Alors que l’équipe reste sur la pire saison de son histoire (17 victoires – 65 défaites), plusieurs d’entre vous sont nostalgiques du New York des années 90. Nous vous proposons un petit voyage dans le temps. 1991. Depuis des lustres, les Knicks passent pour des pommes avec quatre défaites au premier tour.
Pour Patrick Ewing (53 ans aujourd’hui) et ses potes, c’est la honte. L’Amérique n’aime pas les losers. Mais Pat Riley, le coach aux quatre titres NBA, traverse tous les States pour relever le défi…
Le Madison Square Garden est à deux pas de Broadway. A première vue, pas vraiment de concurrence. Et pourtant… Les New York Knicks sont en train d’y monter un spectacle de qualité. Titre de l’événement : « Le Beau et la Bête ». Pat Riley et Pat Ewing en stars du show et une tripotée de seconds rôles remarquables. Après des années d’échecs et de bides, les Knicks ressuscitent et la ville entière est en émoi. Compte tenu des navets réalisés par les équipes locales de base-ball et de football américain, le New-Yorkais n’en espérait pas tant. L’association des deux Pat ? Epatante (facile, c’est vrai). Riley « the Beautiful », avec ses beaux costards et ses cheveux gominés, se charge de la mise en scène. L’ancien entraîneur des Lakers n’a pas d’équivalent pour exploiter les gros potentiels. Ewing « the Beast » n’allait pas bien à la fin de la saison 1990-91. Ecœuré. Après l’élimination au premier tour des playoffs contre les Bulls (3-0), sa décision était presque prise.
« Je voulais partir d’ici. On se plantait régulièrement. Et puis Coach Riley est arrivé. Ç’a changé beaucoup de choses. »
En fin psychologue qu’il est et avec son image de winner (quatre titres avec les Lakers), Pat Riley a convaincu Ewing. Avec en plus, disent certaines mauvaises langues typiquement new-yorkaises, une prolongation de contrat de deux ans qui lui fera gagner 9 millions de dollars par saison en 1995 et 1996. Résultat, Pat « la Bête » montre l’exemple. De différentes manières. 25 points et 10 rebonds par match avec en plus, par rapport aux années précédentes, une véritable attitude de leader. Il communique plus, encourage, râle, tape des mains…
« Avant, je pensais que faire mon boulot suffisait. Mais apparemment, cela n’était pas le cas. »
Et cela avait tendance à énerver les fans du Garden qui trouvaient qu’Ewing gagnait beaucoup d’argent un peu trop facilement. Au début de la saison, pour la première des Knicks, des « Bouh ! » significatifs saluèrent son arrivée sur le terrain. A présent, Pat est l’idole de la ville. Merci, coach.
« On connaît son palmarès, on sait qu’il est ici pour longtemps (ndlr : il s’en ira en 1995…), ce qui n’était pas toujours le cas avec les entraîneurs précédents. Et puis on a enfin une vraie équipe », commente avec un grand sourire le grand Pat.
Magic Johnson : « La formule Riley ? Esprit de famille et travail ! »
Autour d’Ewing, Riley a placé les pions qu’il fallait à tous les postes. A l’arrière, deux meneurs parfaits dans leur rôle. Mark Jackson, le gars du coin, universitaire à St. John’s, est revenu à son meilleur niveau. Physique, sûr, appliqué comme on l’aime. Et le rookie Greg Anthony, débarqué de UNLV avec son enthousiasme, ses jambes, ses prises de risques calculées et sa patte gauche. Parfait pendant de Jackson. En prime, ils ne se font pas d’ombre.
« On veut former la meilleure paire de NBA », annonce Mark Jackson.
Pour arroser de l’extérieur, Gérald Wilkins et John Starks. On connaît le frère de Dominique. Une valeur sûre comme on dit. Mais Starks ? C’est l’une des surprises de Riley. Le petit John peut se la jouer selon l’humeur. A longue distance, comme contre Seattle où il aligne un 5/5 du plus bel effet. Ou alors de près, comme quand il va smasher à deux mains sur Sam Bowie ou quand il dépose un sweet lay-up au-dessus des géants de Chicago. Sorti de CBA, Starks n’a peur de rien. Et quand, avec Greg Anthony, il déclenche la défense tout-terrain, l’adversaire rame. Méfiez-vous aussi de Xavier « X-Man » McDaniel, chauve avec un corps d’acier. Comme l’intéressé a discipliné son jeu, ça fait mal. On parle de discipline. Alors, Lieutenant Oakley, avancez. Le gros Charles travaille dans l’ombre mais n’usurpe pas ses galons. Jamais de tirs forcés, des blocks, des rebonds et du muscle. C’est l’élément indispensable. Sur le banc, des trésors, encore. Kiki Vandeweghe, l’un des plus grands shooteurs de la Ligue, vieillissant certes mais à ne jamais laisser traîner dans un coin. Brian Quinnet, le beau gosse de l’équipe. La vaillance personnifiée, associée à un bon shoot extérieur. Enfin, le surprenant et regretté Anthony Mason. Lui aussi sort de CBA. 24 minutes de jeu par match et 8 rebonds. Pas mal pour un prétendu bouche-trou ! Une belle équipe, vraiment. La plus grande performance de Riley est de faire jouer tout ce monde ensemble. Et bien. Il a formé ce groupe, lui a inculqué ses valeurs. Magic Johnson, de passage à « Big Apple », l’a confirmé :
« La formule Riley, c’est esprit de famille et travail. Il l’a appliquée à Los Angeles, il le fera à New York. »
Et comme en Californie, Riley l’élégant refuse la défaite. Alors, on se défonce, quoi qu’il arrive. Les Knicks ont plusieurs fois remonté des déficits importants pour l’emporter sur le fil. Volonté et confiance.
« On n’abandonne plus, on est conscients de ce qu’on veut. Même quand on est loin derrière au score, on continue de jouer. De toute façon, Riley nous pousse sans arrêt », explique Gerald Wilkins, ravi d’avoir tapé son frère à Atlanta après deux prolongations (les Knicks avaient remonté 10 points dans les deux dernières minutes du temps réglementaire).
Tout beau, tout Knick ? Riley calme le jeu.
« Ça commence à prendre tournure. Pat (Ewing) a compris qu’il pouvait faire partie des joueurs inarrêtables de NBA. Son jump shot autour ou dans la raquette est une arme absolue. A l’image du bras roulé de Kareem Abdul-Jabbar. On défend mieux et on fait de bonnes contre-attaques. Mais on n’est pas arrivés, loin s’en faut. »
Deux obstacles infranchissables : Michael Jordan et Hakeem Olajuwon
Arrivés où ? A la hauteur de l’épopée des Lakers. C’est vrai que cela pourrait y ressembler. Il y a déjà des bribes de showtime sur le terrain et dans les tribunes. Les célébrités new-yorkaises passent souvent par le Garden. Spike Lee, Kathleen Turner, Rob Lowe, entre autres, sont des habitués du premier rang. La célèbre salle de « Gotham » fait enfin le plein. La ville entière est derrière les Knickerbockers et leur coach. Les yuppies de Wall Street ont enfin une passion commune avec les gangs du Bronx. Un miracle ! Seul problème pour les artistes : les théâtres de Broadway se vident les soirs où il y a match dans l’arène d’à côté.
Une arène qui va vibrer pendant trois ans avec une superbe montée en puissance : demi-finale de conférence en 1992 ; finale de conférence en 1993 et enfin finale NBA en 1994. Hélas, pour les deux Pat, des extra-terrestres se dressent devant eux. C’est d’abord Michael Jordan et les Bulls, puis Hakeem Olajuwon et les Rockets. A chaque fois, New York s’incline face au futur champion. A chaque fois, il n’a pas manqué grand chose…
L’année suivante, c’est Reggie Miller qui les écoeure avec notamment ses 8 points en 9 secondes dans le Game 1. Pire, Ewing manque le plus facile dans les dernières secondes du Game 7. New York est éliminé. Ewing se fait opérer du genou, et Riley s’en va. Direction Miami où il va devenir l’ennemi numéro 1 des Knicks. Les deux Pat seront adversaires en playoffs quatre années de suite, de 1997 à 2000 ! Le bilan : Ewing 3 – Riley 1. Le nombre de titres ? 0.
PORTRAITS DE RILEY BOYS
Charles Oakley, solide comme un chêne
John Starks, stars and stripes
Pat Ewing, Empire Knick Building