En fin de contrat après la cruelle désillusion des Clippers, éliminés en demi-finale de conférence par les Nuggets, Reggie Jackson a prolongé à Los Angeles pour un an. Mais le meneur remplaçant a longtemps hésité avant d’en reprendre pour un tour.
Brisé physiquement et moralement
Trop souvent blessé chez les Pistons, celui qui avait été recruté pour être le meneur titulaire d’un projet de reconstruction à Detroit en 2015 avait peu à peu perdu la foi. Après une saison à 19 points, 6 passes, pour sa première année complète avec les Pistons, Jackson n’a jamais retrouvé la flamme avec 15 points et 5 passes durant les trois campagnes suivantes, dont deux de suite bien tronquées par les blessures entre 2016 et 2018, à la cheville particulièrement.
L’élimination très douloureuse durant les derniers playoffs, avec les Clippers qui se sont écroulés après avoir mené 3-1 dans leur demi-finale face à Denver, n’a certainement pas aidé Jackson à renouer avec le plaisir du jeu, puisqu’il était réduit à squatter le banc, un désaveu total de Doc Rivers.
« A ce moment-là, ce n’était pas vraiment clair dans mon esprit que j’avais la garantie de jouer à nouveau cette année », confesse Jackson dans le LA Times. « Ce n’était pas garanti honnêtement. La manière malheureuse dont on avait perdu la saison passée, on aurait dit qu’on s’était perdus nous-mêmes. Vu comment ça s’était fini pour nous, ce n’était pas nécessairement une décision inévitable de revenir. Mon esprit était ailleurs, j’essayais simplement de m’éloigner du basket. »
Après avoir été brisé physiquement chez les Pistons, Jackson était cette fois brisé moralement avec Los Angeles, terminant les playoffs à 5 points, 2 rebonds et 1 passe en 14 petites minutes, loin de ses standards à 11 points, 3 rebonds, 3 passes en carrière, d’abord en tant que joker de luxe lors de ses années Thunder (12 points, 4 rebonds, 3 passes en 30 matchs), puis titulaire en puissance à Detroit (16 points, 8 passes, 3 rebonds en 8 matchs).
« Tu te demandes si tu peux le faire, si tu es bien fait pour tenir le coup. Ça a testé ma force mentale. Je ne savais plus ce que je ressentais. Je ne savais honnêtement plus quels étaient mes sentiments pour le basket. Je me sentais dans la meilleure forme de ma carrière quand j’étais dans la ‘bulle’, mais malheureusement, je ne jouais plus. »
Dans le même temps, son coéquipier et ami proche, Paul George a lui aussi traversé une période difficile, dans la ‘bulle’ et encore cette saison. Mais les deux hommes se sont reposés sur leur amitié pour passer le cap. Sur le terrain et en dehors.
« C’était une situation difficile, et je comprends, il arrivait dans une nouvelle équipe et j’étais un des coupables tout désignés à l’avoir fait venir ici », reconnaît George. « Ça ne s’est vraiment pas passé comme prévu l’année passée, donc je comprenais [ses problèmes]. Je ne voulais pas en rajouter sur sa situation. Au contraire, je voulais lui donner du temps pour réfléchir et s’apercevoir qu’en fin de compte, c’était sa décision. Mais c’est mon gars, je sais de quoi il est capable. C’est l’un des meilleurs meneurs de la ligue et je voulais qu’il revienne avec nous. »
Retrouver goût au jeu
Avant d’apposer sa signature sur le contrat, Jackson a eu beaucoup de discussions avec l’un de ses deux grands frères, Travis. Et beaucoup d’introspection. Il fallait avant tout retrouver le goût du jeu. Celui pur et simple du dribble, de se « shooter » au tir.
« Je me suis à nouveau retrouvé à dribbler et à prendre du plaisir à shooter. Et puis, je me suis rendu compte que la saison me manquait. Je discutais avec eux de basket et j’ai appelé mon frère pour en discuter. Je me suis rendu compte que j’avais encore cet amour pour le jeu. »
A 34% de réussite à 3-points sur sa carrière, Jackson tourne cette saison à 44%, et même à 47% depuis la coupure All Star. Il n’a jamais été aussi précis de sa carrière derrière l’arc et apporte une vraie plus-value en sortie de banc. De même, sa vitesse est une alternative intéressante à l’attaque plutôt lente des Clippers, de préférence sur demi-terrain pour cibler les duels avantageux, pour Kawhi Leonard et Paul George évidemment.
D’abord intégré dans une rotation à trois arrières, Jackson s’est de nouveau retrouvé avec le mauvais rôle, sur le banc, dix matchs seulement dans la saison, Luke Kennard et Lou Williams ayant les faveurs de Coach Lue. Mais les choses ont changé par la suite, Lou Will transféré à Atlanta à la « trade deadline » et Jackson prenant peu à peu ses aises, avec notamment 23 points en 26 minutes pour battre Portland, puis 26 points, 7 passes pour exploser les Rockets et enfin 29 points, dont le tir de la gagne comme un symbole, pour renverser son ancienne équipe, à Detroit.
« Il a été super », ajoute Lue. « Je pense que la communication est très importante pour lui. Il a géré ça comme il fallait. Il est toujours resté prêt. »
Pour Jackson, un meneur devrait être jugé sur son bilan de victoires, plutôt que ses stats. En l’occurrence, les Clippers ont un très joli bilan quand Jackson est titulaire (25-15). Depuis la coupure de mi-saison, ce bilan monte même à seize victoires pour huit défaites.
Surtout, il a retrouvé son sourire, sa joie de vivre. Comme en témoigne Luke Kennard, « Avant chaque match et chaque entrainement, il me dit toujours : hey, mec, prends du plaisir ! »
Le renouveau depuis la coupure All Star
Présent lors de la belle aventure, sans lendemain, du Thunder jusqu’en finale 2012, Jackon n’y a pas vraiment laissé un souvenir impérissable. Steven Adams ne l’avait ainsi pas raté en décrivant notamment le soulagement de tout le vestiaire d’OKC après son transfert à Detroit. Mais le jeune joueur ambitieux qui ne s’était pas fait que des amis au Thunder a bien changé.
« Il a vraiment développé son jeu et puis, en tant que personne, il a vraiment mûri », avoue aisément son ancien coéquipier à OKC, Serge Ibaka. « Quand il est arrivé en NBA, il était si jeune et maintenant, c’est un adulte. De le voir grandir comme ça et jouer encore dans la ligue, c’est incroyable. »
Rattrapé par ses blessures chez les Pistons, Reggie Jackson est revenu sur terre assez durement. Ses rêves – des fantasmes – de grandeur ont laissé place à une réalité, et une approche, bien plus prosaïques. Son intersaison bercée de réflexion et de questions lui ont finalement donné une meilleure appréciation de son quotidien chez les Clippers.
De nouveau valorisé dans la rotation de Ty Lue, Jackson a accepté bien volontiers son rôle de meneur remplaçant, de colle pour colmater les brèches sur les lignes arrières. L’échec des Finales 2012 lui revient désormais avec un tout autre sentiment associé…
« Je comprends mieux maintenant combien ce business est cruel et fragile, et comment les opportunités arrivent rarement. On ne peut jamais garantir la bonne santé. On ne peut pas garantir que les gars seront dans le bon espace mental. On ne peut pas garantir que les relations autour de toi seront bonnes. Si tu sens, si tu as le sentiment de pouvoir réaliser quelque chose de spécial, il faut le saisir sur le champ. »
Chez les Clippers en l’occurrence, à 31 ans maintenant, Reggie Jackson veut faire partie du renouveau. Il veut incarner la capacité d’un collectif à se renouveler et rebondir après un échec cinglant. A 11 points, 3 passes et 3 rebonds, il est revenu dans ses chiffres en carrière. En fin de compte, après une longue période de doutes, il est tout simplement redevenu lui-même. Il peut à nouveau aider les autres…
« On est en train de devenir altruiste. Plus on va aider à relever nos frères, plus le jeu va devenir facile. »
Son record de la saison à 29 points
Reggie Jackson | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2011-12 | OKC | 45 | 11 | 32.1 | 21.0 | 86.2 | 0.3 | 0.9 | 1.2 | 1.6 | 0.7 | 0.6 | 0.8 | 0.0 | 3.1 |
2012-13 | OKC | 70 | 14 | 45.8 | 23.1 | 83.9 | 0.3 | 2.1 | 2.4 | 1.7 | 1.2 | 0.4 | 0.8 | 0.2 | 5.3 |
2013-14 | OKC | 80 | 29 | 44.0 | 33.9 | 89.3 | 0.5 | 3.4 | 3.9 | 4.1 | 1.8 | 1.1 | 2.1 | 0.1 | 13.1 |
2014-15 * | All Teams | 77 | 30 | 43.4 | 29.9 | 83.0 | 0.7 | 3.5 | 4.2 | 6.0 | 2.2 | 0.8 | 2.4 | 0.1 | 14.5 |
2014-15 * | OKC | 50 | 28 | 43.2 | 27.8 | 86.1 | 0.6 | 3.5 | 4.0 | 4.3 | 1.9 | 0.8 | 1.8 | 0.1 | 12.8 |
2014-15 * | DET | 27 | 32 | 43.6 | 33.7 | 79.6 | 1.0 | 3.6 | 4.7 | 9.2 | 2.7 | 0.7 | 3.5 | 0.1 | 17.6 |
2015-16 | DET | 79 | 31 | 43.4 | 35.3 | 86.4 | 0.7 | 2.5 | 3.2 | 6.2 | 2.4 | 0.7 | 2.8 | 0.1 | 18.8 |
2016-17 | DET | 52 | 27 | 41.9 | 35.9 | 86.8 | 0.4 | 1.8 | 2.2 | 5.2 | 2.5 | 0.7 | 2.2 | 0.1 | 14.5 |
2017-18 | DET | 45 | 27 | 42.6 | 30.8 | 83.6 | 0.6 | 2.1 | 2.8 | 5.3 | 1.9 | 0.6 | 2.2 | 0.1 | 14.6 |
2018-19 | DET | 82 | 28 | 42.1 | 36.9 | 86.4 | 0.5 | 2.1 | 2.6 | 4.2 | 2.5 | 0.7 | 1.8 | 0.1 | 15.4 |
2019-20 * | All Teams | 31 | 24 | 41.1 | 39.3 | 83.3 | 0.5 | 2.4 | 3.0 | 4.1 | 1.9 | 0.4 | 1.6 | 0.2 | 11.9 |
2019-20 * | LAC | 17 | 21 | 45.3 | 41.3 | 90.5 | 0.4 | 2.6 | 3.0 | 3.2 | 2.2 | 0.3 | 1.6 | 0.2 | 9.5 |
2019-20 * | DET | 14 | 27 | 38.4 | 37.8 | 78.8 | 0.8 | 2.1 | 2.9 | 5.1 | 1.5 | 0.6 | 1.6 | 0.1 | 14.9 |
2020-21 | LAC | 67 | 23 | 45.0 | 43.3 | 81.7 | 0.4 | 2.5 | 2.9 | 3.1 | 1.9 | 0.6 | 1.1 | 0.1 | 10.7 |
2021-22 | LAC | 75 | 31 | 39.2 | 32.6 | 84.7 | 0.5 | 3.1 | 3.6 | 4.8 | 2.1 | 0.7 | 2.3 | 0.2 | 16.8 |
2022-23 * | All Teams | 68 | 24 | 41.1 | 33.3 | 91.0 | 0.4 | 1.8 | 2.1 | 3.4 | 1.7 | 0.7 | 1.7 | 0.1 | 10.2 |
2022-23 * | LAC | 52 | 26 | 41.8 | 35.0 | 92.4 | 0.4 | 1.8 | 2.2 | 3.5 | 1.8 | 0.7 | 1.8 | 0.1 | 10.9 |
2022-23 * | DEN | 16 | 20 | 38.3 | 27.9 | 83.3 | 0.2 | 1.6 | 1.8 | 3.1 | 1.4 | 0.6 | 1.2 | 0.1 | 7.9 |
2023-24 | DEN | 82 | 22 | 43.1 | 35.9 | 80.6 | 0.4 | 1.5 | 1.9 | 3.8 | 1.8 | 0.5 | 1.3 | 0.2 | 10.2 |
2024-25 | PHL | 31 | 12 | 39.1 | 33.8 | 77.8 | 0.3 | 1.1 | 1.4 | 1.5 | 1.1 | 0.5 | 0.5 | 0.1 | 4.4 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.