Lors du match entre les Spurs et les Cavaliers, Manu Ginobili a encore réalisé une passe impossible. Je la regarde en boucle et si je vois l’écran de Marco Belinelli et l’avance de Tim Duncan sur Timofey Mozgov, je me demande encore comment l’Argentin réussit à trouver son intérieur et surtout comment il ose tenter ce genre d’offrandes en plein milieu de la défense.
Manu Ginobili voit-il le jeu en avance ?
Ce n’est évidemment pas la première fois que je me pose ce genre de questions. Cette passe sur la tête du défenseur de Fenerbahce était ainsi folle.
Et que dire de celle-ci, lors des Finales 2013 ?
C’est peut-être celle-ci, réalisée lors des dernières Finales de conférence, qui illustre le mieux les lignes de passe que Manu Ginobili est capable de trouver. Voyant Patty Mills accélérer, il lui lance le ballon pour le trouver ligne de fond. Mais au moment où l’Argentin lâche son ballon, son coéquipier n’est pas démarqué et l’offrande doit passer par une ligne qui semble loin d’être sûre.
Manu Ginobili semble ainsi lancer son ballon vers une porte future, sur le point d’être entrebâillée mais dont il est le seul à voir l’ouverture prochaine. Dans ces situations, le Spur me fait alors penser à un Jedi, capable de voir le futur avec quelques secondes d’avance pour en profiter.
Un footballeur sur un terrain de basket
Les grands passeurs sont ceux qui arrivent à sentir/voir/créer les ouvertures pour leurs coéquipiers tout en restant au maximum en position de lâcher le ballon. Une passe décisive, c’est en effet toujours le profit d’une brèche dans la défense. Généralement, celle-ci est courte et observer les passeurs créer puis profiter de ces faiblesses est un spectacle magnifique.
Comme le terrain de basket est assez petit, les brèches sont toutefois difficiles à générer, surtout sur jeu placé. Elles sont donc précieuses. L’immense majorité des passeurs, même les tout meilleurs d’entre eux, attendent donc d’être certains que la ligne de passe soit dégagée et sûre pour lâcher le ballon. Mais Manu Ginobili est un cas à part.
En fait, il agit comme un footballeur dans le sens où c’est le coéquipier en mouvement qui lui dicte sa passe. Au basket, c’est plutôt le porteur du ballon qui initie les brèches en faisant réagir la défense. Pour l’Argentin, c’est l’inverse et c’est ce qui le rend si spécial.
« Quand tu ne joues que dans les pieds, tu finis par ne plus surprendre, et là, c’est foutu », expliquait Coco Suaudeau dans So Foot, en 2005, dans une phrase qui colle à la situation. « Le jeu, le déséquilibre, c’est la recherche de l’espace libre. Il faut de la création, et son expression passe toujours par un ballon dans l’espace », répondait Christian Gourcuff dans Ouest-France.
Dans l’histoire NBA, j’aurais bien du mal à trouver un joueur capable, comme lui, de sentir quand et où le mouvement d’un coéquipier va créer une brèche. Le plus proche serait peut-être Larry Bird, qui était capable de voir des lignes de passe que personne d’autre n’aurait imaginées.
Pour moi, Manu Ginobili a néanmoins un sens de la passe qui lui appartient. Le plus beau, c’est peut-être que les Spurs ont appris à s’en servir alors que ce genre d’instinct ne paraît pas naturel pour le commun des mortels.