Depuis 2005, l’Espagne et la France ont, lentement mais sûrement, construit une rivalité digne des plus beaux affrontements de l’histoire de notre sport. Quatorze rencontres en 10 ans : 10 victoires pour la Roja, 4 pour la France. Mais au-delà des statistiques, c’est la « dramaturgie » née de ces rencontres qui leur donne une saveur toute particulière.
Ce soir, les « meilleurs ennemis » du basket européen se retrouvent pour écrire une nouvelle page de leur duel, et l’occasion est belle pour revenir sur ce qui a fait qu’un France-Espagne ne sera plus jamais un match comme un autre.
2005 | Première médaille pour la génération Parker
Quand on évoque la campagne 2005, la première chose à laquelle on pense, c’est ce match crève-coeur contre la Grèce en demi-finale. Un match que les Bleus tenaient dans le creux de leur main… Mais c’est finalement une troisième place qu’ils devront disputer. Pour leur première compétition ensemble, la bande à Parker, Diaw et Pietrus va trouver les ressources suffisantes pour se remobiliser face à une Espagne favorite mais incapable de digérer la défaite face à l’Allemagne en demi. Score final : 98-68 avec 25 points de TP. Fred Weis se souvient pour nous de ce sursaut d’orgueil.
« C’était l’une des premières fois où, après une défaite, on a su se re-saisir lors du match suivant. On en met 30 aux Espagnols, une très belle équipe. Pour une fois, on a fait abstraction de la défaite mais c’est une évidence, on était déçus. Franchement, c’était dur mais dans le vestiaire, tout le monde s’est parlé. On est parvenu à garder cet esprit d’équipe. C’est important : si tu y arrives, tu parviens à rebondir. »
2009 | Les bons comptes ne font pas les bons amis
Hormis une défaite en match amical trois ans auparavant, les routes françaises et ibériques ne s’étaient plus croisées avant l’Eurobasket de 2009, en Pologne. La France sort d’une traversée du désert sur le plan international et veut se racheter pendant ce championnat d’Europe. Lors des phases de poules, les Bleus et la Grèce vont se livrer à un faux match. L’équipe gagnante devait ainsi affronter l’Espagne, qui avait réalisé un mauvais début de compétition, et personne n’avait vraiment envie de gagner. Dans ce match où le perdant était le vrai gagnant, la Grèce avait réussi à perdre pour éviter les Espagnols, laissant les Français se faire éliminer en quart de finale. Pour sa première compétition internationale, Nicolas Batum avouera que la rivalité avec leurs voisins méditerranéens a commencé ici, en Pologne.
2010 | Sans Parker, les Bleus domptent l’Espagne
Lors du championnat du monde 2010 en Turquie, la France et l’Espagne se retrouvent dans le même groupe. Un hasard qui va donner une rencontre sans réel enjeu entre deux équipes aux objectifs bien différents. La France est venu avec une équipe « expérimentale », sans Tony Parker, tandis que les Ibères sont en Turquie pour défendre leur titre glané quatre ans plus tôt. Emmenée par des surprenants Andrew Albicy et Mickaël Gelabale, la France va réaliser l’exploit de battre les Espagnols, un an à peine après le coup de bambou polonais.
« On a su garder le même tempo pendant 40 minutes, ce qu’on n’avait pas su faire pendant les matches amicaux, » expliquait à l’époque Yannick Bokolo ». « Maintenant, surtout l’erreur à ne pas faire, c’est de se rassasier de cette victoire. »
Finalement, la route des Bleus s’arrêtera en 1/8e face au pays hôte, la Turquie, futur finaliste.
2011 | L’Espagne intouchable
L’Eurobasket 2011 est capital. Si la France veut voir les JO de Londres, elle doit atteindre la finale de la compétition. Vincent Collet a donc amené la grosse armada en Lituanie : Parker, Diaw, Batum, Séraphin et même Joakim Noah pour sa première (et dernière ?) avec les Bleus. La France va retrouver l’Espagne dès le deuxième tour dans un match anecdotique, mais la rencontre montre déjà la supériorité de la Roja qui passe un +27 aux Français (96-69). Malgré cela, la France réalise une compétition de rêve : elle élimine la Grèce et la Russie pour se retrouver en finale et valider son billet pour Londres. Sur leur petit nuage, ils vont presque oublier de jouer la finale face aux Espagnols de toute manière supérieurs (98-85).
2012 | La pire des défaites
Les deux équipes sont donc qualifiées pour les Jeux Olympiques et une année plus tard, ils se retrouvent une nouvelle fois au stade des quarts de finale. Scénario incroyable, une tension palpable : depuis des années, c’est la première fois que la France fait jeu égal avec la grande Espagne. Devants pendant toute la rencontre, les coéquipiers de Tony Parker vont craquer sur la fin et l’Espagne, plus maligne, empoche une nouvelle victoire face aux tricolores. Nicolas Batum va en venir aux mains avec Juan Carlos Navarro puis un Jose Calderon souriant d’insolence et de condescendance.
« Oui, c’est plus dur [de perdre contre l’Espagne que contre une autre équipe], » regrettait justement l’ailier des Bleus. « L’an dernier en finale de l’Euro, ils nous ont sévèrement battus. Aujourd’hui, ils ne nous ont pas battus, on leur a donné le match. C’est pour ça que je suis énervé. »
2013 | La vengeance
La France a pris rendez-vous. Les JO lui ont montré qu’elle pouvait rivaliser avec l’Espagne les yeux dans les yeux. C’est en Slovénie, hôte de l’Eurobasket 2013, que doit avoir lieu la prochaine bataille. En toute logique, les deux équipes se retrouvent en demi-finale. La France est malmenée, elle perd de 14 points à la mi-temps. C’est le moment que choisit Tony Parker pour galvaniser ses troupes avec un discours déjà dans la légende.
Sous l’impulsion de son leader, l’Équipe de France va entamer une remontée extraordinaire pour envoyer l’Espagne, qui se voyait déjà en finale, en prolongation. Sonnée, la Roja ne va pas tenir la cadence dans cette période supplémentaire et grâce à un Antoine Diot de gala, la France réalise l’un des plus beaux exploits de l’histoire du basket hexagonal : une victoire 75-72 et un titre de champion d’Europe face aux Lituaniens dans la foulée, car cette année-là, rien ne pouvait leur arriver.
2014 | L’exploit en terre ibérique
Auréolés d’un titre européen, les Français arrivent emplis de confiance en Espagne pour disputer la Coupe du monde. Malgré l’absence de Tony Parker, c’est une équipe qui tourne à plein régime, emmenée par la nouvelle génération 92 des Gobert, Fournier et Lauvergne. Mais en quart de finale, c’est une armada espagnole au grand complet, en mission sur ses terres, que les Bleus doivent affronter. Dans une arène madrilène survoltée, ce sont les Français qui font la course en tête face à des Ibères crispés par l’enjeu. Si le héros s’appelait Antoine Diot à Kaunas, ils se nommeront Rudy Gobert et Thomas « Donne-moi ton short » Heurtel à Madrid. Ce dernier offrira un récital dans les dernières minutes pour assoir l’avance des Bleus qui réalisent l’énorme exploit de battre une Espagne au grand complet, chez elle, dans un championnat du monde. Une performance accompagnée d’une médaille de bronze dans cette compétition, la première de son histoire.
2015 | L’année de la confirmation ?
Ce soir, le stade Pierre Mauroy de Lille sera le théâtre d’une nouvelle rencontre entre ces deux ogres du basket européen. Les coéquipiers de Pau Gasol veulent « fermer les bouches des Français » et leur rendre leur monnaie de la pièce : les éliminer, dans leur salle. Pour la France, le défi est encore plus beau : atteindre à nouveau la finale pour tenter de conserver son titre à domicile. Du jamais vu depuis la grande Yougoslavie en 1975 !