Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques 2000 à Sydney, de bronze aux Championnats d’Europe en 2005, Fred Weis fut un cadre de l’équipe de France de basket durant huit ans, entre 1999 et 2007. L’ancien joueur du Limoges CSP et de Malaga cumule 100 sélections à son compteur. Aujourd’hui retraité, il reste un observateur très avisé du basket français et européen. Comme lors de chaque compétition internationale depuis deux ans, il s’installe avec nous pour suivre l’EuroBasket.
Pour commencer, chapeau. Tu avais misé sur les Slovènes, ils t’ont récompensé de ta confiance.
Ça se sentait. J’avais l’impression que les Slovènes étaient très sereins, ils jouaient bien au basket alors que les Espagnols ont maîtrisé mais au sein d’une poule trop facile. D’ailleurs, quand c’est le cas, généralement ils perdent. Rappelle-toi du Mondial contre la France, ils se sont baladés en poule avant de se faire éliminer par les Bleus. Aussi, les Slovènes ont montré qu’ils étaient une vraie équipe : certes, il y a Goran Dragic, Luka Doncic mais au bout du compte, c’est vraiment le collectif qui prime dans le jeu proposé. C’est merveilleux.
Dans un papier consacré à la France, j’avais évoqué une certaine suffisance dans notre état d’esprit. Est-ce qu’on peut en dire de même pour l’Espagne en raison de leur poule mais aussi de leur historique : ont-ils sous-estimé les Slovènes ou ce sont vraiment les Slovènes qui sont allés chercher ce match ? Peut-être est-ce une combinaison des deux ?
Je pense sincèrement qu’il y a un peu des deux mais je crois tout de même la Slovénie est à 90% responsable de sa victoire. Ils ont développé le meilleur basket de l’Euro, c’est fantastique. Le jeu proposé est magnifique, tout en intelligence, en gestion, en contrôle. C’est splendide. Je les vois très bien champions d’Europe, vraiment.
« On se demande où Luka Doncic va s’arrêter »
Je suis obligé de te demander de revenir sur le match de Luka Doncic.
Il finit presque en triple-double : ce garçon a un avenir devant lui qui semble unique. Il travaille très dur. On l’avait peut-être senti un peu stressé face à la Lettonie, un peu plus nerveux, et il s’est montré beaucoup plus en contrôle contre l’Espagne. On sent qu’il apprend toujours un peu plus match après match. On se demande où il va s’arrêter.
On l’a même vu engueuler Klemen Prepelic…
(Il coupe) Tu imagines qu’à 18 ans, il a assez de contrôle pour engueuler un vétéran comme Prepelic. Il a suffisamment de confiance en lui mais aussi le respect de ses coéquipiers. S’il peut se permettre d’agir ainsi, ce n’est pas pour rien. Il est investi, il maîtrise le jeu et il a une envie folle de gagner.
La fin d’une ère de domination pour l’Espagne
J’aimerais revenir rapidement sur l’Espagne : après le match pour le bronze, Juan-Carlos Navarro tirera sa révérence. Pau Gasol ne s’est pas encore exprimé à ce sujet. Cette défaite symbolise t-elle la fin d’une ère de domination ?
Quant tu regardes ce match entre la Slovénie et l’Espagne, cela ressemble quand même à une passation de pouvoir. Est-ce que les Slovènes ne vont pas devenir dominateurs en Europe ? Au fond, je n’en sais rien mais l’Espagne ne le sera sans doute plus. Il y a bien évidemment encore du potentiel mais une ère touche à sa fin avec Navarro et, peut-être, Pau Gasol. Il va falloir reconstruire du côté de l’Espagne, comme on est en train d’essayer de le faire depuis le départ de Tony.
Passons aux autres équipes et avant de mentionner la demi-finale, un mot sur les Grecs, défaits par les Russes : cette équipe était, elle aussi, censée être en transition. Elle perd son plus beau talent avec Giannis Antetokounmpo et malgré tout, on ne peut jamais les enterrer.
Tu imagines : tu perds un joueur aussi important que lui et tu arrives tout de même en quart de finale, c’est la preuve qu’ils ont fait le travail, ils ont une vraie équipe, c’est toujours une grande nation de basket et là où il y a matière à s’inquiéter, c’est qu’avec Giannis Antetokounmpo de retour, ce sera vraiment une équipe à surveiller de près car il y aura cette maîtrise du jeu traditionnelle chez les Grecs, accompagnée par la folie et cette dimension physique qu’il peut apporter. Elle pourra de nouveau prétendre à une finalité beaucoup plus heureuse.
« Avec un effectif au complet, les Serbes étaient largement favoris »
La Russie a toujours eu du talent mais depuis la retraite d’Andreï Kirilenko, elle avait l’habitude de s’étioler à l’approche des fins de compétition. Cette fois, elle démontre qu’elle a franchi un cap.
On les a vus beaucoup plus sereins que ce qu’on pouvait imaginer : on a cru que les Grecs allaient l’emporter, eux qui étaient sur une dynamique ascendante. Dès le début de ce quart de finale, ils ont mis une bonne pression. Nick Calathes a été énorme en première mi-temps. De plus, les Russes perdent des ballons et on pense qu’ils n’ont aucune chance. Alexey Shved n’est pas dans le match et finalement, le mec se réveille quand il faut. C’est là que tu vois que c’est un joueur énorme.
Outre Alexey Shved qui confirme l’ensemble de son tournoi, le meneur a trouvé du soutien avec Timofey Mozgov, toujours très précieux dans la peinture et au rebond…
(Il coupe) Mozgov m’a beaucoup surpris : je pensais qu’en jouant contre Bourousis, un vrai pivot rugueux d’Euroleague, cela allait lui poser des problèmes et pourtant, il fait un match très complet à l’image de ses rebonds offensifs en fin de rencontre qui sont importants, il inscrit les points nécessaires, il tient son équipe. En NBA, il était en difficulté cette saison et je pense que cet Eurobasket lui fait du bien.
Un peu comme les Grecs, les Serbes sont privés de joueurs très importants comme Milos Teodosic, Nikola Jokic ou Miroslav Raduljica. Ils sont toujours en demi-finale, toujours présents. Qui est le favori entre la Serbie et la Russie ?
Cela va être un match intéressant. Au départ, avec un effectif au complet, les Serbes étaient largement favoris, de loin. Mais dans cette situation, et au regard de l’état d’esprit actuel des Russes, de leur résilience, on peut se dire qu’il va y avoir match. Tactiquement, ce sera intéressant. À tous les postes, il y aura des défis. Cependant, pour moi, la Serbie va gagner car elle a un vécu collectif plus important malgré l’absence de certains joueurs.
« Je ne vois pas qui peut arrêter Bogdan Bogdanovic chez les Russes »
Ce sont deux équipes à la philosophie très offensive, même si la Russie l’est peut-être un peu plus alors que la Serbie semble plus complète des deux côtés du terrain. Quelles sont les clefs de ce match ?
Tu viens de le dire : ce sont deux équipes offensives donc le gagnant sera celui qui parviendra à faire le plus de stops, qui sera le mieux placé défensivement, qui contrôlera le rebond. Maintenant, l’éternelle clef, c’est toujours d’essayer d’arrêter Bogdan Bogdanovic, il est sensationnel et je ne vois pas qui peut l’arrêter chez les Russes.
Les Russes n’ont-ils pas tout de même un coup à jouer à l’intérieur ?
Complètement. J’allais en venir là. S’il y a une piste à jouer, c’est celle-ci : je pense que Mozgov a vraiment son rôle à jouer dans ce match. S’il arrive à s’imposer dans la raquette, cela peut vraiment tourner en faveur de la Russie. D’ailleurs, si les Russes parviennent à orienter Bogdanovic à l’intérieur, face à Mozgov en dissuasion, une grande partie du match sera jouée. De toutes façons, pour moi, ce sera un match beaucoup plus serré qu’entre l’Espagne et la Slovénie.
Propos recueillis par Jérémy Le Bescont
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