On l’appelait Marvin « Bad News » Barnes. Un surnom qui en dit long sur la carrière agitée de l’ailier, passé par l’ABA avant de rejoindre la NBA. Après une vie marquée par la violence et la drogue, Marvin Barnes est décédé il y a dix jours. Portrait d’un talent perdu dans la cocaïne.
Un basketteur de talent mais incontrôlable
Marvin Barnes naît à Providence, dans l’Etat de Rhode Island, le 27 février 1952. C’est là, dans les quartiers noirs de cette grande ville de la région de Boston, qu’il grandit dans des conditions très dures. Son enfance ? « Horrible », voilà tout ce qu’il voulait dire sur le sujet.
Personnage réputé très attachant et charmeur, Marvin Barnes était également colérique et violent. Au lycée, il avait ainsi participé à l’attaque d’un bus avec un gang. Il avait rapidement été identifié par la police parce qu’il portait le blouson de champion de son Etat avec son nom écrit dessus…
En 1972, alors qu’il s’est imposé comme l’un des joueurs les plus talentueux de NCAA (21.6 points et 15.7 rebonds de moyenne dans sa première année), il doit à nouveau faire face à la justice après avoir agressé un coéquipier et lui avoir fracturé la pommette avec un démonte-pneu. Le surnom « Bad News » arrive alors, Marvin Barnes plaidant coupable et se voyant obligé de payer 10 000 dollars de dommages et intérêts. Sans compter qu’il est soumis à cinq ans de mise en liberté surveillée par la justice.
Noyé dans l’alcool et la cocaïne
Cette histoire l’empêche de participer aux Jeux olympiques 1972 avec les Etats-Unis. Lors de la Draft 1974, il est néanmoins choisi en deuxième position par les Philadelphia Sixers, derrière Bill Walton.
Il préfère toutefois rejoindre l’ABA et les St. Louis Spirits, qui lui offrent un énorme contrat de deux millions de dollars et la liberté dont il est friand. Dans Loose Balls, qui raconte l’histoire de l’ABA, le journaliste Terry Pluto rapporte cette anecdote qui définit parfaitement Marvin Barnes.
« Après le match, j’ai vu Marvin et il a commencé à me parler des Spirits », raconte un journaliste qui couvrait l’équipe. « Il m’a dit : Mec, tu sais ce qui cloche chez nous ? Nous ne jouons pas en équipe. Nous ne nous soucions pas les uns des autres… Ce soir, par exemple, j’avais marqué 48 points et il restait deux minutes à jouer. Est-ce que quelqu’un m’a fait une passe pour que je marque 50 points ? Non, ils ont tous gardé la balle et je suis resté bloqué à 48. »
Cette saison-là, il tourne à 24 points et 15.6 rebonds de moyenne, profitant du style « flashy » de la ligue et des libertés qui lui sont accordées. Son talent excuse tout : ses retards à l’entraînement, les avions ratés, les échauffements qu’il passe en tribune à discuter avec les jolies filles…
Mais les belles voitures et les aventures ne lui suffisent pas. Marvin Williams brûle la chandelle par les deux bouts et commence à devenir dépendant à l’alcool et la cocaïne, qui fait alors des ravages.
« La cocaïne intensifie tout », expliquait-il des années plus tard. « Ça intensifiait mon appétit sexuel, mon attention, ça me rendait plus extraverti et je pensais que ça me rendait meilleur sur le terrain. Mais comme toute drogue, ou comme l’alcool, ça prend ensuite le contrôle. Tout perd de sa saveur. J’avais l’habitude de bien m’habiller, de bien m’exprimer, de travailler dur, de manger et de vivre sainement. Mais quand j’ai commencé à me droguer, j’ai arrêté de faire des efforts vestimentaires. J’ai perdu mon jeu. Je me sentais comme l’un des meilleurs basketteurs au monde. Quand j’étais en ABA, j’étais l’un des cinq meilleurs basketteurs, en comptant l’ABA et la NBA. C’est une certitude. Mais quand j’ai commencé la cocaïne, l’alcool et la marijuana, tout s’est effondré. Mon style, mes habitudes vestimentaires, ma forme, mon jeu ».
Lors de la fusion entre l’ABA et la NBA, en 1976, Marvin Barnes rejoint les Pistons. Lors du camp d’entraînement, il a de nouveau affaire à la justice, s’étant présenté à l’aéroport avec un pistolet…
Comme il est encore en liberté surveillée suite à l’agression de 1972, il passe 152 jours en prison. Les Buffalo Braves et les Boston Celtics tentent de le relancer mais l’ailier est tellement sous l’emprise de la drogue qu’il devient une menace pour l’équilibre de toute équipe.
« Je prenais de la cocaïne sur le banc de touche », confia-t-il plus tard. « Quand je jouais pour les Celtics, j’étais assis à côté de Nate Archibald et quelqu’un d’autre et je prenais ma cocaïne sur le banc, alors que le match avait lieu. Il s’éloignaient de moi, je faisais ça sous ma serviette. J’imagine que ce n’est pas la peine de dire que ma carrière n’a pas duré longtemps après ça ».
En NBA, sa réputation est faite. L’ailier polyvalent et agressif a disparu, aspiré par la drogue.
« Sur le terrain, j’avais le sentiment qu’il n’y avait que Dieu et moi pour m’arrêter. Et c’est ce qui est arrivé, je me suis arrêté. Quand j’ai commencé la cocaïne, j’en prenais jour et nuit. Je n’avais plus aucun contrôle. Lorsqu’on avait des matches deux jours de suite, le vendredi et le samedi, j’en prenais en continu et j’arrêtais une heure avant la deuxième rencontre. Au final, j’ai épuisé mon corps ».
Une rédemption tardive
En 1980, après avoir gâché une nouvelle chance aux San Diego Clippers, Marvin Barnes tente de rebondir à Trieste, en Italie. Mais là aussi, l’expérience tourne court. L’ailier est arrêté et mis en examen pour une histoire de drogue lors d’une fête. « Bad News », encore et encore.
Il rentre alors en Californie, vit dans la rue, vole des cassettes vidéo dans des magasins et survit en vendant de la drogue. Renvoyé en prison pour sept ans, il lui faut une bagarre pour se réveiller.
« En prison, ils n’arrêtent pas les bagarres, ils ramassent juste les corps », assurait-il. « J’ai frappé un gars jusqu’à ce qu’il soit inconscient et je tapais sa tête sur le ciment. J’essayais vraiment de le tuer. J’avais sa tête dans les mains puis j’ai arrêté et tout est devenu concret. Il était allongé là. Je ne savais pas s’il était vraiment mort mais je savais que tout était fini. C’était mon point de non-retour, je ne pouvais pas aller plus bas ».
Fatigué après une vie d’excès, Marvin Barnes allait finalement se reprendre en main à sa sortie de prison, en 1996. Engagé dans l’associatif, il tentait d’éloigner la jeunesse de sa ville natale de tous les problèmes qu’il avait connus. Mais après 19 cures de désintoxication et quatre passages en prison, l’ancien ailier vivait avec un foie dévasté. Même s’il a pu compter sur un secours inattendu.
« Après toutes ces années, le propriétaire des St. Louis Spirits, Ozzie Silna, est toujours là pour payer mes frais de santé. Ce genre de compassion n’existe plus chez les propriétaires actuels. La plupart d’entre eux vous oublient lorsque vous n’êtes plus dans l’équipe. Mais cet homme prend soin de moi. Je ne le comprenais pas alors mais ces gens se souciaient vraiment de moi. Pendant longtemps, j’ai pensé que personne ne s’intéressait à moi. J’avais tort ».
À 62 ans, Marvin Barnes s’est donc éteint en réalisant enfin qu’il n’était pas seul.
« Mais j’imagine que je me suis planté sur beaucoup de choses, n’est-ce pas ? »