Début juillet, nous entamions un dossier complet sur la qualité du recrutement des meilleures équipes de la ligue. Par rapport à leur bilan 2008/09 et leurs besoins, nous évaluons la qualité de leur intersaison en tenant compte de la draft, des échanges et du recrutement de joueurs libres.
Après avoir étudié San Antonio, Orlando, Chicago ou encore Portland nous nous attaquons aujourd’hui à l’une des plus jeunes franchises de la ligue, les Raptors.
Sous la coupe de Bryan Colangelo, les Raptors n’ont pas chômé cet été, enchaînant les acquisitions et les transferts (7 départs pour 9 arrivées !). Au final, la franchise canadienne présente un visage ultra-séduisant.
Une franchise jeune mais attendue
Crées en 1995, en même temps que les Grizzlies de Vancouver, les Raptors sont la seule équipe canadienne de la ligue depuis le départ des Grizzlies pour Memphis. Malgré les passages de joueurs tels que Vince Carter, Chauncey Billups, Marcus Camby, Tracy McGrady ou encore Damon Stoudemire, la jeune franchise n’a jamais réellement atteint des sommets.
Durant leurs 14 saisons dans la ligue, les Raptors affichent un faible 41.4% de victoires en saison régulière, ainsi que 5 participations aux playoffs dont quatre se sont soldées par une élimination au premier tour. La saison 2000-2001 reste la meilleure de leur courte existence puisque Toronto avait fini l’année avec un bilan de 47 victoires pour 35 défaites, ainsi qu’une élimination au second tour.
Cela dit, il n’y a rien d’alarmant car si l’on compare la franchise des Raptors à celle des Grizzlies, on constate que malgré un pourcentage de victoires légèrement supérieur à celui de Toronto, les Grizzlies ne se sont qualifiés que 3 fois en playoffs et n’ont jamais remporté un seul match de post-season. D’un point de vue purement comptable, le bilan des Raptors est tout à fait acceptable, mais ce qui frappe le plus lorsqu’on regarde de plus près les dernières saisons de la franchise, c’est leur parcours en dents de scie. Une irrégularité que l’on retrouve autant dans leur bilan en saison régulière, que dans leur effectif.
Si nous n’allons pas refaire l’historique des transferts de Toronto, vous allez vite constater que côté bilan, la tendance est plus visible. Prenez la saison 2003-2004, pas au hasard bien sûr, puisque cette saison correspond à l’arrivée de Chris Bosh sur le parquet du Air Canada Centre. Lors des deux premières saisons de Bosh, le bilan de Toronto ne bouge pas, 33 victoires à chaque fois.
En revanche à partir de 2004-2005, la courbe de victoires commence à vriller. Après avoir gagné seulement 27 matchs en 2005-2006, les Raptors enchaînent ensuite, en 2006-2007, sur une saison à 47 victoires qui les propulsent 3ème à l’Est (oui oui , 3ème avec 47 victoires !). Toronto égalise cette année là le meilleur bilan de l’histoire de la franchise, mais ils seront, malgré cela, éliminés lors du premier tour. L’année suivante, même résultat en playoffs et 6 victoires de moins en saison pour une 6ème place à l’Est. Enfin, nous arrivons à la saison dernière où les Raptors ont terminé avec 33 victoires au compteur.
Cette dernière saison en particulier fait vraiment figure de déception puisque, en dehors de leur 13ème place, le trade de Jermaine O’Neal au mois de février, alors qu’il n’avait rejoint la franchise que quelques mois auparavant, ressemblait vraiment à un aveux d’impuissance. Echangé contre TJ Ford lors de l’été 2008, O’Neal n’a pas eu l’impact escompté sur la franchise, notamment à cause de ses blessures. Son transfert à Miami en échange de Shawn Marion n’a pas arrangé les choses puisque dès son arrivée, Marion a déclaré ne pas se sentir à l’aise dans le style de jeu de Toronto. A ce moment là, on comprend qu’il faudra faire l’impasse sur cette saison et que l’été qui arrive sera placé sous le signe du changement. On ne pensait pas si bien dire.
Toronto ou le plus grand chantier de l’été
Si vous êtes partis, ne serait-ce qu’une petite semaine sans votre ordinateur, dans un hôtel où le tarif de la connexion wifi était si prohibitif qu’il vous serait revenu moins cher de prendre chaque jour un vol en direction de Toronto pour suivre l’actu, vous avez certainement raté un transfert concernant les Raptors. En l’espace de deux mois, tandis que sept joueurs ont quitté la franchise, neuf ont décidé de la rejoindre !!! Si nous n’allons pas analyser dans les moindres détails les 16 mouvements opérés par Toronto, nous allons en revanche nous pencher sur les principaux d’entre-eux. On le savait, depuis que Chris Bosh a refusé de prolonger son contrat, ce qui aura pour conséquence de le rendre agent libre l’été prochain, les Raptors se devaient de réaliser un grand coup. Pour cela, ils n’avaient que deux solutions, soit échanger Bosh dès cet été plutôt que de prendre le risque de le perdre sans contre-partie la saison prochaine, soit chambouler radicalement l’effectif de manière à entourer ce dernier de joueurs efficaces et le convaincre de rester. Toronto à choisi la seconde solution.
Commençons par le poste de meneur. Si les Raptors n’ont aucun problème au poste de titulaire avec un Jose Calderon qui s’améliore d’année en année, ils ont en revanche besoin de lui fournir un bon back-up. On peut dire que de ce coté là, Toronto a réussi son coup en signant Jarrett Jack qui tournait la saison passée à 13.1 points et 4.1 passes lorsqu’il évoluait du côté d’Indiana. Avec Jack, Toronto a fait d’une pierre deux coups puisque d’une part il acceptera sans trop rechigner le rôle de back-up, et d’autre part, c’est un ami de Chris Bosh. Les deux joueurs ont évolué ensemble à Geogia Tech lors de leur année de freshman et ils s’entendent très bien. Un argument supplémentaire pour convaincre Bosh de rester. Même si les Raptors ont entre temps choisi de transférer le jeune, et plutôt prometteur meneur Roko Ukic à Milwaukee, ils ont tout de même réussi leur coup à la mène car les Raptors ont besoin d’un apport rapide et ce à tous les postes pour retrouver rapidement les playoffs.
Jetons maintenant un coup d’œil aux postes d’arrière et d’ailier. C’est d’ailleurs à ces deux postes que les Raptors ont effectué le plus de changements. Côté départs, les plus importants sont ceux de Shawn Marion, Anthony Parker et Jason Kapono. Ce dernier est parti pour Philadelphie emportant ses 41% de réussite à 3 points avec lui tandis que Parker, titulaire l’an passé à Toronto, à préféré s’engager avec les Cavs. Marion en revanche n’est pas franchement une grosse perte pour Toronto, même s’il est un bon joueur, il ne se plaisait pas dans le système de jeu des Raptors et nul ne doute qu’il aurait quitté le club quoi qu’il arrive l’année suivante. Toronto à donc réalisé une bonne affaire en l’utilisant comme monnaie d’échange dans un méga transfert qui leur a permis au passage de réaliser leur plus gros coup de l’été en récupérant, au nez et à la barbe des Blazers, Hedo Turkoglu. Au delà des statistiques, ce sont surtout ses qualités de leader et de clutch player que le joueur turque apportera à la franchise de l’Ontario. Le point positif pour les Raptors réside dans le fait que Turkoglu s’est engagé sur le long terme avec eux, ce qui leur permet dans le meilleur des cas de s’assurer un duo intéressant pour les années à venir avec Bosh, et dans le pire des cas de conserver un joueur autour duquel ils pourront continuer de construire même si Bosh leur fait faux bon l’été prochain.
Lors du gigantesque transfert de Marion à Dallas, Toronto a également récupéré dans la foulée Antoine Wright et Devean George. Le premier était la saison dernière l’arrière titulaire de Dallas, ce qui semble idéal pour palier le départ d’Anthony Parker. Cependant, Wright ne jouait que 24 minutes par match car son back-up n’était autre que le 6ème homme de la saison, Jason Terry. Wright ne finissait donc que rarement les rencontres et même s’il n’est pas assuré d’être titulaire à Toronto, il obtiendra certainement un temps de jeu conséquent car il sera entouré de jeunes arrières comme Demar Derozan, Marco Belinelli ou Sonny Weems qui manquent foncièrement d’expérience.
En compétition également pour le poste d’arrière titulaire, Demar Derozan, drafté en 9ème position cette année par les Raptors, pourrait devenir dans les années à venir un élément essentiel de l’effectif de Toronto. C’est un arrière très athlétique, rapide, explosif, et s’il travail son shoot extérieur, il pourrait être une véritable menace pour les défenses car il possède dores et déjà une capacité incroyable à pénétrer dans les raquettes adverses. Malheureusement, ses points faibles actuels risquent de réduire considérablement son temps de jeu. Tout d’abord, comme je vous le disais, son shoot à mi-distance manque vraiment de consistance mais les deux plus gros problèmes de son jeu sont, sa conduite de balle et son manque d’effort en défense. Malgré cela, Derozan est un joueur qui semble apprendre très rapidement et s’il garde une bonne éthique de travail, il pourrait devenir un arrière exceptionnel.
Concernant Belinelli, les Raptors ont récupéré le jeune arrière italien en échange de Devean George dont ils se sont séparés immédiatement après son arrivée de Dallas. Son adresse extérieure servira certainement à palier le départ de Kapono. Enfin, Toronto à récupérer Sonny Weems dans un échange avec Milwaukee où ils ont envoyé également Roko Ukic et Carlos Delfino. Ce dernier n’est pas vraiment une perte importante pour Toronto puisqu’il avait déjà quitté le Canada l’été dernier pour la Russie. Toujours sous contrat, il souhaitait revenir en NBA mais ne voulait plus rejouer pour les Raptors qui ont accepté de l’échanger. Dans cet échange, les Raptors ont également récupéré Amir Johnson, un ailier fort qui nous amène à la dernière partie du recrutement de Toronto, leur raquette.
A l’intérieur, les Raptors devraient seulement perdre Mensah-Bonsu qui s’apprête à s’engager avec Houston. S’il n’est pas le futur Kevin Garnett, Mensah-Bonsu était l’un des chouchous du public dont on pouvait dire qu’il mouillait le maillot. Cependant, son départ devrait être amplement compensé par les arrivées de Reggie Evans, Amir Johnson et Racho Nesterovic. D’un coté, Amir Johnson est un joueur qui tarde à exploser, on ne cesse de clamer que son talent devrait un jour éclater aux yeux de tous mais à 22 ans, il devra déjà prouver qu’il est capable de soulager un peu Chris Bosh au poste d’ailier fort. Reggie Evans apportera ses qualités de rebondeur et cela devrait s’arrêter là car le reste de son jeu est tout de même assez limité. Enfin, Nesterovic apportera une présence physique intéressante dans la raquette avec ses 2,13m et 113kg, soit le même physique au centimètre près qu’Andrea Bargnani. La différence réside dans le fait que l’italien à souvent tendance à s’écarter du cercle, et coach Triano aura donc éventuellement la possibilité d’utiliser Nesterovic en pivot tout en basculant Bargnani en ailier fort si Johnson et Evans ne se montrent pas convaincant dans le rôle de remplaçants de Bosh.
En bref, avec cette cascade de transferts, les Raptors ont réalisé une très bonne inter-saison. Le trio composé de Bosh, Calderon et Bargnani a été conservé et même s’ils ont perdu quelques bons joueurs, les Raptors ont amplement compensé ces départs en récupérant des joueurs capables d’apporter un gros plus à l’équipe à l’instar de Turkoglu. En plus de cela, les Raptors ont réussi à renforcer leur banc et affichent maintenant un effectif capable de jouer les trouble-fête à l’Est. Du moins sur le papier.
De bons changements pour de bons résultats ?
Si les Raptors ont réussi à construire, en l’espace de deux mois, une équipe très compétitive, ils n’en restent pas moins sur une saison décevante et devront à tout prix retrouver le haut du tableau la saison prochaine. Pour cela, les Raptors ont besoin d’un leader, et la question est, est-ce que Chris Bosh peut être ce franchise player ? Les qualités de Bosh sont indéniables, il est l’un des meilleurs ailiers forts de la ligue et l’an passé, malgré la mauvaise saison de son équipe, Bosh a réalisé l’une de ses meilleures saisons sur le plan individuel avec une moyenne de 22.7 points, 10 rebonds et 1.2 contres. Mais le problème vient justement de ce décalage là, comment se fait-il que la meilleure saison de Bosh corresponde à l’une des pires de la franchise depuis son arrivée ? Certes, l’an passé, l’effectif à été quelque peu malmené. Entre le passage éclair de O’Neal, le licenciement du coach Sam Mitchell et les blessures de certains joueurs, Bosh s’est retrouvé un peu seul sur le bateau. A 25 ans, il doit maintenant prouver qu’il n’est pas seulement un bon joueur, mais qu’il est aussi capable de rendre les autres meilleurs. L’année prochaine, il sera une nouvelle fois épaulé par Jose Calderon qui tournait l’an passé à 12.8 points et 8.9 passes, mais en plus il recevra le soutien de Hedo Turkoglu. Les Raptors sont classés 22ème de la ligue en attaque et en défense. Il se pourrait que la clé à ces deux problèmes soit justement le joueur turque. Offensivement, son apport devrait être conséquent, ce qui permettra à Bosh de penser un peu moins à scorer constamment pour aider son équipe et de se concentrer un peu plus sur la défense. On l’a déjà vu, Bosh peut être un excellent défenseur lorsque l’attaque ne se concentre pas exclusivement sur lui et c’est en cela que le trade de Turkoglu devrait avoir un impact déterminant.
Les deux autres points d’interrogations au sujet de Toronto sont, d’une part Andrea Bargnani, et d’autre part le poste d’arrière. Concernant Bargnani, si on a longtemps cru que sa place de premier choix de la draft 2006 était un choix douteux de la part des dirigeants, le pivot italien nous a tout de même montré de belles choses la saison passée. Il lui aura fallu un peu de temps pour s’acclimater au jeu de la NBA, mais finalement, il a aura tout de même réussi à passer un cap l’an dernier. Maintenant, Bargnani doit continuer à travailler car, si son rendement s’est amélioré, il reste tout de même très en dessous de ce qu’on attend de lui, notamment sous le panneau. A peine plus de 5 rebonds par match, c’est trop faible pour un joueur de 2.13m. Bargnani doit maintenant jouer comme un 1er choix de draft et non comme un bon « role player » et, au vue de la saison passée, il semble être capable, au moins, de s’en approcher.
L’autre question que l’on se pose est à qui sera confié le poste d’arrière de Toronto entre Derozan et Wright ? D’un point de vue qualité de jeu, je pencherais plus pour Derozan car malgré son jeune âge, sa capacité à apprendre pourrait vraiment lui permettre de s’adapter rapidement. Même si Wright me semble quelque peu sous-estimé, il n’est pas non plus le profil type de l’arrière idéal. Sa défense et son shoot extérieur laisse à désirer et ce sont des défauts que l’on retrouve également chez Derozan. Il pourrait ressortir de bonnes choses de cette concurrence mais il semble tout de même que le choix Derozan soit le plus judicieux de part ses capacités athlétiques hors normes.
La rotation de l’équipe devrait donner quelques maux de tête au coach Jay Triano mais cela dit, il pourra au moins se payer le luxe d’avoir le choix. A ce propos, Triano effectuera, sauf drame, sa première saison complète en tant que coach. Sélectionneur de l’équipe du Canada entre 1998 et 2005, également assistant coach des Raptors depuis 2002, Triano connaît les joueurs et surtout, il connaît son métier. Malgré son bilan de 25 victoires pour 40 défaites la saison passée, Triano semble être le coach qu’il faut à cette équipe pour les ramener en playoffs rapidement.
A propos des playoffs, et c’est là dessus que nous terminerons, les Raptors doivent absolument y participer la saison prochaine. Deux raisons à cela, la première est que, avec un effectif comme celui-ci il serait inadmissible que Toronto ne finisse pas dans les 8 premiers d’une conférence assez ouverte. Deuxièmement, ne perdons pas de vue que Chris Bosh sera agent libre en 2010, et il y a à peu près autant de chance qu’il prolonge son contrat cet été que de voir Phil Jackson danser en tutu lors d’une mi-temps d’un match des Lakers. Ainsi, les Raptors devront absolument retrouver le haut du tableau s’ils veulent être en position de convaincre Bosh de rester de l’autre coté de la frontière Très honnêtement, je vois Toronto en playoffs la saison prochaine, la question est, jusqu’où peuvent ils aller ? Même si on les imagine difficilement en finale en juin prochain, les Raptors ont un effectif assez complet, avec des joueurs de talents et si tout ce petit monde s’entend assez rapidement, ils devraient être en position de venir chatouiller les pieds des grosses cylindrées. Du moins, il vaudrait mieux pour eux.
Note du recrutement 8,5/10