Depuis le départ de Ronny Turiaf en 2014, il n’y a plus de Français à Minnesota. Enfin presque puisqu’un petit frenchy l’a remplacé chez les Timberwolves. Son nom ? Jean-Baptiste Viguier. Il ne fait pas partie de la liste officielle des NBAers français, et pourtant c’est un habitué du Target Center. Il y travaille même. Récit de ce parcours peu ordinaire, symbole du « rêve américain ».
À 25 ans, il n’était pourtant pas du tout programmé pour travailler dans le Minnesota. Originaire de Montpellier, il y fait toutes ses études dans le coin. Forcément, quand on grandit là-bas, difficile de ne pas répondre à l’appel du football. C’est d’ailleurs en jouant au foot qu’il se brise la cheville. Il est en première année de Master à l’université Montpellier II où il étudie le marketing du sport. Pendant 3 mois, il ne va pas bouger de sa chambre d’hôpital. Les deux ligaments sont sectionnés, impossible de marcher.
Le premier contact avec le Minnesota
Le temps presse pourtant, il faut trouver un stage. Dans l’embarras, il va recevoir l’aide de l’un de ses enseignants.
« Mon professeur de marketing sportif me contacte et me propose quelque chose de vraiment intéressant » raconte-t-il. « Créer un programme d’échange avec l’université du Minnesota pour que leurs étudiants viennent étudier le marketing sportif en France. »
J-B accepte tout de suite, et le programme est un succès. Pendant un mois, il accueille entre 15 et 20 étudiants de l’université de Minnesota, les emmenant même au Stade de France. Depuis, cet échange s’est pérennisé et chaque mois de juin, de jeunes Américains viennent en France. C’est le premier contact de Jean-Baptiste avec le Minnesota.
Cette expérience lui permet de devenir bilingue, et l’année suivante, il va avoir la chance de pouvoir pousser le concept à l’échelle supérieure.
« L’université m’appelle et me propose une bourse pour un semestre complet à l’université du Minnesota » se souvient-il. « Ce n’était pas lié à ce que j’avais fait avant, mais parce que la personne qui avait cette bourse n’avait pas l’argent pour les billets d’avion. Ils m’ont demandé si j’étais prêt à partir et j’ai dit oui. »
Deux semaines plus tard, il était dans l’avion. Là-bas, il y retrouve des étudiants américains qu’il avait connus en France. À Minneapolis, Viguier goûte à la vie d’un énorme campus mais peine encore à accrocher avec la culture sport américaine. Il joue au soccer, et décroche même un stage au Minnesota United, qui évoluera en MLS dès 2017. Une première expérience en marketing qui va l’emmener doucement vers des sports plus célèbres aux États-Unis, l’équipe de foot partageant le Metrodom avec les Vikings, la « vraie » équipe de foot.
« Mon premier job était de remplacer les logos, les sponsors, les bannières, mettre aux couleurs du Minnesota United le stade des Vikings » ajoute J-B. « Mais il n’y avait pas du tout la même affluence, entre 5 et 8 000 personnes seulement. »
La galère, puis les Timberwolves
À la fin de son stage, Jean-Baptiste retourne en France, et ce n’est pas génial. Pas de boulot, malgré les belles expériences qu’il a vécues ici et là-bas. Il est chez lui, sa copine américaine l’a accompagnée mais doit repartir poursuivre ses études dans le Minnesota. Sans aucune assurance, Jean-Baptiste décide de la suivre. Sur place, même aidé par l’université, il va devoir attendre presque un an avant d’obtenir sa « green card ». Et soudain, le coup de fil qui change tout : son CV a tapé dans l’oeil des Minnesota Timberwolves.
« L’entretien s’est super bien passé, et en sortant, je savais que je travaillerais pour les Timberwolves cette saison » raconte-t-il.
Intégré au service Abonnés, J-B a pour mission principale de préparer l’accueil des habitués du Target Center. Il s’occupe également des rencontres avec les joueurs, comme lors de la présentation média du début de saison. L’occasion pour les abonnés comme pour lui d’échanger avec les basketteurs de la franchise. Bien loin du sentiment d’inaccessibilité que peuvent dégager ces stars, Andrew Wiggins et ses coéquipiers s’avèrent même très faciles d’accès.
« Towns, il est vraiment top »
Du coup, Jean-Baptiste côtoie pas mal de ces joueurs, et son amour pour la ville et la franchise ne cesse de grandir au fil des semaines. Aujourd’hui, ce n’est presque plus en tant qu’employé mais plutôt en fan qu’il se rend au Target Center. Le joueur avec qui il a le plus accroché n’est pas forcément le plus connu de tous : Damjan Rudez. Le transfuge des Pacers n’a que très peu joué cette saison (33 matches et un total de 277 minutes) mais le Croate de 29 ans se rattrape en dehors des terrains.
« Damjan Rudez, il joue vraiment pas beaucoup. Mais dès que tu lui parles, t’as l’impression que t’es pote avec lui depuis que t’es gamin. Il est vraiment drôle. »
Que ce soit avec lui, avec Andre Miller avant son départ aux Spurs ou Karl-Anthony Towns qu’il a vu quelques jours avant notre entretien, J-B ne garde pas un seul mauvais souvenir du temps qu’il a passé avec des joueurs qui semblent heureux d’être là… Et ils ont de quoi l’être. Un environnement parfait, dans des installations toutes récentes qui ont vu le jour en centre-ville. « Les meilleures du pays » pour lui. Un centre d’entrainement flambant neuf, inauguré en juin dernier, qui fait le bonheur des joueurs et de l’organisation.
Après une saison entière et 41 matches à domicile, Viguier a eu le temps de vivre des expériences peu communes, comme ce 15 novembre 2015. Les Timberwolves reçoivent Memphis, et la Marseillaise résonne dans le Target Center pour rendre hommage aux victimes des attentats de Paris.
« Ce qui m’a le plus marqué, c’est après les attentats de Paris, quand l’hymne national a été jouée dans la salle » raconte J-B. « Certains abonnés venaient me voir et me demandaient si j’allais bien, si ma famille allait bien. »
« Quand Garnett dunke sur Griffin, il se venge »
Le Target Center, il y a mis les pieds pour la première fois quand il était en cours à l’université. Avec des billets étudiants à 10 dollars, il était sous les toits, et s’en souvient comme si c’était hier, impressionné par l’enceinte et par le match. Ses Wolves face au Heat de LeBron James. Et lorsqu’on lui demande son meilleur souvenir de cette saison, il n’hésite pas une seule seconde : le dunk de Kevin Garnett sur Blake Griffin.
« C’était la folie » se souvient J-B. « Toute la salle s’est levée, ça faisait un bruit de dingue. KG prend une technique juste derrière parce qu’il célèbre trop. Pour la petite histoire, j’en avais parlé avec Damjan et il m’avait dit qu’ils avaient joué les Clippers deux semaines avant, et que Blake Griffin, comme les autres, trash-talkaient beaucoup. KG s’en est souvenu et c’était à son tour de parler. »
D’ailleurs, J-B se rappelle qu’après la faute technique, Garnett s’est dirigé vers Andrew Wiggins pour lui expliquer qu’il fallait faire ça quand on dunke sur quelqu’un. Chez les Timberwolves, on apprend du maître. Kevin Garnett est adulé à Minnesota, et en Asie, sa cote n’a pas baissé d’un poil. J-B le voit tous les jours : des spectateurs viennent du monde entier uniquement pour voir les derniers exploits du MVP 2004, qui vient d’avoir 40 ans.
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Maintenant l’avenir appartient aux jeunes Wolves. Wiggins, LaVine et Towns sont les garants des prochains mois de la franchise. Les propriétaires ont d’ailleurs injecté du neuf à tous les niveaux avec l’arrivée conjointe de Scott Layden au poste de GM (ancien de la maison Spurs) et surtout de Tom Thibodeau comme président et coach de l’équipe. Un groupe jeune, talentueux et les hommes qui faut pour les faire grandir. Dans les coulisses de Minnesota, on croit beaucoup à ce nouveau visage.
« Beaucoup de gens ici disent que les Timberwolves c’est une équipe à 20-30 victoires, dans une coquille d’une équipe à 40-50 victoires. C’est compliqué à comprendre mais ça reflète bien l’état d’esprit des fans ici »
J-B attend désormais la free agency et la draft, mais il croit dur comme fer aux playoffs. Maintenant que sa saison avec les Wolves est terminée, c’est avec les Lynx, trois fois championnes WNBA sur ces cinq dernières années, qu’il va occuper son été et continuer son rêve américain, avant de reprendre au marketing des Minnesota Timberwolves la saison prochaine. En espérant que la prochaine saison ne s’arrête pas dès avril…