Pour n’importe quel basketteur, la NBA représente le rêve ultime. C’est l’idée de jouer dans le meilleur championnat du monde, aux côtés des meilleurs joueurs du monde. Mais ce monde n’a jamais fait rêver Tyrell Terry, et à 22 ans, l’ancien meneur des Mavericks a pris sa retraite sportive. C’était en décembre dernier, et c’était à cause de « troubles anxieux », qu’il avait résumés dans un message publié sur Instagram dans lequel il expliquait « avoir vécu certaines des périodes les plus sombres de ma vie. À tel point qu’au lieu de me construire, cela a commencé à me détruire. À tel point que j’ai commencé à me mépriser moi-même et m’interroger sur ma propre valeur ».
Plus de six mois après ces révélations et ce choix de tourner le dos au basket professionnel, Tyrell Terry a accepté de partager son mal-être avec le New York Times. Cette ancienne vedette de Stanford explique que c’est le simple fait de jouer au basket qui lui faisait mal. Pour tenter de sortir de sa spirale dépressive, il avait rejoint l’hiver dernier un ami qui évolue en Allemagne, et il avait pris part à des entraînements de l’équipe de Würzburg.
« Ces sentiments d’apprécier le basket-ball ne sont pas revenus. Et c’était à l’autre bout du monde » se souvient-il. C’est à ce moment-là, en larmes, qu’il annonce à ses proches et ses amis qu’il va tirer un trait sur sa carrière : « Ce message était très difficile à partager et très émouvant à écrire ».
Des ruptures avec son père naturel et son père spirituel
Sept mois plus tard, Tyrell Terry travaille sur un nouveau « chapitre de sa vie ». Il est retourné chez lui à Minneapolis, avec sa petite amie, mais aussi sur le campus de Stanford. Il essaie surtout de faire un gros travail sur les liens rompus avec son père, lui-même ancien très bon basketteur.
« Je veux pouvoir me débarrasser complètement de cette partie de moi » lance l’ancien meneur de Dallas, avant d’évoquer le divorce de ses parents lorsqu’il avait quatre ans. « J’ai compris très tôt que si je n’étais pas né, cela aurait probablement été beaucoup plus facile pour mes parents. Peut-être que mon père aurait percé dans le basket-ball, et il n’aurait pas été aussi difficile pour ma mère de terminer ses études. »
Ce sentiment de culpabilité le ronge, comme le fait d’avoir le sentiment d’avoir trahi Jalen Suggs, l’actuel arrière du Magic, originaire comme lui du Minnesota. Pré-ado, Tyrell Terry était très proche de la famille Suggs, et les deux futurs joueurs NBA deviennent les meilleurs amis du monde. Mais à 14 ans, Tyrell Terry les quitte pour la DeLaSalle High School sans les avertir, alors qu’ils avaient envisagé d’aller dans la même université !
Pour Larry Suggs, le père, mais aussi le coach de l’équipe, « c’était comme perdre un fils ». Pour Jalen Suggs, c’est aussi une épreuve. « Tout ce que j’avais connu, je l’avais toujours fait avec lui. C’était difficile. C’était différent. Je n’ai pas tout à fait compris ou voulu l’accepter, et pour être honnête, au début, il y avait un peu de rancoeur ».
Terry ne supporte pas les contraintes du basket professionnel
Les deux anciens potes poursuivent leurs carrières, chacun de leur côté. Ce sera Stanford pour Tyrell Terry, et Gonzaga pour Jalen Suggs. Dans la célèbre université californienne, Tyrell Terry impressionne. On le pensait pur meneur de jeu, et on lui découvre des qualités de shooteur. Sa cote grimpe au fil des mois, et après seulement une saison, il décide de s’inscrire dans la Draft !
« Je ne crois pas que j’étais prêt sur le plan émotionnel à aller en NBA » reconnaît-il. « Je voulais rester un gamin, et continuer de jouer avec mes amis. Mais je ne regrette pas ma décision. »
Tyrell Terry se retrouve alors embarqué dans le monde du basket professionnel, et ses exigences. Lui qui ne pèse que 75 kilos apprend qu’il va devoir se muscler et prendre du poids. C’est le début de son dégoût pour le basket, mais il ne le sait pas encore. Sélectionné en 31e position par les Mavericks, et alors que le monde tente de gérer au mieux l’épidémie de Covid, Tyrell Terry se retrouve livré à lui-même à Dallas. Même s’il reconnaît qu’il quittait l’entraînement très rapidement, aucun vétéran ne le prend sous son aile.
Résultat : après un passage en G-League, il demande à s’entretenir avec le responsable du département Psychologie des Mavericks. Tyrell Terry lui annonce : « Je ne peux plus faire ça. Je n’aime pas ça. Cela me provoque des crises de panique ».
Les Mavericks l’autorisent à quitter le groupe, le médecin lui prescrit des anti-dépresseurs, mais la confiance est rompue lorsque le psychologue lui demande un timing pour un retour à l’entraînement. Sa mère le rejoint à Dallas pour essayer de comprendre et l’aider. Tyrell Terry trouve la bonne métaphore pour lui faire comprendre son état mental : « Si j’étais éboueur et que je te disais que je n’aime pas mon travail, que me dirais-tu ? En dehors de l’argent, quelle est la différence ? »
« Je dirais que j’ai échoué en NBA. Je l’accepte. J’avais le talent, mais ce n’est pas ce qui me motive, ce n’est pas ce qui m’épanouit »
L’épidémie de Covid en reflux, la NBA reprend son rythme habituel, mais la reprise, à l’automne 2021, ne change rien. Les Mavericks acceptent alors de le couper. Quelques mois plus tard, il se donne une nouvelle chance en acceptant un « two-way contract » avec les Grizzlies, pour jouer essentiellement en G-League avec le Hustle.
Même s’il y trouve une meilleure ambiance, au milieu des jeunes, il ne parvient pas à se faire à cette concurrence permanente. Autour de lui, tout le monde joue pour se faire une place en NBA, et ça crée des tensions.
Comme les Mavericks, les Grizzlies s’en séparent, et après cet essai en Allemagne, Tryell Terry choisit donc de tourner le dos au basket. Sa priorité est de trouver des réponses à ses angoisses et ses problèmes mentaux. Il lui faudra se faire violence pour renouer le contact avec ceux qu’il a déçus ou ignorés. « Je n’avais pas le courage d’avoir une discussion avec certaines personnes », reconnaît Tyrell Terry, qui n’a pas répondu aux messages d’amis et d’anciens entraîneurs. « Maintenant que je vais mieux, il est difficile de faire comprendre à ces personnes qu’il n’y avait rien de personnel mais que j’étais tellement mal en point que, franchement, je me sentais bien dans ma solitude. »
Parmi ces personnes, il y aura forcément son père. Il n’a plus parlé à son fils depuis des années, et il a pris en pleine face le texte de son fils qui annonçait sa retraite. Il se sent coupable des décisions de son fils.
« J’admire tellement mon père que je pense que s’il avait été dans ma vie pendant que j’étais en NBA, il aurait pu me dire ce qu’il fallait faire pour surmonter cette épreuve », conclut Tyrell Terry. « J’avais réussi. J’avais fait tout ce que mes parents voulaient que je fasse. J’ai été admis à Stanford. J’étais riche, mais je ne me sentais pas épanoui. Je savais à ce moment-là que je le faisais, en grande partie, pour eux. Et puis mon père n’est même plus venu… Que ce soit de ma faute ou pas, que ce soit dû à ma santé mentale ou pas, je dirais que j’ai échoué en NBA. Je l’accepte. J’avais le talent, mais ce n’est pas ce qui me motive, ce n’est pas ce qui m’épanouit. »