19 points, 7 rebonds et 2 contres par match : Joel Embiid ne joue certes pas beaucoup, la faute à une restriction de minutes, mais le rookie des Sixers est déjà un monstre statistique malgré son temps de jeu étriqué (22 minutes).
Auteur d’un match énorme cette nuit, le rookie a en tout cas pu rencontrer l’inévitable Adrian Wojnarowski pour lui raconter ses débuts officiels. Le géant issu du Cameroun a notamment évoqué ses premières impressions de la NBA.
« Je m’adapte encore au rythme du match, à la vitesse », avoue-t-il dans le dernier podcast The Vertical. « Je pense que je m’en sors plutôt pas mal pour le moment mais je sais que je dois encore travailler ma condition physique. Je me fatigue encore trop rapidement quand je suis sur le terrain. Je veux surtout travailler sur ma défense. Le coach veut que je sois la pièce centrale du dispositif défensif et je dois encore m’améliorer à ce niveau-là. Je sens que je n’ai pas encore retrouvé mes jambes d’il y a deux ans. Je ne suis pas aussi explosif encore. Franchement, je suis surpris par mon niveau, je pensais que ça serait pire que ça. »
« J’ai appris la patience »
Acceptant volontiers le sobriquet du « Process », Joel Embiid est bien conscient qu’il n’est pas encore complètement sorti de sa période de convalescence. La rééducation de ses deux blessures prendra du temps mais l’ancien de Kansas le sait très bien aussi : il revient de loin ! Du coup, il sourit à la vie ces jours-ci.
« Ces trois dernières années, j’ai traversé beaucoup d’épreuves : les blessures, les rééducations, le décès de mon frère. J’ai énormément appris sur moi-même. Lors de ma rééducation, je n’étais pas assez patient. Je ne connaissais pas mon corps. J’étais jeune, je vivais seul et je ne savais pas à quoi m’attendre. Et puis je voulais jouer mais je ne pouvais pas, donc c’était vraiment très dur pour moi. Ma première année, je n’écoutais pas ce qu’on me disait, je n’en faisais qu’à ma tête. Ce n’est qu’ensuite [la deuxième année] que j’ai appris la patience. »
Ayant même réutilisé son fameux « process » pour moquer les résultats de la dernière élection américaine, Joel Embiid explique sa version du concept.
« Les gens me demandaient constamment quand j’allais pouvoir rejouer. Et même si je faisais semblant d’être blessé… C’était dur à avaler ! Ça plus les attentes autour de moi. Les gens attendent que je domine et que je ramène les Sixers en haut de l’affiche. Je parle souvent du « process » et les gens croient que je parle de l’équipe mais en fait, je parle de ma vie. Je dis toujours que ma vie pourrait faire un film. »
Et Joel Embiid d’en rappeler le scénario.
« J’ai commencé le basket en 2011 et j’ai eu l’opportunité de venir aux Etats-Unis. J’ai joué JV mon année junior de lycée et après j’ai changé d’école pour mon année sénior. J’ai ensuite eu des offres de fac, juste comme ça. Après, c’était Kansas. J’ai joué quelques matchs avec les gars et je me faisais dunker dessus. Je suis allé voir le coach pour lui dire que je ne me sentais pas prêt. Mais lui m’a dit que j’allais être le n°1 de la draft deux ans plus tard. Je ne le croyais pas. Tout le monde dit que les coachs à la fac mentent tout le temps ! Mais finalement, j’ai continué à travailler chaque jour et de fait, les gens ont commencé à parler de moi comme un possible n°1 de la draft. Tout est arrivé tellement vite pour moi. Et quand j’arrive à Philly, je me blesse et je dois subir deux opérations. C’est ça mon « process ». »
Conseillé par Tim Duncan
One and done chez les Jayhawks, Joel Embiid a vraiment appris à la dure ce que signifiait la transition entre le basket NCAA et le basket NBA. La blessure en malus…
« C’était un vrai conflit pour moi. Je voulais jouer mais je ne pouvais pas. C’était la première blessure sérieuse dans ma carrière. Et je devais m’asseoir sur le banc à chaque match pour nous voir perdre. C’était vraiment compliqué. Je voulais aider l’équipe. Je suis très compétitif et ça me faisait mal de ne rien pouvoir faire. »
Forcément déprimé par ces coups du sort qui s’acharne, le jeune joueur de Philly a dû se remettre en question pour sa deuxième année à squatter l’infirmerie. De leur côté, les Sixers ont également changé leur fusil d’épaule en lui prescrivant de nouvelles expériences. On se souvient notamment qu’il passait souvent les matchs en loge aux côtés de l’ancien GM, Sam Hinkie, pour adopter une nouvelle vision des choses.
Une autre expérience différente proposée à l’intéressé ? Rencontrer Tim Duncan. Pour se changer les idées, mais pas que…
« La première fois que je l’ai rencontré, c’était ma première année quand on est allé jouer San Antonio. Le coach m’avait arrangé un rendez-vous avec lui et on a discuté pendant une demi-heure. Au début, j’étais surexcité. C’est Tim Duncan, un des gars les plus cools, un vrai champion. On a parlé de basket évidemment, et encore maintenant, je me souviens de certaines choses qu’il m’a dites et que j’ai notées. En fait, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de lui poser mes questions car j’étais en admiration totale devant lui. On parle encore par textos. Il m’en a envoyé un très long après mon premier match, en me disant qu’il était fier de moi mais que ça prendrait du temps. Il me donne des conseils de temps en temps, c’est super pour moi. »
« Je racontais que j’avais tué un lion quand j’avais 6 ans »
Fils de militaire, Joel Embiid a grandi dans une famille de la classe moyenne à Yaoundé. Mais ça ne l’a pas empêché de jouer de l’ignorance généralisée des Américains sur son pays d’origine. En l’occurrence, il s’est même amusé à aller très loin dans son délire.
« Depuis que je suis aux Etats-Unis, j’ai constaté que les Américains n’ont vraiment aucune idée de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Particulièrement par rapport à l’Afrique. Quand ils pensent à l’Afrique, ils croient qu’on court entre les lions et les tigres et tous ces animaux. Quand je suis arrivé à Kansas, j’ai utilisé ça à mon profit. Je racontais comment j’avais tué un lion, et que c’est comme ça que je suis devenu un homme quand j’avais 6 ans. Je suis allé dans la jungle pour tuer un lion. Je l’ai ensuite ramené sur mon dos pour le ramener au village et prouver que je suis un homme. Ils m’ont cru ! C’est peut-être vrai, c’est peut-être faux, je ne sais pas. Les gars à qui je racontais ça commençaient en tout cas à avoir peur de moi. C’est pour ça que je joue avec ça. »
Fréquemment comparé à Hakeem Olajuwon, Joel Embiid a un sacré chemin à parcourir pour essayer, un jour, de rivaliser avec la légende des Rockets. S’il arrive à tenir la forme, il en a en tout cas le potentiel physique. Il lui faut désormais réussir à enchaîner les matchs et à tenir le choc des saisons marathon.
Une étape de plus à franchir dans la vie, vraiment digne d’un scénario de cinéma, de Joel Embiid.