Photographe à Basket USA, Thomas Savoja a suivi pour nous sur place la March Madness.
A 24 heures des demi-finales du Final Four, voici la première partie de son carnet de voyage au coeur de la Caroline du Nord, place forte du basket universitaire.
Vous allez vivre de l’intérieur la défaite surprise de Duke face à Lehigh…
« Selection Sunday »
Le dimanche 12 mars est un jour particulier pour les fans de Basket Universitaire puisqu’il s’agit outre-Atlantique du fameux « Selection Sunday », le jour où sont désignées les 68 facs qui auront le privilège de s’affronter pour le titre national. Les champions des 31 Conférences de Division 1 NCAA sont automatiquement qualifiés pour l’événement mais pour les 37 places restantes, le comité de sélection a toute latitude et leur choix est très attendu.
Il est très tard, mes paupières sont lourdes et j’attends impatiemment le verdict des experts en Bracketology, cette science qui manie avec autant d’aisance que de mystères les « IN », « OUT » ou autres « RPI » et « On the Bubble ». Je suis branché sur ESPN, bercé par la voix rocailleuse de l’inimitable Dick Vitale et il est minuit bien tassé lorsque tombe enfin le « Bracket 2012 », tableau final du Championnat NCAA et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il y aura du lourd pour ma pomme !
En effet, le site de Greensboro où je suis accrédité pour les 2ème et 3ème tours du Championnat ne verra rien de moins que North Carolina et Duke en têtes d’affiche ! Voilà donc deux poids lourds du College Basketball qui évolueront sous mes yeux à domicile, gage d’une ambiance survoltée. Pour agrémenter le tout, les universités de Xavier et Notre Dame s’affronteront ainsi qu’Alabama, Creighton, Lehigh et Vermont. Les deux vainqueurs de ce mini tournoi se verront octroyer un ticket pour le convoité « Sweet Sixteen » et son tableau régional qui se déroulera à Atlanta et St Louis.
La folie de Mars
« March Madness » va donc pouvoir débuter. Créé en 1939, le tournoi est un événement majeur dans le paysage médiatique et dans le cœur des américains. On affirme même que « the big dance » est l’événement N°2 en termes d’impact juste derrière le Super Bowl ! Barack Obama, en fin connaisseur a d’ailleurs fait le déplacement sur le site de Dayton qui lance traditionnellement les hostilités. Il assiste aux deux premières rencontres du tour préliminaire en compagnie de David Cameron, le premier ministre britannique qui semble assez peu familier avec les subtilités de la balle orange. Les deux premières rencontres donnent d’ailleurs le ton de l’édition 2012 puisque l’on assiste à deux retours du diable vauvert signés BYU et Western Kentucky qui effaceront respectivement un déficit de 25 et 16 point pour s’imposer sur le fil. Tenons-nous parmi ces deux miraculés la future « Cinderella » du tournoi, équipe surprise prête à écarter les têtes de série à l’image de VCU l’an dernier qui avait atteint contre toute attente le Final Four ? L’avenir nous le dira …
Charlotte me voilà !
Pour ma part, je débarque le 15 Mars à l’aéroport de Charlotte dans une ambiance estivale. Il fait plus de 30°C en Caroline du Nord et je dois immédiatement ôter mes couches de vêtements superflues pour éviter de suer à grosses gouttes ! Me voilà donc sur une terre de Basket par excellence, puisque l’état qui a vu se révéler un certain Michael Jordan, pèse à lui seul 10 titres universitaires partagés entre Duke, UNC et NC State. Sur le parking de l’aéroport, par un improbable tour de « passe passe », j’hérite d’une gigantesque Lincoln Avenger noire alors que j’avais réservé une petite coréenne (je me comprends).
Mon séjour sera court mais intense puisque le début des festivités est prévu pour demain matin à Greensboro soit 150 kilomètres au Nord de Charlotte. Pour combattre les effets du décalage horaire et me mettre immédiatement dans le rythme, je décide de prolonger ma première soirée dans un bar d’Uptown. Je sors donc de mon hôtel et essuie un violent orage en guise de bienvenue. Cela ne m’empêche pas de déambuler sur University Avenue pour admirer l’architecture avant-gardiste de la capitale de l’état. Je file alors jusqu’au coin branché du centre ville où j’e m’abrite finalement au « Carolina ALE House », un Sport’s Bar dans la plus pure tradition US.
Là, une trentaine d’écrans géants passent en live les rencontres de Basket de la soirée dans une ambiance survoltée. L’endroit est bondé et le niveau sonore dépasse l’entendement. Quatre chaines retransmettent en direct le tournoi NCAA : il s’agit de TNT, CBS, TBS et truTV. Mes yeux ne savent plus où donner de la tête d’autant que les serveuses ont des mini shorts en jean qui ont tendance à me déconcentrer. Finalement c’est le match entre Baylor et South Dakota State qui obtient mes faveurs car les Bears peinent terriblement face à la modeste formation de South Dakota State mais 3 « Miller Light » plus tard, ils s’en sortiront finalement 68-60 après une grosse frayeur.
Marathon à Greensboro
Il faut deux heures de route depuis Charlotte pour rejoindre Greensboro. L’Interstate 40 traverse un paysage forestier quelque peu monotone, blotti entre les Appalaches et la côte escarpée du rivage atlantique. Malgré les brochures touristiques qui vantaient son héritage historique, Greensboro ressemble dans mes yeux d’européen à ces bourgades anonymes dont l’Amérique a le secret. Mais c’est ici que siège l’Atlantic Coast Conférence qui héberge pour l’occasion le tournoi. La première rencontre est prévue à 13h 40 ce qui me laisse le temps de flâner dans le Mall attenant. Il me faut optimiser mes rares moments de temps libre pour effectuer quelques emplettes et j’avoue, j’ai craqué pour un « Jersey » des Blue Devils…
Le second tour de ce tournoi NCAA prévoit 4 rencontres en une même journée soit un véritable marathon de Basket dont je me délecte d’avance. Le Greensboro Coliseum est un complexe des plus modernes surgit de nulle part comme si le POPB avait été construit à Nogent-le-Rotrou. Slalomant entre les Fans qui arborent majoritairement les couleurs blanches et ciels d’UNC, j’immobilise ma Lincoln au parking VIP avant de passer un premier barrage de sécurité. Là, mon matériel photo est ausculté scrupuleusement et je récupère non sans une petite négociation de dernière minute le précieux Pass qui va me permettre de « shooter » en toute liberté dans le complexe pendant les deux jours du tournoi.
Je m’installe donc rempli d’excitation dans l’une des 3 salles de presse en ayant récupéré au préalable la multitude de dossiers medias édités pour l’occasion par chaque université. C’est une débauche de papier glacé et d’informations chiffrées à donner le tournis au fou de stats que je suis. Un centre de reprographie crache d’ailleurs en permanence ces dossiers qui abreuvent en direct les journalistes pour les aider à composer leurs papiers ou leurs reportages. Il va sans dire qu’en coulisses, repas et boissons sont servis à discrétion pendant la durée de l’événement. OK, le régime Popcorn Cookie Soda n’est pas idéal pour ma ligne mais il me faut composer avec les traditions culinaires locales. Entre les télévisions, les radios, la presse écrite et les photographes, il doit y avoir pas loin de 200 médias sur le coup soit quelques bouches à nourrir.
Côté infrastructures, je suis agréablement surpris par le Coliseum qui avec sa capacité d’environ 20.000 places dispose d’une excellente lumière. La journée est divisée en deux et le public de la première session a déjà pris place dans l’enceinte qui est compartimentée en 4 sections réservées aux fans de chaque université. Evidemment, les supporters de North Carolina sont venus en force et ils occupent au final une bonne moitié de l’enceinte, question de proximité. Arrivent en seconde position ceux de Duke qui sont déjà présents et quand on connait la rivalité entre les deux poids lourds de l’ACC cela promet une ambiance électrique.
Creighton – Alabama
Le premier match de la journée voit s’affronter dans la partie Midwest du tableau Creighton (8) à Alabama (9). Les joueurs de Creighton ont clairement un handicap en termes de taille et de qualités athlétiques face à Alabama mais ils récitent un basket collectif léché et disposent en la personne de l’ailier fort Doug Mc Dermott (le fils du coach) du troisième scoreur du pays. Bama a vécu une année compliquée avec la suspension de deux titulaires au milieu de la saison mais le retour JaMychal Green pour le tournoi devrait leur faire du bien. Le match tient toutes ses promesses. Les deux équipes sont au coude à coude tout le long de la rencontre.
Creighton dispose en la personne de Gregory Echenique d’un pivot vénézuélien de 2m 06 qui en impose sur les panneaux. « Roll Tide ! » hurlent les cheerleaders d’Alabama dans leur style sudiste inimitable. Le Band rouge et blanc déverse ses décibels à quelques mètres de mes oreilles et je dois être maso car j’aime bien cela alors que certains photographes ont mis des boules « quies » pour se protéger du bruit.
La fin de match est haletante mais c’est finalement Creighton qui s’impose le fil 58-57 après qu’une ultime tentative à 3 points d’Alabama a été contrée. L’ailier Doug McDermott avec 16 points et 10 rebonds a montré la voie et cela faisait tout de même 10 ans que les Jays n’avaient pas gagné un match dans le tournoi.
North Carolina – Vermont
C’est alors au tour de l’équipe locale de North Carolina (1) d’entrer dans la danse face à Vermont (16). Sur le papier, il n’y a pas photo ente les deux équipes. Mais le pivot vedette d’UNC John Henson est indisponible et Vermont a gagné 15 de ses 16 derniers matchs. Les Tar Heels devront donc faire un match sérieux pour avancer. On comprend néanmoins assez vite qu’il y a une classe d’écart entre les deux formations et le peuple bleu se délecte des remontées de balles ultras rapides de Kendall Marshall, leur fabuleux meneur de jeu dont l’avenir NBA me parait tout tracé. « Let’s Go Tar Heels Let’s Go ! » scande le public dans une bronca indescriptible. Il y a tellement de photographes sur le parquet que j’hérite du deuxième rang ce qui n’est pas une sinécure car je suis obligé de me tenir à genoux pour être légèrement surélevé et mes articulations sont au supplice a mesure que le match avance. Il n’en reste pas moins que le pivot Tyler Zeller a fait le métier avec 17 points et 15 rebonds et que les Tar Heels l’emportent 77 à 58.
Duke – Lehigh
Le temps de faire sortir les spectateurs de la première session pour les remplacer par ceux de la seconde et c’est au tour de la rencontre entre Duke (2) et Lehigh (15). Duke sort d’une douloureuse défaite face à Florida State en demi finale du tournoi ACC et l’ailier Ryan Kelly est encore absent après avoir manqué les deux dernières rencontres. Quand aux joueurs de Lehigh qui ont battu cette année le record du nombre de victoire de leur université, ils ont des arguments à faire valoir ne s’inclinant cette saison que par une marge infime face à Michigan State, Iowa State ou encore St John. Et l’impensable va se produire puisque sous l’impulsion d’un fabuleux C.J. McCollum auteur de 30 point, les Mountain Hawks de la petite fac de Lehigh située en Pennsylvanie vont ébranler les kids du Coach K donc le visage se fige à mesure que le temps s’amenuise et que l’écart au tableau d’affichage perdure en sa défaveur. Austin Rivers, le fiston du coach des Celtics « Doc » Rivers est titulaire côté Duke. C’est un Freshman prometteur auteur d’une superbe saison mais aujourd’hui il est fébrile et rate à peu près tout ce qu’il entreprend. Dans les gradins les fans de North Carolina sont évidemment à fond derrière Lehigh et le public est en transe lorsque le temps expire et que le tableau d’affichage rend son verdict : Lehigh 75 – Duke 70.
Xavier – Notre Dame
Le dernier match de la journée voit s’affronter Xavier (10) et Notre Dame (7). Le Tip-off de la rencontre est donné à 21h45 ! Malgré la perte de leur star Tim Abromatis victime d’une rupture des ligaments du genou en novembre, les Fighting Irishs développent un basket basé sur le contrôle du ballon, minimisant ainsi les turnovers. J’apprécie tout autant les performances de leur Cheerleaders chaudement encouragées par le fameux Leprechaun, le petit lutin barbu qui leur sert de mascotte. En face, les Muskeeters de Xavier qui avaient débuté la saison sur les chapeaux de roue avec 8 victoires d’affilée sont rentrés dans le rang après le match polémique face à Cincinnati qui s’est terminé en bagarre générale. Depuis cette jour leur bilan est assez moyen (11-11). Toujours est-il qu’un homme va émerger de cette partie. Il s’agit de l’arrière Senior de Xavier : Tu Holloway. Le garçon est pétri de talent et il attaque en permanence le panier avec une agressivité impressionnante. Bilan des courses 25 points au compteur et Xavier qui était mené de 10 points en début de seconde mi-temps réussi à recoller. C’est est trop pour Notre Dame qui s’incline finalement 67-63 après que son ailier vedette Jack Cooley ne commette l’irréparable sur un lancer franc Irish puisqu’il anticipe le rebond à moins de 20 seconde de la fin redonnant ainsi le ballon à Xavier qui n’a plus qu’à gérer les derniers instants. Je crois que je ne suis pas prêt d’oublier le regard incrédule de Cooley, les yeux remplis de larmes après la décision arbitrale qui condamne son équipe.
Quelle journée ! Je suis fourbu mais heureux de retour à mon hôtel à plus d’une 1h30 du mat’.
Demain, je vous fais vivre le second tour.
L’intégralité de mes photos de ce carnet de voyage