Gregg Popovich, l’officier des renseignements devenu architecte d’empire

Dwyane Wade vient de piquer la balle dans les mains de Tim Duncan, et le Heat déroule son jeu dans ce troisième quart du match 4… L’intérieur vétéran se dirige vers son banc, et malgré son palmarès long comme la file d’attente de l’Alamo, ce bon Timmy se fait incendier par son coach.

Littéralement traité comme le dernier joueur du banc, le futur Hall of Famer ne bronche pas ! C’est la règle chez les Spurs. C’est l’école Popovich en pleine action.

Agé de 64 ans, Coach Pop’ est le saint patron des coachs NBA. LA référence. Et son aura est gigantesque dans le microcosme NBA ; certains joueurs de la ligue s’adressant toujours aux actuels joueurs des Spurs comme si ces derniers vivaient dans un monde parallèle.

La légende de l’espion Popovich

Les plus folles rumeurs entourent encore ce natif de l’Indiana (le pays des Hoosiers), descendant d’un père serbe et d’une mère à l’héritage croate. On dit ainsi qu’il était un espion pour la CIA pendant la Guerre Froide… Certes diplômé d’études soviétiques, Popovich n’a en fait jamais été véritablement en poste.

La vérité, c’est qu’il avait demandé un poste top secret à Moscou mais sa requête a été perdue dans les méandres de l’administration diplomatique américaine. Résultat des courses, Popovich a été officier de renseignement en Syrie et en Iran.

« Les gens pensent que j’avais un flingue et que j’étais un véritable espion ! Et plus je niais les faits, plus ils roulaient leurs yeux  et me disaient : « Mais bien sûr ! ». J’étais effectivement stationné à la frontière mais je n’étais pas James Bond non plus. »

Homme du monde et fin gourmet

En fait, Popovich est un homme du monde. Un mec curieux de nature qui a grandi dans le melting pot américain et qui a conscience de l’importance des voyages et des rencontres entre cultures. Ainsi, son apprentissage de la vie et de ses raffinements a commencé, presque par hasard, alors qu’il était muté sur la base de Moffett à Sunnyvale dans le nord de la Californie.

« La Napa Valley était en train d’exploser à l’époque pour le vin et la nourriture. Moi et un pote, on y allait, on faisait le tour des caves, c’était vraiment pas cher et il n’y avait personne. C’est là que j’ai commencé à apprendre à apprécier le vin, et quand tu en apprends sur les vins, tu en apprends aussi sur la nourriture » racontait récemment Pop au mythique Jack McCallum de Sports Illustrated.

Vous me direz : « Et le basket dans tout ça ? ». Popovich ne l’a jamais quitté. Tête brûlée selon ses dires, Gregg, le joueur, évoluait au sein de l’équipe de l’Air Force et, éternel compétiteur, se faisait régulièrement éjecter des entraînements par son coach Hank Egan pour postuler trop ouvertement à l’équipe première.

Mais faisant rapidement son deuil d’une carrière professionnelle en tant que joueur, Popovich obtenait par contre son diplôme d’éducation physique (de la fac de Denver) et opérait bientôt comme assistant de son ancien coach Egan. Engagé en tant que professeur sur le campus de Ponoma (en Californie), Pop poursuit son évolution d’homme de terrain, prenant à bras le corps des projets multiples en rapport avec la vie universitaire.

« J’étais le président du comité qui enquêtait sur les fraternités. J’étais effrayé comme jamais au début, mais le Doyen voulait quelqu’un du département des sports qui n’allait pas prendre les problèmes avec des pincettes. On a réussi à changer pas mal de choses. On s’occupait des problèmes d’égalités entre hommes et femmes, des discriminations contre les homosexuels, des abus dans le sport. Le genre de choses que j’appréciais vraiment faire. »

Assistant de Larry Brown à Kansas

Après 8 années à Ponoma, Popovich prend ensuite la direction de Lawrence, dans le Kansas, où il est pris comme entraîneur « stagiaire » chez les JayHawks alors coaché par Larry Brown. Ce sera le début de la transformation du prof d’EPS californien en coach légendaire de la NBA. Titré en 1988, Larry Brown accède enfin à un banc NBA chez les Spurs… et il emmène Pop dans ses valises.

« C’était évident directement qu’il avait la panoplie complète. Pop a un super caractère, une énorme passion pour le sport et beaucoup d’intelligence. A peu près tout ce dont on a besoin dans ce métier. » se souvient Larry Brown.

Et pour cause ! Depuis son accession au poste suprême sur le banc de San Antonio en 1996 (après une parenthèse d’un an en tant qu’assistant de Don Nelson à Golden State), Popovich a tout simplement mis en place une dynastie dans le Sud Texas. 4 titres NBA et peut-être un 5e dans quelques jours. Et surtout une flopée de « bons coups » à la draft (Parker, Ginobili, Leonard parmi tant d’autres).

L’académie Spurs a également fait des émules partout dans la ligue avec Sam Presti qui dirige désormais le Thunder pas loin en Oklahoma, ou Danny Ferry qui a lui pris le contrôle des opérations basket en Géorgie chez les Hawks (recrutant son actuel assistant Mike Budenholzer), ou Jacques Vaughn à Orlando, ou encore Monty Williams à la Nouvelle Orléans (voire Avery Johnson, anciennement à Brooklyn).

Inculquer la culture de la gagne

Le secret ? Il est simple : il faut non seulement appliquer une discipline collective mais également comprendre les attentes des joueurs. En un mot, il faut se montrer intelligent !

« Oui, nous sommes disciplinés dans ce que nous faisons. Mais ce n’est pas suffisant. On se focalise surtout sur nos relations avec les gens. Tu dois faire comprendre à tes joueurs que tu te soucies vraiment d’eux. Et eux doivent à leur tour se soucier de leurs partenaires et s’intéresser les uns aux autres. Ainsi, ils se sentent responsabilisés par rapport aux autres. Et ils veulent bien faire pour l’autre. »

Et ceux qui ne rentrent pas dans le moule (Stephen Jackson dernièrement) ? Eh bien, ils sont remerciés. On ne plaisante pas avec la culture de la gagne. Et c’est comme ça qu’on l’aime…