Toujours dans l’attente de retrouver ses Sonics préférés à Seattle, Shawn Kemp coule des jours heureux dans la ville émeraude, et il vient d’ailleurs d’y ouvrir une boutique qui commercialise du cannabis thérapeutique. Comme il l’avait expliqué dans sa première missive sur The Players’ Tribune, il n’a jamais vraiment quitté Seattle, même quand il a dû jouer pour les Cavaliers avant une fin de carrière à mettre aux oubliettes entre Portland et Orlando.
Du coup, celui qu’on appelait « The Reignman » pour sa capacité à régner sur un match à coups de dunks surpuissants et de alley-oops aériens a rapidement retrouvé sa maison à Seattle au moment de raccrocher les baskets.
« C’est marrant d’y penser maintenant, mais en 1989, j’étais le plus jeune joueur de NBA« , se souvient Shawn Kemp sur The Players’ Tribune. « Un gamin de 19 ans, et je suis le premier à admettre que j’ignorais tout du professionnalisme et même pour vivre tout seul. Ça ne me paraissait pas très important, cela dit. J’étais jeune, j’avais faim. Je voulais dunker sur des imbéciles, sortir le soir, et leur dunker encore dessus le lendemain. »
Et puis, il voulait faire plaisir au public du Coliseum, l’ancienne salle des Sonics. A ces spectateurs restés jusqu’au bout du « garbage time ».
« Absolument, tout ça avait démarré durant ma saison rookie. J’étais souvent sur le banc et il y avait des soirées à 10 ou 15 dollars. Tu avais ton ticket et une bière Rainier [une des bières locales] pour 15 dollars, mais bon, c’était les sièges qui étaient tout en haut. Quand je rentrais sur le terrain en fin de match, je pointais toujours vers ces fans tout en haut dans les tribunes, comme pour dire, merci d’être resté, je vais vous donner quelque chose à voir » a-t-il expliqué il y a un mois. « Pour moi, ces fans du vieux Coliseum qui étaient assis tout en haut dans les sièges à bon marché étaient une véritable inspiration. Sans rire. Ces fans me soutenaient vraiment. Durant ma première année en 1989, je ne jouais pas beaucoup et quand j’entrais en jeu, généralement en quatrième quart, je voulais leur donner quelques bons dunks. Je tiens à les remercier car ce n’est jamais facile d’entrer en jeu en fin de match, souvent quand le match est plié. C’est difficile de trouver son rythme mais ces fans me donnaient la motivation de proposer un truc différent. Quand tu as 19 ans, c’est ce genre de petites choses qui font une grande différence. »
Dans la plus pure tradition des années 90, Shawn Kemp a cependant appris à la dure que sa carrière NBA ne pourrait pas se résumer, seulement, à des dunks… « J’ai eu de la chance. Beaucoup de gars qui arrivent en NBA avec cette mentalité ne durent pas longtemps. J’ai appris de gars comme Xavier McDaniel, Nate McMillan, Michael Cage, ces vétérans qui étaient à Seattle quand je suis arrivé. Ils m’ont tous appris très tôt qu’il y avait bien plus que le dunk dans le basket. »
Pour lui mettre du plomb dans la tête, Shawn Kemp a également pu prendre une sérieuse claque lors de l’arrivée de KC Jones à la tête des Sonics pour sa deuxième saison. Titré deux fois en 1984 et en 1986 avec Boston, ce dernier débarquait à Seattle dans un « Nouveau Monde » pour ainsi dire.
« Bernie Bickerstaff était le coach lors de mon année rookie. Ensuite, KC Jones est arrivé lors de l’année rookie de Gary (Payton). Et dès le début, ça a été tendu entre eux deux. Mais même maintenant, on reparle de l’importance de KC dans notre progression. Il était dur, mais il faut se souvenir qu’il venait des Celtics, d’une culture des titres. Il dessinait des systèmes pour Larry Bird et Kevin McHale. Et puis tout à coup, il dessinait pour Shawn et Gary. Mais on n’était encore des gamins ! On avait beaucoup de talent mais on ne savait pas encore quoi en faire. »
« On pouvait jouer et produire du bon basket, quasiment à l’instinct »
Et pour ne rien arranger, surtout dans le cas de Gary Payton, le talent se doublait d’un clapet bien actif… et un ego bien développé ! À l’inverse, Shawn Kemp était un étudiant docile et taiseux, le pendant de Payton l’aboyeur. « Un des trucs auxquels j’ai eu du mal à m’adapter, c’est de jouer à fond à chaque match. En NBA, il faut être prêt à gagner chaque soir. Je sais que c’est cliché mais la vérité, c’est qu’en arrivant à Seattle, on a eu de la chance. C’était déjà une équipe à 50% de victoires, avec des vétérans qui connaissaient la ligue. On pouvait jouer et produire du bon basket, quasiment à l’instinct. Hors des terrains, Gary et moi, on passait notre temps dans les bars à s’amuser. On a essayé de tout avoir en en faisant peu, pendant un certain temps. Mais les grandes équipes jouent à fond chaque soir. On se bat toute la semaine à l’entraînement et si tu tombes contre ce genre d’équipes, tu te fais rétamer. »
Et, à l’époque, Shawn Kemp avait intérêt à filer droit… « Je me souviens quand Xavier McDaniel m’a dit, direct, qu’on ferait mieux de ne pas faire ça à l’équipe. Les autres vétérans ne voulaient pas perdre de temps, et pas seulement parce qu’ils voyaient leur fenêtre se fermer. C’est tout simplement qu’ils approchaient leur travail comme des pros. Xavier et ces gars-là nous ont sauvés, moi et Gary. Ils nous ont poussés et nous ont obligés à assumer nos décisions. »
C’est sur ces fondations que s’est construite l’équipe des Sonics qui ira jusqu’en finale NBA en 1996. Le coach aura changé, en la personne de George Karl (intronisé en 1992), et les joueurs autour également (Detlef Schrempf, Hersey Hawkins, Sam Perkins) mais le duo Shawn Kemp – Gary Payton restera la locomotive de Seattle tout au long des années 90.
Une première rencontre explosive avec Bill Laimbeer
Mais avant de devenir incontournables dans les nineties, les Sonics ont bien morflé dans les années 80. Shawn Kemp se souvient ainsi de sa première rencontre avec les Pistons de l’époque Bad Boys. « Quand j’ai joué Bill Laimbeer pour la première fois, j’ai reçu un peu de ce traitement. C’était en 1989, je sortais du banc comme rookie. Les Bad Boys de Detroit étaient encore très forts après leur premier titre. Je jouais bien depuis quelques semaines, on gagnait des matchs et je dunkais sur tout le monde. Je pensais que j’allais dominer comme ça pour toujours, comme quand on joue au quartier sur un panier rabaissé. »
Enfin, on écrit « se souvient », mais le terme n’est finalement pas tellement à propos… « J’étais ouvert et j’ai dunké sur Laimbeer. Temps-mort pour Detroit, je me sens bien. En revenant vers le banc, je vois que Laimbeer me montre du doigt. Il me montre du doigt celui-là, alors que je viens de lui dunker dessus !? Je l’ai montré du doigt aussi. Les Bad Boys étaient vraiment des mauvais garçons, ils étaient bons en défense mais ils voulaient surtout faire mal. Sur l’action suivante, on a le rebond, on me passe la balle, Laimbeer était derrière moi… Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite. Je me suis réveillé à l’hôpital. »
Quand on vous dit que Shawn Kemp a été élevé à la dure…