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Wild West Basket Roadtrip – Episode 3 – Une soirée de stars dans l’Utah

Par  — 

Notre photographe Thomas Savoja a repris la route des Etats-Unis pour vivre le début de la saison universitaire, mais pour son troisième arrêt, il s’offre une séance NBA au Delta Center pour la venue de LeBron James et Luka Doncic.

lebron jamesSALT LAKE CITY (UT), 23 Novembre 2025 – Je ne sais jamais vraiment à quel moment commence une soirée NBA. Est-ce lorsque les portes de la salle s’ouvrent au public ? Quand le premier supporter passe le contrôle de sécurité avec un maillot Markkanen par-dessus son hoodie ? Ou plus tôt encore, lorsque les projecteurs du Delta Center s’allument, révélant un parquet immaculé prêt à se transformer en une scène où tout peut advenir ?

Pour moi en tout cas, la journée a commencé bien avant le match lorsque j’ai quitté Boise, Idaho, de bon matin où j’avais couvert samedi soir une rencontre du championnat universitaire de football. Il faut un peu moins de cinq heures pour rejoindre Salt Lake depuis Boise par l’Interstate 84. Les paysages de l’Idaho et du nord de l’Utah sont absolument fascinants et cela permet de passer le temps plus facilement en avalant les longues lignes droites avec la musique à fond dans mon SUV.

LeBron James pour sa “dernière danse” ?

J’ai le privilège d’être accrédité ce soir pour la venue des Lakers dans l’Utah. Rien que cela suffirait à me mettre en joie. Mais il y a une variable supplémentaire : c’est le soir du retour de LeBron James, pour sa 23ᵉ saison, et c’est un événement en soi, un chapitre de plus dans un livre monumental. Certains supporters viennent d’ailleurs uniquement pour voir le King et dire « j’y étais ».

La salle s’est remplie lentement, avec cette atmosphère propre à Salt Lake City : un mélange de fidélité, de tradition et d’impatience. Le Delta Center n’est pas le plus bruyant de la ligue, mais l’intensité y est palpable. On vient y voir du basket pur, sans artifices.

Cauchemar de tout photographe, je devrais shooter depuis les tribunes, “hype LeBron” oblige. Les places sont chères sous les panneaux. Je profite néanmoins de l’échauffement pour descendre sur le parquet. C’est un privilège rare, presque intimidant. Le bruit des sneakers sur le bois poli résonne comme un métronome. Des ballons rebondissent partout, des entraîneurs chuchotent, des mains s’élèvent pour répéter inlassablement les mêmes gestes. Je m’accroupis sous le panier et contemple le spectacle. Côté Jazz, c’est Kevin Love qui s’emploie depuis de longues minutes. Le garçon a besoin de bien faire chauffer sa grande carcasse.

Et puis soudain, il apparaît. LeBron, serviette sur l’épaule, bonnet noir vissé sur le crâne, pas après pas, comme si la gravité n’avait pas la même emprise sur lui que sur les autres. Il est calme, concentré, presque silencieux. Il décroche un sourire à un membre du staff, mais ses yeux reviennent toujours vers le panier, la trajectoire, la mécanique du tir.

LeBron est à quelques centimètres de moi…

Je mitraille, mais toujours avec retenue à quelques mètres de lui, l’instant impose un certain respect. Sauf que le King s’approche de moi et vient s’asseoir à mes côtés pour refaire ses lacets. J’avoue que ça fait un certain effet. À l’opposé, Luka Doncic travaille dans un registre différent : moins structuré que LeBron, mais tout aussi fascinant. Ses tirs tombent dans le filet avec la même régularité qu’un métronome. Il plaisante avec un Austin Reaves, puis enchaîne trois step-backs parfaits, comme si la défense invisible qu’il imagine devant lui méritait d’être humiliée.

Lorsque l’échauffement se termine, je me dirige en tribune photographe, au premier étage, là où se trouvent les caméras. C’est ultra challenging de faire une photo potable depuis ce spot ! C’est comme prendre un cliché de l’océan depuis une falaise, mais là n’est pas l’essentiel.

Le “Delta Center”, rénové mais jamais trahi, porte une identité paradoxale : moderne dans ses équipements, vintage dans son âme. Les fans de la première heure ont toujours continué de l’appeler ainsi, peu importe ce que les droits de naming ont pu imposer au fil des années. L’odeur est celle du popcorn, du sucre chaud, et parfois d’un parfum qui flotte lorsque la climatisation se réveille. La “J-Note géante” à l’entrée, d’un noir mat, attire encore les curieux avant le match, tout comme les statues du duo Malone et Stockton.

“Jazz Bear”, la mascotte, traverse le parquet en faisant mine de voler un soda à un spectateur, déclenchant un éclat de rire général. La salle n’est pas aussi chaotique qu’à Boston, Indianapolis ou qu’au Chase Center. C’est une ferveur plus pudique, une intensité contenue, mais dès que le Jazz marque, elle s’embrase d’un seul coup. D’ailleurs le Jazz va prendre feu d’emblée. Les tirs tombent et la balle circule de façon fluide. J’essaie de capter les expressions de Markkanen après chaque banderille, ainsi que le regard déterminé de Keyonte George qui joue comme s’il voulait prouver quelque chose au monde entier. Le gars est chaud ce soir !

Tout semble facile avec Luka Doncic

Mais je garde évidemment un œil sur les Lakers. Sur LeBron, qui est un peu hésitant en début de rencontre, en mode “observation”. Sur Doncic, qui patiente également. Je reconnais ce regard-là : celui d’un joueur qui sait que la soirée est longue, très longue, et qu’il ne sert à rien de s’agiter trop tôt. Au fil du premier quart-temps, LeBron gagne en assurance. Il ne force plus : pas de dunks tonitruants, pas de séquences héroïques. Ce soir, il construit. Il distribue, il oriente, il dirige. Une passe à une main dans le dos pour un tir ouvert ; une pénétration contrôlée pour attirer deux défenseurs et offrir un alley-oop. Il finira avec 12 passes décisives au final, un chiffre qui dit tout de sa philosophie du jour.

Et puis il y a Luka. Je ne m’étais pas rendu compte, avant de le voir en personne, à quel point tout semble facile pour lui. Les step-backs, les pénétrations, la façon dont il domine ses adversaires sans jamais donner l’impression de forcer. C’est dingue à voir en live, le gars est vraiment sur une autre planète niveau basket. Et ce soir, il ne pleurniche pas trop auprès des arbitres ! Lorsqu’il inscrit ses premiers paniers, les fans des Lakers venus en masse font un bruit assourdissant : on se croirait à LA !

Le public local pousse très fort également pour les siens. Le Jazz semble tenir. Mais Doncic enclenche alors une séquence destructrice, presque cruelle. Un lay-up dans le trafic. Un tir à trois points en transition. Une passe laser pour un dunk facile. En trois minutes, il inscrit ou crée dix points. Je déclenche, je déclenche encore : ce run-là, je veux le capturer sous tous les angles. Quand les Lakers passent devant, un 8-0 rapide qui glace l’arène, je sens que la soirée a basculé. Doncic terminera la rencontre avec 33 points, 11 rebonds et 8 passes sans forcer son talent, une performance taille patron.

Mais le Jazz ne veut décidément rien lâcher. Keyonte George continue de briller, Markkanen se démène, mais la précision offensive baisse, la défense recule, et Los Angeles impose son rythme. LeBron temporise, Luka achève. Dans un dernier assaut, Markkanen aura même une balle de match, mais il manquera son tir pourtant loin d’être impossible.

Un témoin privilégié

Lorsque le buzzer retentit, la salle retombe dans un calme étrange. Les Lakers se congratulent, le Jazz échange des tapes respectueuses. Les supporters quittent leurs sièges dans un mélange de frustration et de fierté. LeBron rejoint le vestiaire lentement, saluant quelques personnes sur le bord du terrain. Je le suis du regard, sans appareil cette fois. Simplement comme un témoin privilégié.

Dans la salle presse, j’échange avec un membre du staff du Jazz qui me glisse : « Avec Luka dans cette forme-là, que pouvait-on faire ? ». Ce n’est pas une excuse. C’est un constat. Un match n’est pas seulement un résultat. C’est une succession de micro-instants. Certains capturés, d’autres manqués, tous réels. C’est pour ces moments-là que j’aime ces Roadtrips, en espérant avoir réussi à vous faire partager cette expérience de l’intérieur.

 

Toutes les photos de la rencontre, c’est ici.

 

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