, nous aimons l’atmosphère où ils peuvent huer et dire toutes sortes de choses, car c’est l’essence même de l’esprit de compétition en terrain adverse. Mais vous devez comprendre que vous ne possédez pas les joueurs parce que vous avez acheté un billet. Je dirai ceci en conclusion : ne faites jamais rien dans les tribunes que vous ne feriez pas dans la rue en face-à-face. »