Au moins cette année, on ne se posera même pas la question : l’équipe américaine envoyée fin août en Chine n’aura rien d’une « Dream Team ». On le savait depuis un moment déjà avec les défections annoncées de quelques membres du gratin NBA (LeBron James, Kawhi Leonard, Stephen Curry…). Mais la publication de la liste des 20 joueurs pré-sélectionnés, le 10 juin dernier, avait de quoi « rassurer » tout fan américain.
Depuis le 15 juillet, une toute autre histoire s’écrit avec cette sélection. Ce jour-là, Anthony Davis est le tout premier à sauter du navire américain. Quatre jours plus tard, James Harden en fait autant. La décision des deux meilleurs joueurs de l’équipe enclenche un impressionnant effet boule de neige. Bradley Beal, C.J. McCollum, Damian Lillard, Eric Gordon, Kevin Love, Tobias Harris…
Même des appelés de dernière minute comme Montrezl Harrell ou JJ Redick décident de passer leur tour.
En attendant les Jeux olympiques…
Bilan des comptes ? « Seulement » cinq All-Stars, et une tête d’affiche répondant au nom de Kemba Walker. NBC Sports va plus loin en soulignant que le nouveau meneur des Celtics est le seul joueur de l’équipe a avoir été nommé dans une « All-NBA Team » cette année. Le média américain s’est reposé sur cette donnée pour mesurer le « Star Power » de chaque sélection selon la compétition.
En instaurant un simple système de points : cinq points pour un membre de Team USA nommé dans la « All-NBA First Team » l’année de la compétition, trois points en « Second Team » et un point en « Third Team ». Voici le résultat avec des colonnes rouges pour les Jeux Olympiques et bleues la Coupe / Championnats du monde. En fond, la couleur de la médaille obtenue.
Sans surprise, un premier constat se dégage : les Jeux olympiques attirent bien davantage les vedettes NBA. Il semble évident que la proximité entre cette Coupe du monde et les JO de Tokyo, qui aura lieu l’année suivante, a eu un impact sur les joueurs. Zapper la Chine pour mieux se rendre au Japon ? C’est une perspective imaginée par Stephen Curry ou LeBron James.
Un « coaching staff » pourtant exceptionnel
Le tableau fait également remarquer que Team USA 2019 dispose d’une force de frappe théorique comparable à la période noire des sélections américaines : de 1998 à 2006. Une quasi-décennie marquée par des déconvenues historiques pour le basket américain, sur la scène internationale. « C’est de l’histoire ancienne », assurait il y a un an Jerry Colangelo, se félicitant de l’hégémonie retrouvée.
Ce dernier a été le principal acteur de la restructuration de « USA Basketball ». Un travail sur le long terme qui s’incarne aujourd’hui avec un « coaching staff » exceptionnel : Gregg Popovich en coach principal, assisté par Steve Kerr et Jay Wright. Difficile de faire mieux en la matière, mais argument insuffisant donc pour la plupart des gros noms de la ligue.
Damian Lillard « snobe » après avoir été snobé…
L’approche des JO ? On peut voir la chose dans l’autre sens : la Coupe du monde est une occasion de porter le maillot américain alors que la compétition olympique, davantage convoitée, fait multiplier les candidatures et donc les potentiels déçus.
C’est d’ailleurs assez ironique de rappeler que Damian Lillard, qui vient de faire l’impasse sur l’équipe, avait été évincé de l’effectif en 2014 puis non-sélectionné pour les JO 2016… “C’est toujours un de mes objectifs en carrière, de jouer pour cette équipe », assurait à l’époque celui qui aurait pu rayonner sur la sélection d’aujourd’hui.
Autre donnée qui peut surprendre avec ces défections en masse, c’est le lieu de la compétition : la Chine. Un marché chinois de plus en plus dynamique et qui ne cesse de faire saliver la grande ligue. On imagine que certains équipementiers ou sponsors auraient été ravis de voir leurs vedettes briller là-bas… À moins que, encore une fois, l’idée de se rendre au Japon l’année suivante ne suffise pour toucher la communauté asiatique.
La ligue déboussolée par une folle intersaison
Alors que des têtes d’affiche comme Rudy Gobert, Nikola Jokic ou bien sûr Giannis Antetokounmpo porteront le maillot national, les stars américaines ont fait savoir que leur priorité était leur situation en club. Raison la plus fréquemment invoquée par les absents. Cet argument se tient dans la mesure où la ligue vient de connaître une « free agency » historique.
Beaucoup d’équipes se retrouvent ainsi chamboulées. Pas toujours évident de s’adapter à une formation « neuve » en participant à une compétition qui doit se terminer à la mi-septembre, soit quelques semaines avant la présaison. “Beaucoup de ceux qui ont renoncé viennent de signer leur nouveau contrat”, rappelle à juste titre Evan Fournier, dans une récente interview chez L’Équipe. “Ça doit souvent être un deal avec leur équipe”.
« Pas une équipe de pipes »
Mais le constat de l’arrière va plus loin : “Ce qui est surprenant, c’est que des mecs qui n’ont jamais fait Team USA refusent. Mais après, tu veux leur dire quoi ? Ils mettent branlée après branlée aux équipes internationales. Pourquoi seraient-ils si déterminés ? Tu crois vraiment qu’ils ont envie ? Tant qu’on ne les tapera pas…”
Manque de motivation, donc ? Et si la réaffirmation de l’amour pour le maillot américain passait par une nouvelle défaite, comme au début des années 2000 ? Il est encore trop tôt pour le dire, d’autant que comme le dit Evan Fournier : “Même s’ils sont sans leurs superstars, les gars ne se pointent pas non plus avec une équipe de pipes”.
L’effectif a évidemment une toute autre allure que l’équipe composée de joueurs de G-League qui a qualifié les États-Unis pour la compétition. Business Insider s’interrogeait d’ailleurs récemment : si ce phénomène de défections venait à se reproduire, pourquoi ne pas récompenser ceux qui ont permis la qualification ?
Un remake de 2010 ?
D’autres, comme “l’insider” Shams Charania voient en cette sélection 2019 des caractéristiques similaires à l’équipe de 2010. Kevin Durant, Derrick Rose, Russell Westbrook, Stephen Curry… Ces vedettes émergentes, qui n’avaient pas encore 23 ans, sont allées chercher l’or. Bis repetita pour la génération Donovan Mitchell, Jayson Tatum, Jaylen Brown et Kyle Kuzma ?
Les prochaines semaines le diront. En attendant, Jerry Colangelo ne semble pas inquiet. “Il n’y a pas de panique”, livrait récemment celui qui réclamait justement de la jeunesse dans ce groupe. “Ce sera peut-être plus disputé mais on est en mesure de monter une équipe très compétitive. Le format dans lequel on jouait tous les deux ans était bon. […] On avait une liste initiale, je ne suis surpris par aucune des défections. »
Une mauvaise surprise peut-il attendre ce dernier, le 15 septembre ? Les parieurs ne semblent pas y croire…