Dans son Journal, chef d’œuvre littéraire et sociologique aussi acerbe que caustique, Jules Renard se fend d’une assertion qui pour moi, pèse lourd de véracité : « Il est difficile d’être bon quand on est clairvoyant. » Si la bonté échappe aux lucides – à ceux qui comme Oscar Wilde lisent les vérités dans ses interstices et ses pluralités, elle serait donc l’apanage des aveugles – ceux qui par obstination sans fondements rationnels refusent l’évidence objective.
Messieurs les pourfendeurs et détracteurs de Blake Griffin, soyez donc rassurés : à défaut d’accepter l’indéniable, vous pouvez vous targuer d’être de bonnes âmes.
Même Dorian Gray vous envierait ce paradoxe, soyez-en flattés. Etes-vous aussi doués dans la plaidoirie que la fausse flagornerie ? J’attends vos arguments en réponse à mon interpellation : comment pouvez-vous aujourd’hui ne pas au moins reconnaître et applaudir la progression de votre accusé ? Certes vous pourrez toujours brandir les chiffres pour vous justifier. Après tout Blake Griffin n’a peut-être jamais autant scoré (24,3), mais dans son adresse dans le champ (53,2%) et aux lancers (69,7%), sa présence au rebond (9,7) et son impact à la passe (3,5 décisives/match) comme au contre (0,6), le VRP de Lob City n’affiche pas des stats aussi évocatrices que chacune de ses sorties depuis deux mois.
Victime de la « hype »
Mais son impressionnante progression qui, cornaquée par le Doc commence à ressembler à une mutation, aucun observateur un tantinet avisé et lucide ne peut la contester. Après sa saison rookie, les critiques envers le numéro 1 de la draft 2009 pointaient du doigt sa faible panoplie offensive, son absence de mouvements au poste, son jump shoot faiblard, sa maladresse aux lancers – qui logiquement en faisait une option dangereuse sur les possessions importantes en fin de match, son basket très poster boy et last but not least, la hype qu’il a très vite générée. Berné comme un bleu par les vicelards de Memphis au premier tour des playoffs 2013, après une saison régulière décevante à 18 pts et 8,3 rbds, l’ailier-fort angeleno a donné lui-même le bâton pour se faire battre. Arrogant, floppeur, pleureuse, diva, trop soft, pas assez dur, Blake a levé contre lui le peuple des « haters ».
Et puis Vinny Del Negro s’en est allé, un champion NBA et mentor en puissance est arrivé sur le banc et l’acolyte de CP3 a mis un mois après le début de campagne pour graver dans le marbre deux postulats : primo c’est un gros bosseur, intelligent dans sa préparation et minutieux dans son approche, qui connait assez bien ses lacunes pour les combler une par une ; secundo, il dispose d’une faculté de progression sans beaucoup d’équivalents en NBA.
Comme les plus grands, il s’attache à corriger ses défauts
En deux saisons pleines il a rayé de la carte ses plus grosses lacunes.
– Son jump shoot ? Il rentre et il peut même désormais se le créer tout seul en prenant la gonfle dos au panier.
– Son adresse à mi-distance ? Elle est parmi les meilleures de la ligue chez les intérieurs. Sa sélection de shoots ? Il a enfilé un mois de compétition à plus de 25 pts de moyenne au-dessus des 50%.
– Ses lancers ? Il met ceux qui comptent et le hack a blake n’est plus une arme adverse.
– Son arsenal dos au panier ? Il y a ajouté une main gauche et un toucher.
Son spin move en sortie de dribble entre les jambes, c’est son fait maison à lui, il en dit long sur ses qualités techniques. Si DeAndre nettoie les cercles, il y est aussi pour quelque chose. Et si Blake régale en transition comme sur demi-terrain, DJ est également responsable. La paire est complémentaire, chacun a besoin de l’autre et l’exceptionnelle saison du Okie s’explique aussi par la nouvelle dimension prise par son compère du Texas.
Blake Griffin peut encore agacer par ses attitudes et ses complaintes auprès des arbitres. Mais il ne peut plus porter une réputation d’étoile surcotée ! Son cap il l’a passé.