Il nous montre son doigt de pied gonflé. « Regarde », nous lance-t-il en sortant son pied droit de la glace. Dès le premier quart-temps, pour son deuxième match de retour après une première joute médiocre face au Jazz, Nicolas Batum a rechuté.
« Sur un choc normalement anodin, j’ai vraiment eu super mal. Pendant tout le reste de la rencontre, je ne pouvais pas appuyer sur ma jambe droite. Je voulais vraiment jouer ce match et j’ai tout fait pour être à 100%. Je n’y suis pas arrivé et c’est très, très frustrant car ce match là, je l’attendais énormément », explique-t-il, la mine déconfite.
« Au moins je ne me suis pas trompé de vestiaire »
En 40 minutes passées chez lui à Rip City, sur ce parquet où il aura lancé et construit sa carrière NBA, Nico s’est troué. Il est passé à côté, malgré le serrage de dents.
La veille après l’entraînement des Hornets, il cachait bien ses doutes intimes et rappelait, le sourire chafouin, qu’il ne serait pas contre planter encore 33 pts aux Blazers, comme en novembre dernier lors des premières retrouvailles. Trente heures plus tard, l’aigreur est plus amère qu’un regret.
« Au moins, maintenant que ce match est passé, je peux laisser les Blazers derrière moi. La fenêtre s’est fermée et je peux aller de l’avant sans y repenser », avoue le Normand. Ses sept ans passés à Rip City, il ne les oubliera jamais, évidemment : « C’est impossible de ne pas aimer jouer dans cette ville, dans cette salle, devant ce public qui je le dis, m’a manqué. Je me suis régalé pendant sept ans mais je ne suis plus un Blazer aujourd’hui ».
Son transfert estival qu’il avait pressenti à défaut de le réclamer, Nicolas Batum l’a véritablement compris quand tard dans la nuit de mercredi, le bus des Hornets a pris la direction du centre-ville, direction l’hôtel Nines.
« Normalement en partant de l’aéroport, je filais tout droit sur Lake Oswego, où je vivais. Là je me suis retrouvé à dormir dans un hôtel où normalement, j’allais diner après les matches. C’est un sentiment bizarre », expliquait la veille l’international, sommé par la presse locale de partager sa nostalgie.
Dans la soirée, il est allé dîner avec des amis, s’épargnant la traditionnelle visite de Nike par les équipes visiteuses, un jour de repos. Le lendemain, c’est dans le vestiaire visiteur qu’il est entré après son échauffement. « Au moins je ne me suis pas trompé de vestiaire », rigole-t-il alors à moins d’une heure de l’entre-deux. À 21h32, quand il en sort tout habillé, le regard est sombre. Visiblement, le temps de la réflexion est déjà passé.
« Je me pénalise et en plus j’handicape mon équipe »
« Il faut que je pense plus à moi et que je prenne soin de mon corps. J’ai dit au staff médical de l’équipe que je ne pouvais plus continuer comme ça, à revenir pour deux matchs puis être à nouveau blessé pour trois autres. Cela fait déjà trois fois que je me re-blesse, je ne peux pas continuer ce yo-yo », nous confie-t-il.
Pourquoi alors avoir joué 40 minutes si son pied l’a lâché en début de match ?
« C’est ma faute, j’ai voulu forcer mais faut que j’arrête. Je me pénalise et en plus j’handicape mon équipe. »
Dix minutes plus tard, après une dizaine de hugs et de poignées de mains, Nico s’adresse dans la langue de Molière à la communauté française et francophone de Portland, debout derrière un pupitre de candidat à la présidentielle. Ils sont plus de cinquante à l’avoir attendu pendant trente minutes, dans les coursives du Moda Center. Il a donc fait perdurer la tradition annuelle de la « French Night », qu’il a organisée pendant sept ans.
Sa compagne est là, le regard attendrie. Elle est enceinte de cinq mois.
« La naissance est prévue pour début mai », avoue-t-il. « On n’a pas encore choisi le prénom, on en discute tous les soirs car on n’est pas d’accord », rigole-t-il.
Cela sera le seul sourire public de son après-match. Il est temps de quitter le Moda Center. Le cœur lourd.
Propos recueillis à Portland