Comme son frère Jeff, Stan Van Gundy (63 ans) traîne dans le milieu NBA depuis les années 1990 et, comme son frère, c’est une encyclopédie vivante du basket avec ses expériences à Miami, Orlando et Detroit notamment. Alors que le Heat est de retour en finale de conférence, pour la troisième fois en quatre ans, son opinion avertie vaut le détour pour définir ce qui est souvent résumée dans une fameuse expression : la « Heat Culture ». Sans surprise, tout a commencé avec l’arrivée de Pat Riley en 1995.
Le grand bain à South Beach
Arrivé dans la Ligue par la petite porte, à savoir des universités de seconde zone à ses débuts (Vermont, Castleton, Fordham) puis une équipe de Division I (Wisconsin) pour se faire connaître davantage, Stan Van Gundy a connu sa première expérience en NBA du côté de Miami. Par l’intermédiaire de son frère…
Car Pat Riley, en transition entre New York et Miami, voulait amener Jeff, son premier assistant chez les Knicks dans ses valises. S’il n’a pas pu récupérer Jeff, sur ses conseils, il a au moins pu convaincre le frangin, Stan. Ce dernier a rapidement été mis au parfum, jeté sans ménagement dans le grand bain !
« Pat venait juste d’arriver. On est à un mois du début du camp d’entraînement et on tient notre propre camp avec une trentaine de joueurs, des anciens de CBA, l’équivalent de la G-League à l’époque, des rookies qui n’ont pas été draftés. Personnellement, j’avais observé la Big Ten [en NCAA] et j’avais vu des joueurs de talent. Mais je n’avais jamais vu autant de talents réunis dans un seul gymnase. Je me disais : ‘Wow, il y a beaucoup de ces gars qui savent jouer’. À la pause du midi, on discute avec Scotty Robertson et Pat qui vient de s’asseoir. Scotty dit à Pat qu’il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, qu’aucun de ces joueurs ne pourra jouer pour nous. Pat confirme : c’est décevant. J’étais sur le cul ! (…) J’ai entendu récemment JJ Redick en parler aussi, lui qui a été une star à Duke. La différence de niveau est énorme entre la NCAA et la NBA. Car dans une équipe universitaire, les meilleures équipes ont deux ou trois joueurs NBA. En NBA, devine combien il y en a dans chaque équipe ? Tous ! N’importe quel joueur peut sortir du banc et te mettre une fessée. »
Ayant grandi dans une famille de coachs puisque Bill, le paternel, était lui même entraîneur à SUNY-Brockport, en troisième division universitaire, le jeune Stan Van Gundy apprend également assez vite à se montrer pédagogue et proche de ses joueurs, pour faire passer son message.
« Brendan Malone, le père de Mike, me disait toujours d’expliquer le pourquoi de chaque exercice », explique-t-il ainsi dans le podcast The Knuckleheads. « Les joueurs exécuteront mieux les choses si on leur explique bien la raison pour laquelle on les fait. »
Ils battent les « Invici-Bulls » avec 8 joueurs en tenue !
Dès sa première année, Stan Van Gundy goûte aussi aux playoffs, même si ce n’est que pour un petit tour et puis s’en va, face aux invincibles Bulls tout frais sortis de leur saison record à 72 victoires (record battu par les Warriors en 2016).
« On n’était pas très bon cette année-là. On avait fait des échanges et on avait réussi à faire les playoffs, mais en début de saison, on n’était pas très bon. Cela dit, [l’année suivante], les gars savaient à quel point cette série [face aux Knicks, au deuxième tour] était importante pour [Pat]. Je crois me souvenir qu’on avait provoqué quatre passages en force dès le premier quart ! Je me souviens quand Pat est arrivé sur le terrain, c’était de la folie. En tant qu’assistant, on arrive un peu avant mais quand lui est arrivé sur le terrain, la foule était incroyable, il y avait des noms d’oiseaux qui volaient de partout ! Je me retourne et là je vois un gars, il était tout rouge, avec sa fille juste à côté de lui, et il envoie des insultes à tout va. Avec sa fille juste à côté ! Ils l’ont hué tout au long du match. Je n’avais jamais vu un tel déversement de haine… Le gars vous a menés en jusqu’en Finals, et tout ce qu’il a fait, c’est accepter un autre job ! »
Une génération avant Erik Spoelstra, Stan Van Gundy a lui aussi connu l’ascension improbable du poste subalterne d’assistant vidéo à celui d’entraîneur en chef à Miami. A l’époque, SVG devait précieusement stocker les cassettes vidéos des matchs à analyser. Sauf ce soir du 21 février 1996…
« L’échange pour Tim Hardaway était aussi mémorable, on était à Philly et je crois que c’était un ou deux jours avant la trade deadline. On a battu Philly mais c’était un des pires scores de l’histoire depuis l’invention de l’horloge des 24 secondes ! On a gagné 59 à 56, quelque chose comme ça [66-57 en vérité, ndlr], dans un match NBA ! Scotty Robertson me foutait des coups de coude pendant tout le match, ‘Regarde le tableau d’affichage !’. En tant qu’assistant, je me préparais à faire l’analyse vidéo avec l’ensemble télé – magnétoscope, deux en un, comme ça existait à l’époque. J’avais tout installé pour faire ça dans l’avion, et là, Pat arrive et me dit : ‘Ne t’embête même pas avec ça, demain, on aura une toute nouvelle équipe !’. Le lendemain, on a échangé cinq gars contre cinq autres joueurs. On a récupéré Tim Hardaway, Chris Gatling, Ty Corbin, Walt Williams et Tony Smith. Dans trois échanges différents. Le match suivant, on avait les Bulls de Jordan, la saison des 72 victoires, sur le calendrier… On n’avait pas tous nos nouveaux joueurs, on n’en avait que huit. En l’occurrence, Tony Smith n’avait jamais fait le moindre entraînement avec nous et il s’est retrouvé titulaire face aux Bulls, à jouer 30 minutes pour son premier match avec nous. On avait ressorti Jeff Malone de la liste des blessés. Les gars ont joué sans aucune pression, à l’instar de Rex Chapman qui a fini à 39 points [à 12/17 aux tirs dont un incroyable 9/10 à 3-points]. Il rentrait des tirs de partout, la foule se prosternait pour lui, c’était dingue. Et on a battu les Bulls [113-104] ! »
La « Heat culture » n’est pas pour tout le monde
Assistant pendant huit saisons, c’est seulement en 2003 que Stan Van Gundy va obtenir sa chance de devenir le coach n°1 d’une franchise NBA. Coup de chance, c’est alors la première saison d’un certain Dwyane Wade, qui lui offrira notamment un tir de la victoire pour son premier match de playoffs, sur la tête de Baron Davis et des Hornets…
« J’étais dans mon bureau. Et je vois la tête de Pat qui apparaît dans l’ouverture de la porte. Il me demande : ‘Tu es prêt ?’ Je lui dis : ‘Pourquoi, pour l’entraînement ? Je t’ai déjà laissé mes notes sur ton bureau’. ‘Non, pas ça, es-tu prêt ?’ Il me dit de le suivre dans son bureau. Il s’assoit et me répète encore : ‘Es-tu prêt ?’. Je lui demande : ‘Mais Pat, prêt pour quoi ?’. Et là, il vend la mèche : ‘Prêt à prendre le relais, je vais prendre du recul et je veux que tu sois l’entraîneur en chef, es-tu prêt à ça ?’. Je lui ai dit que je ne savais pas si on pouvait vraiment être prêt pour ça mais oui, je suis prêt à me lancer. Et quelques heures plus tard, c’était à l’époque où mes enfants étaient encore petits, on était au concert des Wiggles dans la salle [du Heat] ! »
Formé à l’école Riley, à qui il a donc succédé en 2003, mais qui va également le remplacer en cours de saison, le 12 décembre 2005 (avec le premier titre de la franchise au bout avec le duo Wade – O’Neal), Stan Van Gundy a en tout cas été un témoin privilégié de la culture du Heat.
Celle qui est si souvent évoquée, redoutée de nombreux joueurs qui ne veulent pas avoir à mesurer leur masse graisseuse tous les quatre matins. Faite avant tout de dureté défensive et d’une éthique de travail irréprochable, la « Heat Culture » est pour sûr synonyme de succès ces dernières années, avec trois finales de conférence en quatre ans.
« La culture du Heat a joué en leur faveur au final parce que les joueurs qui ne veulent pas s’entraîner aussi dur, qui ne sont pas prêts à s’investir autant que ça passent leur chemin. En revanche, ceux qui viennent savent qu’ils seront respectés pour leur travail et ils auront une chance de s’en sortir s’ils montrent qu’ils ont le niveau. Spo le dit souvent de toutes manières : on n’est pas fait pour tout le monde ! »
Un test physique qui finit à l’hosto !
Plus précisément, le Heat fait passer une batterie de tests plutôt rigoureux en amont de son camp d’entraînement. Pour s’assurer que ses joueurs soient non seulement aptes à jouer leur style de jeu à l’année, mais aussi pour évaluer la forme physique des uns et des autres après la période estivale.
Stan Van Gundy se souvient que ce rythme effréné s’est avéré trop dangereux pour la santé des joueurs. Les exigences ont depuis été revues à la baisse…
« Le test de condition physique chaque année, c’était de faire dix-sept traversées [de terrain], et le faire cinq fois ! Les meneurs devaient tourner à 58 secondes de moyenne par série. Scotty Robertson avait perdu le fil quand Bimbo Coles réalisait le test et il a fini par faire dix-neuf sprints, sachant qu’il devait faire les derniers à 56 secondes de moyenne pour rattraper son retard. Il hurlait : c’est n’importe quoi ! Je veux quelqu’un d’autre pour compter mes temps ! C’était hilarant car Bimbo était le mec le plus en forme de l’équipe. Le pire, c’est que, si tu le ratais la première fois, il fallait le passer chaque jour jusqu’à le réussir, en plus des entraînements qui s’enchaînent [au cours du camp d’entraînement] ! Mais tout ça s’est arrêté, en tout cas à ma connaissance, avec le cas Sean Lampley. Il s’est carrément évanoui pendant le test ! Il s’était entraîné avec nous tout l’été, mais il avait accepté un contrat aux Philippines et il était tombé malade là-bas. Il était revenu [à Miami] mais il était encore affaibli et avait perdu du poids. Et ce test l’a mené tout droit à l’hôpital. Le test de condition n’a plus jamais été le même par la suite [on est désormais à dix traversées de terrain]. Voir un de tes coéquipiers hospitalisé dès le premier jour d’entraînement, ça a de quoi jeter un sacré froid ! »