Désormais retraités, Gilbert Arenas et Richard Jefferson se la coulent douce. Si ce dernier poursuit tout de même une carrière à la télé, en tant que consultant sur ESPN, le premier se fait plutôt discret, si ce n’est sur son No Chill Podcast qui existe depuis maintenant trois ans.
Ensemble à la fac d’Arizona pendant deux saisons, entre 1999 et leur Draft en 2001, les deux anciens Wildcats sont longuement revenus sur leur vieille amitié, et les nombreuses anecdotes de matchs, d’entraînement, de soirées et de vie en NBA qu’ils ont partagées. Et oui, ils évoquent forcément l’histoire du gun dans les vestiaires des Wizards.
« Oh, c’est lui votre gars ? Non, pas lui ! »
« Je connais Gilbert depuis très longtemps. Il a toujours été à part », démarre Jefferson sur le No Chill podcast de son copain Arenas. « Il était à ce camp et il était encore tout petit, tout maigre mais il avait été énorme, super rapide, tout ça. Deux ans plus tard, je suis dans ma première année à la fac, et on me parle de ce gamin Gilbert qui pourrait venir à Arizona. A l’époque, on avait Ruben Douglas dans notre classe de freshman et même un autre joueur qui voulait nous rejoindre. Ruben était super bon, il finira par être le meilleur scoreur du pays [avec 28 points par match en 2002-03 dans son année senior avec New Mexico]. Et tout à coup, il y a cette vieille trogne qui débarque. ‘Oh, c’est lui votre gars ? Non, pas lui !’ Il avait un appareil dentaire, mais sans le fil métallique entre les dents. Comme je le connaissais, on n’a pas arrêté de le chambrer et de se moquer de lui, avec Luke Walton, pendant toute sa visite du campus. Et puis, malgré nos efforts, le voilà qui rapplique sur le campus à la rentrée suivante, remportant le titre de MVP du tournoi NIT de présaison à 17 ans, avec son appareil dentaire flingué. »
Expliquant qu’il avait cassé le fil dentaire, sans s’occuper d’en remettre un (et ce, pendant un certain temps apparemment), Arenas est également revenu sur sa décision de jouer pour Arizona. Sans disposer d’un grand choix d’universités prestigieuses, Arenas a penché pour les Wildcats grâce à Jason Terry.
« Arizona était connue pour produire des pros. Quand Lute Olson est venu me voir chez moi, il m’a parlé de Jason Terry, qui venait juste d’être drafté en n°10. Il me racontait qu’il était arrivé en tant que redshirt et avait fait ses quatre ans. En gros, il me garantissait une chance de devenir pro. C’est pour ça que j’ai choisi Arizona. »
Féroce compétiteur, et surtout bien conscient de son opportunité à Arizona, Arenas est un vrai « rat de gymnase » durant ses années universitaires. Il passe son temps à la salle, même quand les copains organisent des soirées. Jefferson en rigole encore, rappelant que même le camarade de chambrée d’Arenas était invité, mais pas lui ! Il faut dire que le jeune Gilbert avait le chic pour casser un peu l’ambiance, que certains voulaient « romantiques »…
« On organisait des fêtes tous les weekends », reprend Jefferson dans un autre épisode du No Chill Podcast. « A l’époque, tous les établissements fermaient à 1h du matin – quel horrible Etat ! -, et on disait à tout le monde, on fait une fête chez nous. On ne pouvait entrer dans aucun bar mais on avait ce magasin où on pouvait se ravitailler en alcool. Ils nous donnaient un fût, deux robinets et deux packs de trente, et il nous en demandait pour 30 dollars. Mec, c’était exceptionnel ! Quand tous les bars fermaient, il y avait une migration qui se dessinait vers chez nous. »
« De quoi tu parles toi, tu n’iras jamais en NBA, tu n’arrives même pas à dribbler ! »
Toujours dans le chambrage permanent, les deux complices n’y vont parfois pas avec le dos de la cuillère. A l’instar de cette saillie d’Arenas, complètement gratuite, en direction de RJ. « De toutes manières, de quoi tu parles toi, tu n’iras jamais en NBA, tu n’arrives même pas à dribbler ! »
De caractères assez différents, Arenas et Jefferson se sont pour le coup retrouvés dans la même situation d’étudiants – athlètes qui galèrent à trouver un peu d’argent pour aller au restaurant, sortir et se faire un peu plaisir. Ce bon Gilbert a lui trouvé la parade avec plusieurs combines. La première, assez répandue, consistait à revendre des cartes autographiées, dont celle de Jordan que lui et Jefferson avaient récupéré à la fin d’un de ses nombreux camps d’été. Une autre, plus spécifique à Arenas, faisaient appel à la même logique, mais un objet différent.
« Avant la saison, tu te rappelles qu’on signait des centaines et des centaines de ballons. La salle entière était remplie de ballons à signer », narre Arenas. « J’en ai piqué une cinquantaine et ces ballons me servaient de passe-partout. J’allais dans un restaurant à côté du campus et je donnais le ballon. Et j’avais un compte gratuit chez lui [rires]. »
Mais Richard Jefferson intervient rapidement dans l’anecdote : « Ça, c’est du Gilbert, tu vois. Il ment. Il va te donner une partie de la vérité mais pas la vérité entière. Il n’a pas piqué cinquante ballons. Il a dû en piquer six ou sept. En fait, il allait prendre d’autres ballons et il apposait les signatures pour nous, les autres joueurs. Sans rire, une fois, je passe dans l’aéroport de Tucson et je vois un ballon autographié de notre Final Four [en 2001] et je m’approche : ce n’est pas ma signature ! Et là, tu te rends compte que c’est Gilbert qui avait falsifié les signatures. Il faisait signer quatre ou cinq joueurs du bout du banc et le reste, il les faisait lui-même, mais vraiment sans faire aucun effort [rires]. Le même marqueur, ça ne ressemblait à rien. »
« Au lieu d’être au premier tour [de Draft], il a fini au courrier »
Atypique s’il en est, Arenas a amené son esprit délirant avec lui en NBA. Tout au moins, au Draft Combine et les autres événements immanquables pour un jeune joueur qui postule à la Grande Ligue. Car son comportement très limite, plusieurs fois au bord de la rupture, lui ont véritablement coûté sa place au premier tour.
« Je sortais d’Arizona, on est en pleine forme physique, on prend le physique très au sérieux. Et ce gars veut que je cours sur un tapis pendant 18 minutes pour vérifier ma condition physique aujourd’hui ! Alors que la saison commence en octobre ! Pour moi, c’était débile ! A quoi ça va bien servir de tester ma condition physique maintenant ? »
Un poil Rodmanesque, ou complètement déjanté, Arenas a plombé ses propres chances. En spectateur attentif, Jefferson n’en a pas manqué une miette, lui qui était aussi dans la même cuvée 2001.
« Pour remettre les choses en contexte, Gil est donc au Draft Combine pour effectuer des tests qui pourraient permettre de faire monter sa cote à la Draft, et il est en Converse et il fait les tests en y mettant vraiment aucune volonté. On est au bord de notre rêve de jouer en NBA, où seulement un très petit pourcentage de joueurs arrive, et Gilbert sort : je ne vais pas faire votre test d’endurance, ça va abimer mes Chuck… Les gens me regardaient comme si je devais le raisonner. Mais je leur disais que c’était toujours comme ça. Là, vous venez juste de faire sa connaissance [rires]. Le truc, c’est que pour la majorité des gens, un entretien d’embauche, c’est quelque chose de sérieux. Mais Gilbert ne l’a pas compris comme ça. Du coup, au lieu d’être au premier tour [de Draft], il a fini au courrier et il a dû bosser dur pour grimper dans la hiérarchie [rires]. »
« Je veux être un proxénète international »
Impayable, Arenas en a rajouté une couche lors du même processus de Draft. Non seulement, le gars se grille aux tests physiques, mais il va aussi se faire remarquer au cours d’un exercice de présentation en public. Aligné avec tous les autres prétendants à la NBA, Arenas n’a pas pu s’empêcher de faire le pitre, de « tester les limites » comme il le dit lui-même en se marrant.
« Tous les joueurs qui se présentent à la Draft sont là et on leur demande de raconter leur histoire et de dire ce qu’ils recherchent en allant en NBA », raconte Jefferson. « Ils ont interviewé Jason Collins en premier et Gilbert se marre déjà. Car on déteste Stanford. Chaque occasion est bonne pour se moquer de Stanford. Ils continuent à poser des questions et ils arrivent à Gil. Je n’étais déjà pas serein, mais là, pour rigoler, il lance : ‘Je veux devenir un proxénète’. Il y a quelques rires dans la salle, mais le gars va en remettre une couche, car il ne connait pas Gilbert. Il lui dit : ‘Excusez-moi ? Qu’avez-vous dit ?’ Pendant ce temps-là, je me disais : ‘Non, Gil, non, ne le dis pas, ne le dis pas’. Et là, Gil y retourne : ‘Je veux être un proxénète international’. Oh m****, il l’a dit ! Il y a une centaine de personnes dans la salle. Le gars passe alors un savon à Gilbert : ‘Si tu crois que la Ligue est faite pour ça… Il n’est pas question de réduire la femme à un objet… Ce n’est vraiment pas l’endroit… Tu ferais mieux de partir tout de suite…’ Et Gil répond : ‘OK, j’arrête !’ [rires]. »
Eternel clown de la classe, Gilbert Arenas a toujours gardé cet esprit taquin, voire carrément dangereux. Durant le triste incident avec son coéquipier Javaris Crittenton à Washington, la veille de Noël 2009, « l’agent Zéro » a pour le coup été à la hauteur de son sobriquet, dépassant largement les bornes. Et lui, borné, de continuer à en rigoler.
« Gilbert a eu cet incident, qui a été suffisamment médiatisé, et lui continuait d’en rire et de plaisanter. Lui et moi, on ne se parle pas souvent, mais là, je suis allé le voir dans son vestiaire », conclut RJ. « J’ai fait le choix conscient de quitter nos vestiaires avant le match pour aller lui parler. Je lui ai dit qu’il devait absolument se calmer avec ça. Et lui me répond qu’il est comme ça, qu’il rigole. Mais là, Gil, fais attention, arrête, fais-moi confiance. Et bien sûr, il n’a pas écouté. Pendant la présentation des Wizards, qu’est-ce que je vois ? Gil continue à se moquer de tout [il imitera des flingues avec ses mains]. C’est lui tout craché ça, il faut toujours qu’il dépasse les bornes. »
Résultat : Arenas sera tout de même suspendu pendant la majeure partie de la saison 2009-10. Et franchement, plus rien ne sera comme avant pour Hibachi. Sa carrière va commencer à sérieusement battre de l’aile pour se terminer sans gloire en Chine en 2013. A l’inverse, son copain Jefferson remportera le titre en 2016 avec les Cavs, disputant 17 saisons, soit six de plus qu’Arenas, pourtant de deux ans son cadet. Mais c’est ça, Gilbert Arenas, il ne peut pas s’empêcher de tout prendre à la rigolade.
Gilbert Arenas raconte sa visite officielle à Arizona
https://www.youtube.com/watch?v=rtxEasXWpOI