« Le déclin de l’Empire américain » n’est pas qu’un film québécois génial, prémices du tout aussi somptueux « Les invasions barbares ». C’est aussi la grande crainte de Gregg Popovich après la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles.
Le coach des Spurs s’inquiète de la décadence morale et sociale qui frappe à la porte d’un pays divisé comme peut-être jamais dans sa courte histoire, depuis 1865. Pendant six minutes, avant la réception des Pistons vendredi soir, Pop a pris le temps de confier sa désolation. Lui qui d’ordinaire avant une rencontre aime assure le minimum syndical devant la presse, a même interrompu un confrère qui voulait parler de basket. « Je n’ai pas fini », a lancé le quintuple champion NBA.
« Ses commentaires misogynes, racistes et homophobes… »
Il en avait gros sur la patate et voulait en parler. Adam Silver peut être conforté dans sa volonté de laisser les acteurs de la NBA s’exprimer librement : le plaidoyer de Gregg Popovich est profond, lucide et réfléchi.
« Si j’en ai encore l’estomac noué, ce n’est pas parce que les Républicains ont gagné, qu’Obamacare va être remis en question ou à cause de quelque autre autre argument politique. C’est à cause de la teneur et du ton dégoutants utilisés pendant toute la campagne de Trump, ses commentaires misogynes, racistes et homophobes. Je vis donc dans un pays où la moitié des gens ont ignoré toutes les valeurs qu’on demande à nos enfants de respecter à la maison. C’est selon moi ce qui est le plus terrifiant… »
Aussi remonté que Stan Van Gundy, le coach des Spurs en est à douter de son Amérique.
« Tout le monde veut qu’il réussisse et c’est normal, c’est notre pays et personne d’un tantinet raisonnable ne veut qu’il sombre. Mais cela ne doit pas faire oublier la réthorique qu’il a utilisée, les peurs qu’il a exacerbées, ses commentaires inacceptables et sa volonté permanente de rendre illégitime la présidence de Barack Obama. Cela me fait réfléchir, je me demande où j’ai donc vécu pendant toutes ces années, et surtout avec qui autour de moi. »
« Le mec fait des blagues douteuses et inappropriées de collégien et il est élu ? »
« Dans cette élection, on a laissé sur le bord de la route les afro-américains, les hispaniques, les femmes et les gays, sans parler des dérapages sur les handicapés, dignes d’un gamin de 12 ans. Sérieusement, le mec fait des blagues douteuses et inappropriées de collégien et il est élu ? Notre gamin fait ça, on le sermonne pendant des heures jusqu’à ce qu’il comprenne. Lui se le permet et il est élu, franchement ça me dégoûte. »
Au passage, il rappelle que sa colère n’est pas adressée aux Républicains, mais bien à Donald Trump.
« Pour moi, les valeurs dépassent les compétences parce qu’elles définissent qui on est et comment on veut vivre. C’est pour ça que même si je ne suis pas d’accord politiquement avec Lindsey Graham, John McCain ou John Kasich, je les respecte car ils ont assez d’humanité et de tolérance en eux pour avoir dit ce qu’ils pensaient de Trump. »
Enfin, si Gregg Popovich s’exprime, c’est parce qu’il a une pensée pour toutes les minorités du pays.
« Moi je suis blanc et riche et ça me rend malade de me dire que je n’aimerais pas aujourd’hui être un musulman, une femme, un afro-américain, un hispanique, un handicapé. Ils doivent se sentir comme privés d’un droit électoral. Quant à ceux qui au sein de ces minorités ont voté pour Trump, ça dépasse ma capacité de compréhension. Comment peut-on ignorer tout ce qui a été dit et fait ? »