Paul Westphal pensait qu’il allait devenir « Dream Teamer ». John Lucas le comparait quant à lui à « Dr. J avec un tir en suspension ». Quant à Charles Barkley, il a déclaré qu’il était « le coéquipier le plus talentueux qu’il ait eu dans sa carrière ».
Pour toutes ces louanges, la carrière de Richard Dumas se résume finalement à 128 matchs en tout et pour tout. Trois saisons disputées seulement en cinq ans, entre 1991 et 1996, avec les deux autres passées à purger une suspension pour usage de drogues…
« Je jouais pour le plaisir et parce que j’avais un don pour ça », expliquait Richard Dumas en 2013 pour l’Arizona Central. « Je ne me prenais pas la tête avec tout ça. Les gens prenaient tout ça très au sérieux, bien plus que je ne l’aurais voulu. Le basket n’était pas mon problème, la vie l’était ! C’était hors des terrains que j’avais un problème. Et c’est un problème qui me suit depuis ma naissance… »
Un gamin hyper actif
Natif de Tulsa dans l’Oklahoma, le jeune Richard est un gamin hyperactif. À l’époque, la dénomination n’est pas encore d’actualité mais le gamin commence déjà à faire des siennes avec des petits larcins pour aller piquer des bonbons ou casser des fenêtres à coup de lance-pierres. Il faut bien que jeunesse se passe, comme on dit…
Oui, sauf que pour Richard Dumas, la jeunesse n’est pas vraiment une période innocente d’apprentissage et de découverte. Pour calmer le jeune garçon qui déborde toujours d’énergie, son père lui fait boire ses premières bières alors que son grand-père lui fait allumer ses cigarettes. Tous les (mauvais) moyens sont bons pour calmer cette petite boule d’énergie incontrôlable.
Au fur et à mesure de sa scolarité, Richard Dumas se trouve des affinités pour le sport en général, et pour le basket en particulier. Il parvient à canaliser son surplus de vitalité en enfilant les paniers pour son lycée de Booker T. Washington. Tout en buvant et fumant de l’herbe en cachette…
Suivi par des grandes facs, dont Georgetown et Arkansas, il choisit finalement de rester dans son état natal avec Oklahoma State. Le prodige local produit directement 17 points et 6 rebonds pour sa première saison, mais son immaturité et son comportement trouble lui causent déjà des soucis sur le campus des Cowboys.
« Pendant mon premier semestre, j’étais tellement content d’être à l’université. J’ai tellement bu et fumé que j’ai failli être viré de l’école », révèle Richard Dumas lors d’une récente interview avec Vlad Tv. « J’avais un GPA à 0,7 [sa moyenne de notes, très faible, ndlr]. Je n’allais même pas en cours, je faisais juste la fête. Ce n’était pas rien pour eux de me voir sortir avec toutes ces filles de ma chambre. Je me suis amusé jusqu’à ce qu’ils me disent que je ne pouvais plus jouer au basket à cause de mes notes. »
Dans le même temps, au gré de ces sorties nocturnes et de ces fréquentations plus ou moins recommandables, Richard Dumas fait l’expérience du crack, bien malgré lui… Le début de la fin pour ce talent fantastique. « C’était censé être un joint normal, mais je ne savais pas qu’il y avait ajouté autre chose. J’avais peur d’essayer d’autres drogues après avoir vu des photos mais j’ai essayé celui-là parce que je ne savais pas ce que c’était. Après ça, j’étais accro. J’étais dans un état second et c’est comme ça que ça a commencé. »
Avec sa personnalité addictive, Richard Dumas est rapidement projeté dans une autre dimension. Le basket n’est alors plus la priorité. Pire, le sophomore d’OK State se fait pincer par les autorités et il doit s’exiler. Privé de NCAA, il fait son paquetage pour l’Israël avant de pouvoir terminer son cursus universitaire…
Des oubliettes aux Finales NBA
En pleine Guerre du Golfe, le championnat israélien est annulé et Richard Dumas rentre au pays. Il est de nouveau chez lui, à Tulsa, pour vivre la Draft NBA de 1991. Alors méconnu et surtout précédé d’une sale réputation, il attend toute la soirée que son nom soit prononcé.
Il est sur le point de partir en boîte de nuit pour noyer ses malheurs quand il est finalement sélectionné par les Suns, en 46e choix au deuxième tour. « Avec mon passif, personne ne voulait me donner une chance. Je voyais des noms et je me disais à chaque fois : je suis meilleur que lui. Mais je n’étais pas présent, j’avais quitté les États-Unis, j’étais en Israël et ils ne savaient pas qui j’étais. Ils me connaissaient seulement des tests que j’avais fait à Chicago (Draft Combine). »
Preuve des doutes légitimes des franchises NBA, Richard Dumas se fait suspendre pour sa saison rookie, après un nouveau test anti-drogue raté. Incorrigible, il avait pourtant été prévenu par les instances de la Ligue, mais la tentation était trop forte. À peine descendu de l’avion, il s’envoie en l’air… pour une descente encore plus violente !
« Je savais qu’ils allaient me tester parce qu’ils avaient dit qu’ils testeraient tous les rookies au moins une fois pendant l’intersaison. On se préparait à aller dans notre dernier road trip de la présaison. La cocaïne sort de ton système en deux ou trois jours. L’herbe était légale mais je fumais des primos, c’est-à-dire de l’herbe mélangée avec du crack. Je ne m’inquiétais pas pour l’herbe, mais pour la cocaïne. Ils m’ont testé le lendemain… J’aurais pu passer le test si j’avais attendu. »
Remis en selle par les Suns la saison suivante, avec des contrôles en interne, Richard Dumas laisse alors entrevoir son immense potentiel avec pas moins de 16 points et 5 rebonds de moyenne pour sa saison rookie. Incroyable athlète, il est le finisseur idéal chez les Suns qui le gavent de bons ballons, que ce soit Kevin Johnson à la baguette ou Charles Barkley durant sa saison de MVP.
Les Suns tournent alors au super avec une saison à 62 victoires. Richard Dumas ressemble alors à la trouvaille ultime dans un effectif super complet. Durant les playoffs, il apporte 11 points de moyenne et Phoenix s’invite en finale NBA face à Michael Jordan et ses Bulls en quête du « Three-peat ».
Des oubliettes de la Ligue aux sommets d’un duel face à Scottie Pippen et Sa Majesté Jordan, Richard Dumas ne s’emballe pas. Au contraire, pour lui, ce premier match des Finals est un match comme les autres.
« Tout le monde me pose cette question et ma réponse est toujours la même. Ils me demandent toujours comment c’était de jouer face à Mike. Je dis toujours : allez demander à Mike comment c’était de jouer contre moi, parce que je ne me suis jamais arrêté là-dessus. J’ai toujours eu cette mentalité : je n’étais impressionné au admiratif de personne. J’étais plutôt concentré sur ce que j’avais à faire, je joue contre toi, j’ai la chance de jouer contre les meilleurs, allons-y ! »
Une carrière éclair
Imperméable à la pression du moment, Richard Dumas signe pour le coup un match à 25 points (à 12/14 aux tirs) plus 5 rebonds lors de la cinquième levée à Chicago. Le temps d’un match, il domine Scottie Pippen et met en échec Michael Jordan et ses Bulls tout puissants. Leur célébration devra attendre…
Mais ce moment de gloire est fugace. Après la finale perdue, Richard Dumas retombe dans ses travers dès l’intersaison. Il est alors de nouveau suspendu par la Ligue. Les Suns lui donneront bien une nouvelle chance la saison suivante, mais il n’a toujours pas vaincu ses démons et doit de nouveau quitter la NBA pour un centre de désintoxication après 15 matchs durant la saison 1994-95.
Repris par John Lucas du côté des Sixers, Richard Dumas apparaitra durant 39 rencontres sous la tunique des Sixers. Mais le coeur n’y est plus. Malgré les efforts de Coach Lucas, qui s’y connaît en addictions pour les avoir lui-même vaincues, le joueur n’arrive toujours pas à se défaire de ses mauvaises habitudes.
En l’occurrence, avec Philly, Richard Dumas avait changé de méthode en se faisant tester un peu plus tard. Mais son niveau de jeu en pâtit… « [Lucas] me disait que c’était à cause de l’alcool que je buvais alors que c’était justement parce que je ne buvais pas. C’est pour ça que je jouais mal. Je ne voulais même pas être sur le terrain. »
De nouveau attrapé par la patrouille anti-drogue de la NBA, Richard Dumas s’en va monnayer ses services à l’étranger. Il passera ainsi par Porto Rico, la France (à Montpellier), la Pologne ou encore la Grèce et les ligues mineures américaines avant de raccrocher définitivement les baskets en 2003. « Certains des propriétaires venaient me chercher avant les matchs pour m’amener au bar pour bien me préparer. »
Désinhibé par l’alcool, Richard Dumas pouvait alors faire ce qu’il savait faire de mieux : jouer au basket avec une grâce et une aisance incomparables. Mais pratiquer un sport avec un tel prédicat n’était clairement pas tenable. La carrière de Richard Dumas en est la preuve terrible…
« Ce mec-là pouvait sauter par-dessus l’America West Arena », lance d’emblée Charles Barkley sur Arizona Sports. « Ça aurait été intéressant de voir ce qu’il serait devenu s’il était resté propre, quel joueur il aurait pu devenir. Les Suns ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour aider Richard. Ce gamin avait tellement de talent. C’était un bon gars mais quand on touche à ces drogues, ça ne peut que mal finir… »
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