Le 17 août dernier, le plus grand joueur de l’histoire du basket français a achevé sa carrière internationale. Certes, la fin fut triste mais Tony Parker aura tout de même marqué l’équipe de France de son empreinte. Champion d’Europe en 2013, vice-champion d’Europe en 2011, médaillé de bronze à l’Euro 2005 puis 2015 mais aussi champion d’Europe junior en 2000, le meneur aura été le fer de lance d’une génération brillante, qui a porté les Bleus vers des sommets jamais atteints.
Ancien journaliste à Basket Hebdo et BasketNews, désormais rédacteur en chef de Basketball Magazine, l’organe de la Fédération Française de Basket-Ball, Julien Guérineau est bien placé pour raconter cette épopée puisqu’il a couvert 9 championnats d’Europe, 4 championnats du Monde et 3 Jeux olympiques depuis 1997. Et qu’il était le seul journaliste présent lors du championnat d’Europe juniors, en 2000, en Croatie.
Dans « Tony Parker, son parcours en équipe de France » (24,95 € | 176 pages), sorti aujourd’hui, il revient sur l’itinéraire de l’enfant prodige du basket français en bleu. De ses débuts chez les U16 en 1996 à ses adieux aux Jeux olympiques de Rio en 2016, l’ouvrage évoque l’intégration pas toujours simple du meneur dans les équipes de jeunes et chez les séniors, mais aussi les années difficiles, les espoirs brisés et la montée en puissance jusqu’au titre si attendu obtenu (enfin) en 2013.
L’obsession de la victoire et l’exigence du quadruple champion NBA sont un fil rouge dans un livre rempli d’anecdotes et de petits trésors, comme cette fiche d’évaluation remplie par Tony Parker à 14 ans. Un joli cadeau de Noël pour ceux qui veulent faire découvrir la personnalité du joueur et son influence sur l’équipe de France.
En vente sur : FFBB Store | Amazon | FNAC | Place des Libraires
Interview de Julien Guérineau, rédacteur en chef de Basketball Magazine et auteur du livre |
Quelle est la genèse de ce livre ?
« À l’issue de l’Euro 2015, on savait de manière définitive que Tony allait prendre sa retraite internationale. Je pensais qu’il fallait marquer le coup parce que si on ne le faisait pas pour lui, on ne le ferait pour personne. Il venait d’être le meilleur marqueur de tous les temps à l’EuroBasket et je pense qu’encore une fois, c’est quelque chose qu’on a sous-évalué, comme son nombre de titres NBA. Il transforme l’exceptionnel en banal et on ne fait presque plus attention. J’avais donc proposé à Raymond Bauriaud [directeur marketing et communication de la FFBB] de faire un livre hommage, et ça a été acté. À partir de décembre 2015, j’ai passé les premiers coups de fil à ses anciens entraîneurs, principalement ses entraîneurs chez les jeunes. On a traité ça de façon chronologique donc le premier coup de fil était pour Lucien Legrand ».
« Il y avait déjà eu des biographies sur Tony, notamment d’Armel Le Bescon, et pas mal de choses écrites sur son parcours, principalement en NBA d’ailleurs. Donc l’idée, c’était de faire un livre uniquement sur son parcours en équipe de France, sans aborder la NBA. Un livre 100% équipe de France. Le hasard a voulu qu’en faisant les recherches, on s’est aperçu que sa première convocation avait eu lieu en novembre 1996 donc ça faisait exactement vingt ans. Ça tombait bien ».
Cela fait partie d’un plan plus global d’hommage à Tony Parker de la part de la FFBB ?
« Le Président a évoqué la possibilité éventuelle d’un match de gala mais ça ne dépend pas uniquement de la Fédération puisqu’il y a pleins de choses qui rentrent en ligne de compte. La salle ? La disponibilité des joueurs ? Quand ? Où ? Avec qui ? Là, on voulait quelque chose qui se réalise rapidement après sa retraite internationale pour marquer le coup parce que je pense que pas mal d’efforts sont faits sur la promotion de l’histoire du basket français et même si c’est une histoire récente, c’est quelqu’un qui l’aura complètement marquée ».
Il y a aussi eu le documentaire « Génération Parker ».
« Oui, même si ce n’est pas un produit « fédéral ». C’est une boîte de production qui avait ce projet en tête et qui a eu quelques difficultés, notamment au niveau d’obtention d’images. La Fédération a accompagné et aidé les producteurs mais ce n’est pas un produit fédéral. Là, c’est un livre qui est édité par la Fédération. Il y en avait déjà eu d’autres par le passé : Eurostars en 2011 après la médaille d’argent et Champions en 2013, après le titre européen. Là, c’est encore une édition fédérale sauf qu’on a signé un partenariat avec un distributeur qui fait que le livre est beaucoup plus largement distribué puisqu’il est disponible sur Amazon, à la FNAC et dans pas mal de librairies et de centres commerciaux ».
Le fil rouge du livre, c’est l’exigence de Tony Parker envers lui-même et envers les autres. C’est la première chose qui revient chez ceux qui l’ont côtoyé chez les Bleus depuis ses débuts ?
« Il y a deux choses qui reviennent : l’obsession pour la victoire, permanente. Il ne pense qu’à ça et il le dit. S’il n’avait pas gagné en 2013, il aurait sans doute continué un an de plus, en 2017, parce qu’il voyait une fenêtre. C’est un calculateur, pas dans un sens péjoratif, mais il voyait bien les fenêtres qui se présentaient à lui pour atteindre ses objectifs. »
« Et l’autre chose, c’est en effet l’exigence permanente et la pression indirecte qu’il met sur tous les staffs de l’équipe de France qui ont pu se succéder. Parce que c’est une star NBA qui est habituée à certains standards de jeu, d’organisation ou de soins médicaux et que sa présence a fait radicalement évoluer l’équipe de France. Quand on compare l’équipe de France à son arrivée en 2001 et à son départ en 2016, en termes de moyens et de staff, ça n’a rien à voir. Ça a sans doute été multiplié par trois ou quatre en terme d’accompagnement. Ce n’est pas dû uniquement à lui puisqu’il y a d’autres joueurs NBA mais c’est lui qui a lancé la machine ».
« On le sent quelque fois, même si c’est dit sur le ton de la boutade. Jacky Commères explique ainsi qu’il « lui fout la trouille parfois » mais c’est une réalité. Tout le monde est entre guillemets sous pression quand Tony Parker arrive en équipe de France et sait que chacun dans son domaine doit être irréprochable et performant, parce qu’il n’attend rien de moins. Que ce soit le kiné, l’attaché de presse ou tous les corps de métier représentés dans le staff, ils doivent être au top ».
L’autre fil rouge, c’est la découverte de la cohabitation avec la NBA.
« Ça parait préhistorique mais après Tariq Abdul-Wahad et Jérome Moïso qui sont tous deux passés par le système américain et qui n’ont pas fait une longue carrière en équipe de France, Tony Parker est vraiment celui qui fait le pont entre les deux univers. Petit à petit, les Spurs deviennent des partenaires forcés de la Fédération Française de Basket. Les relations sont surtout compliquées parce que des blessures arrivent très vite et les responsables français découvrent qu’on ne leur laissera rien passer, que la confiance n’est pas forcément très forte et que celui qui n’était qu’un rookie prend rapidement une nouvelle dimension ».
« Les Spurs sont donc hyper attentifs à tout ce qui peut lui arriver, d’autant qu’ils avaient eu une mauvaise expérience avec Manu Ginobili et les médecins argentins qui avaient envoyé des vraies fausses radios puisqu’il s’agissait de vraies radios mais que ce n’était pas la cheville de Manu Ginobili [au Championnat du monde 2002, pour que l’arrière puisse jouer la finale]. Ça a créé une méfiance qu’il a été compliqué de changer. Ce n’est pas une bagarre pour venir en équipe de France puisque Patrick Beesley [le DTN] a bien expliqué qu’au bout de quelques années, Tony Parker avait acquis un statut qui lui permettait de venir chez les Bleus très normalement. Par contre, au moindre petit doute sur son état de santé, il y avait de vraies tensions et ça montait très vite. Au début, il y avait juste un échange entre médecins puis ça finissait très rapidement avec le propriétaire qui s’en mêlait ».
« Les aventures médicales de Tony Parker en équipe de France, ce sont des épisodes importants qui font sourire les intéressés des années après, quand ils se rappellent des choses qu’ils ont dû faire, en allant notamment faire des radios dans des hôpitaux militaires. Même si sur le coup, ça n’a pas fait rire grand-monde. Forcément, on rentre dans des coûts salariaux qui font que les équipes ont envie d’avoir le dernier mot, et c’est logique ».
Son Top 5 personnel des moments de Tony Parker en équipe de France |
1. La médaille d’or au championnat d’Europe juniors 2000
« À titre personnel, ce titre de champion d’Europe 2000 restera n°1 pour toujours. Parce que j’avais 23 ans, que je venais juste de commencer dans le métier et que je m’étais payé moi-même mon déplacement en Croatie. Je m’étais payé l’hôtel et tout le reste, juste parce que j’aimais bien les compétitions de jeunes et que je les avais suivis en qualification à Saint-Quentin et que j’avais voulu aller jusqu’au bout ».
« J’ai pu tisser une relation avec les joueurs et le staff là-bas, alors que j’étais tout seul, puisqu’il n’y avait pas de journalistes. J’étais dans la chambre de Boris Diaw et Tony Parker avant les matchs, j’étais au bord de la mer avec eux, ils faisaient arrêter le bus quand ils allaient à l’entraînement et qu’ils me voyaient marcher sur la route, pour me faire monter. Ce sont des choses qui ne pourront plus se passer, quoiqu’il arrive, même avec des jeunes aujourd’hui. Leur approche a changé, ils sont beaucoup plus pros, beaucoup plus conscients de leur valeur et de l’intérêt qu’ils peuvent susciter alors qu’eux, à l’époque, étaient totalement « vierges ». Un joueur comme Mickaël Pietrus, c’est à peine s’il avait fait une interview dans sa vie, à cette époque-là. À titre personnel, ce sont donc des souvenirs uniques ».
« La finale avait fini à minuit et j’étais au téléphone avec un journaliste de L’Equipe, pour lui raconter en live ce qu’il se passait. Quand ils ont gagné, tous les joueurs m’ont sauté dessus et m’ont vidé une bouteille d’eau sur la tête, Tony Parker criait : ‘T’as bien fait de venir ! T’as bien fait de venir !’ À titre personnel, celui-là est donc au-dessus de tout et c’est ma plus belle émotion basket. Alors, c’est aussi l’une des premières mais je ne l’ai partagée avec personne. Egoïstement, et peut-être de façon prétentieuse, c’est donc le n°1 et de loin ».
2. La médaille d’argent au championnat d’Europe 2011
« Paradoxalement, ce n’est pas la victoire de 2013 mais plutôt 2011 ensuite. Pas mal de gens ont cette même vision parce que c’était un championnat d’Europe extraordinaire, en terme de niveau de jeu notamment. À cause de l’endroit aussi puisque c’est un pays de basket et qu’il y a du basket partout. C’était un Euro très long et ils ont joué de manière merveilleuse pendant environ 15 jours. Donc celui-là est particulier ».
« En plus, Tony Parker est quand même quelqu’un qui affiche très peu d’émotions et son départ en est l’illustration parfaite. Il est parti comme il est arrivé. Personne n’a pleuré, personne ne l’a pris dans ses bras. Il a continué sa route. Même si elle se terminait avec l’équipe de France, elle se poursuivait ailleurs, ça lui correspond bien ».
« Mais en 2011, il était extrêmement ému de parvenir enfin à se qualifier pour les Jeux ».
3. La médaille d’or au championnat d’Europe 2013
« Forcément, parce que les joueurs qui avaient tant couru après cet objectif l’ont obtenu. Le titre de champion d’Europe, la fête qui a suivi et surtout l’accueil du public parce qu’on avait rarement vu ça en France, que ce soit à l’aéroport, dans les magasins ou quand ils ont fait un petit tour. L’accueil des médias, l’intérêt que ça a suscité. Là, il s’est passé quelque chose qu’on n’avait jamais vue autour d’une équipe de France de basket ».
4. La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres en 2012
« Même si je ne l’ai pas vécu, de ce que les gens racontent, et notamment Boris Diaw, on sent que Tony Parker avait pleinement pris conscience qu’il était là où il voulait être, même si ce n’est pas vraiment un souvenir sportif. Ça l’avait vraiment ému et même si ce n’est pas sur un terrain de basket, c’est quelque chose qui l’a marqué ».
5. Le départ lors des Jeux olympiques de Rio en 2016
« Parce que ça reste un peu triste. Manu Ginobili est parti le même jour avec 15 000 Argentins qui faisaient la fête dans les tribunes, tous ses coéquipiers en larmes. La différence de départ entre les deux est assez marquante et je pense que la façon dont ça s’est terminé n’est pas forcément ratée. Il était aux JO, ils ont perdu un match en quart de finale, même si la manière n’était pas au rendez-vous. C’est juste que ça n’a pas permis de prendre conscience de la valeur du joueur qui s’en allait. La page Tony Parker s’est finie à ce moment-là, trop vite, sans qu’on ait l’occasion de rendre un vrai hommage. C’est une pointe de tristesse qui fait partie du personnage ».