Notre photographe Thomas Savoja a repris la route des Etats-Unis pour vivre le début de la saison universitaire, et son deuxième arrêt est centré sur BYU et sa perle AJ Dybantsa, promis à la 1ère place de la prochaine Draft.
SALT LAKE CITY (UT), 21 Novembre 2025 – Voici à peine deux jours que j’ai pris mes quartiers dans la capitale mormone et j’y ai déjà mes repères. J’apprécie son calme ainsi que l’air revigorant des montagnes environnantes. Après une petite séance de shopping ce matin chez Dick Sporting Goods pour faire le plein de goodies NCAA, je visite le Capitole qui surplombe downtown. C’est le siège du gouvernement de l’Utah construit en 1918 et la lumière y est vraiment magnifique en ce matin d’automne.
Le Delta Center est à peine 5 minutes en voiture. Je me gare vers 13h sur le John Stockton drive. Les fans des Cougars de BYU s’agglutinent déjà devant les portes de l’enceinte. En contournant la foule bleue avec ma valise photo, j’ai le sentiment que cette après-midi va nous offrir une rencontre pas comme les autres. Il flotte quelque chose de particulier dans l’air, dans les conversations d’avant match, dans le regard des fans, dans la quantité de caméras et de médias qui se pressent à l’entrée de la salle.
Un nom revient sur toutes les lèvres, comme une incantation : AJ Dybantsa.
Dybantsa ne s’est jamais fondu dans un moule. Le natif de Boston était promis à une institution traditionnelle comme North Carolina ou Kansas, a surpris son monde en choisissant BYU, presque à contre-courant, comme un prospect qui assume sa trajectoire plutôt que de s’y conformer. Son explication est simple : il a trouvé à Provo ce qu’il cherchait vraiment, à savoir un environnement calibré NBA doublé d’une ambiance familiale. Le coach Kevin Young, lui-même issu de la sphère professionnelle, a bâti son projet autour de cette idée : transformer BYU en passerelle directe vers la grande ligue. Sessions d’analytics avancées, staff étoffé, routines de préparation inspirées du Jazz… Tout respire la NBA dans cette équipe. Et pour Dybantsa, qui a grandi avec des mentors comme Kevin Durant, l’équation avait du sens.


Je passe le contrôle sécurité et, accréditation autour du cou, je m’enfonce dans les entrailles de la salle. Je marche dans la pénombre d’un tunnel qui débouche soudainement sur la lumière éclatante du parquet NBA. Ce soir, après le match universitaire, le Jazz reçoit le Thunder dans le cadre de la NBA Cup. On a donc le droit à un parquet mauve du plus bel effet ! Photographier ici, dans le “temple du Jazz”, donne à n’importe quelle rencontre de College un parfum de grande ligue. Mais avec Dybantsa dans le décor, l’atmosphère est encore plus électrique.
Au bord du parquet, j’observe ses premiers pas. Il traverse la salle sans un mot, écouteurs vissés, regard alerte. Je règle ma vitesse, je vérifie ma balance des blancs : lumière froide, angles propres, silhouettes nettes. Quand il ôte son hoodie pour se diriger vers la ligne à trois points, j’ai déjà l’œil rivé dans l’œilleton. Le déclencheur n’attend plus que le moment.
Dybantsa n’a pas encore dégainé le moindre tir que je comprends pourquoi BYU est devenu son choix : ce besoin d’un environnement professionnel, presque sur mesure où il peut grandir comme un futur numéro un de Draft. Son geste, d’une fluidité rare, se répète sans bruit dans une routine digne des warm-ups NBA. Dès son premier “jump shoot”, le temps semble s’arrêter : élévation sèche, poignet cassé, retombée propre. La séquence parfaite pour figer l’instant.
Je me déplace le long de la baseline, cherchant le contraste entre l’ombre du panneau et la verticalité irréelle de Dybantsa. Sa détente, qu’on annonce proche des records du “Combine NBA”, devient un sujet à elle seule. En photo, elle prend encore plus d’ampleur : jambes étirées comme un arc, corps suspendu entre deux respirations, expression calme malgré l’explosion physique. Ce garçon ne saute pas, il vole !

Je sens que je capture peut-être les débuts d’une belle histoire, celle d’un joueur dont le choix de BYU est un calcul mûrement réfléchi. Cela se voit dans les détails, dans sa façon de communiquer avec les assistants, dans sa capacité à absorber de façon quasi-immédiate des schémas, dans sa manière de répéter chaque mouvement comme si les scouts NBA prenaient des notes en direct.
Lorsque Wisconsin apparaît enfin sur le parquet pour l’échauffement, le volume sonore monte d’un cran. Les Badgers, réputés pour leur densité défensive, s’avancent avec leur habituelle rigueur. Je m’installe du côté du banc BYU pour saisir les premières confrontations visuelles. Dybantsa fixe à peine ses adversaires, mais dans son regard, je crois percevoir une étincelle : celle d’un jeune homme qui sait que ce match sera scruté, analysé, disséqué.
Derrière mon appareil, je sens l’importance du moment. Ici, le moindre dunk pourrait devenir l’image iconique d’un futur visage de la NBA. Le moindre échange avec Kevin Young pourrait révéler sa maturité. L’ambition n’est plus seulement d’illustrer une soirée NCAA mais d’immortaliser un moment de bascule, un chapitre zéro.
Les lumières s’éteignent pour l’annonce des joueurs. Je cale mon deuxième boîtier autour du cou, prêt à monter en régime. La salle gronde, un grondement si profond qu’il fait même trembler les gradins du Delta Center. Quand le nom d’AJ Dybantsa retentit, une onde se propage. Il s’avance, impassible, mais le public, lui, vibre déjà.
Je déclenche. Une fois, deux fois, dix fois.

Sur le parquet, la première chose qui frappe reste son aisance presque déroutante. Longiligne, explosif, doté d’une impulsion verticale vertigineuse, il dégage une impression de maîtrise instinctive. Les défenseurs ont à peine le temps d’ajuster un appui que Dybantsa, lui, est déjà ailleurs : feinte, pas de recul, pull-up en suspension, ou accélération sèche jusqu’au cercle. Son fade-away est juste ravageur.
Vous l’aurez compris, de match il n’y aura point tant les Cougars sont au-dessus des visiteurs ce soir. Ce n’est d’ailleurs plus seulement un match. C’est l’histoire d’un freshman hors norme, racontée depuis le bord du terrain, à travers le viseur d’un appareil photo. Une histoire qui ne fait que commencer.
Toutes les photos de la rencontre sont ici.


