Lorsqu’on pense aux rookies de cette année, ce sont tout de suite les noms de Blake Griffin et John Wall qui viennent à l’esprit. Le premier a été All-Star, et le second fait partie des meilleurs passeurs de la ligue.
En terme d’efficacité sur le terrain, viennent ensuite Landry Fields, DeMarcus Cousins ou Wesley Johnson, qui, particulièrement pour les deux derniers, alternent le bon et le moins bon.
Mais après ? Evan Turner, Derrick Favors prennent leur temps pour éclore, même si le talent est probablement là. Et l’impression globale qui se dégage est que Wall et Griffin pourraient bien être les arbres qui cachent la forêt.
Pour confirmer ou infirmer cette impression, Basket USA s’est plongé dans les performances des rookies sur ces 10 dernières saisons.
Introduction
Préambule
Commençons par répondre à une remarque qui ne manquera pas de poindre : Blake Griffin fait partie de la classe de draft 2009, c’est sûr. Mais vu qu’il n’a pas joué, nous l’intégrons ici dans notre analyse. Comment ne pas compter un joueur qui est le favori pour le titre de Rookie of the Year ?
Démarche
Pour comparer les rookies, nous avons utilisé deux indicateurs : le nombre de minutes jouées et une statistique avancée appelée Win Shares.
Rappelons que le Win Shares (WS) est une métrique destinée à estimer le nombre de victoires supplémentaires apportées par un joueur à son équipe. Dit autrement, c’est la dégradation du bilan que subirait la franchise si le joueur avait été blessé durant toute la saison.
L’idée ici est d’évaluer la qualité d’une génération de rookies, et pas celles des recruteurs. L’ordre dans lequel les choix ont été sélectionnées en juin n’est donc pas un bon indicateur.
Nous avons donc simplement pris, pour chaque saison, les 20 joueurs ayant passé le plus de minutes sur le terrain. De même, nous avons analysé les 20 meilleures valeurs de Win Shares pour chaque classe de draft.
Les deux listes ne sont d’ailleurs pas strictement identiques, et si elles mènent aux mêmes observations, on peut se dire que la démarche est la bonne. Le tableau suivant présente le top 10 pour chacune des deux catégories
WS | Minutes | |
1 | Blake Griffin | John Wall |
2 | Landry Fields | Blake Griffin |
3 | Greg Monroe | Landry Fields |
4 | Ed Davis | DeMarcus Cousins |
5 | Gary Neal | Greg Monroe |
6 | Derrick Favors | Wesley Johnson |
7 | Trevor Booker | Eric Bledsoe |
8 | Omer Asik | Ed Davis |
9 | Paul George | Evan Turner |
10 | Tiago Splitter | Gary Neal |
Autre élément, cet article chercher à analyser la performance uniquement lors de l’année rookie. Si un ou plusieurs joueurs ont explosé par la suite, cela ne se verra évidemment pas.
Dernier point, les données prévenant des saisons entre 2001-02 et 2010-11 ont été utilisées. Elles proviennent, comme souvent, du site basketball-reference.
Analyse I : le nombre de minutes passées sur le terrain
Les données
Pour affiner l’analyse, nous avons séparé les meilleurs rookies en deux groupes : le top 10 et les joueurs entre 10 et 20, dans chaque catégorie. Ceci permet d’analyser l’uniformité (ou non) des talents chaque année, c’est-à-dire de voir si la qualité d’une draft repose uniquement sur ses tous meilleurs joueurs, ou si la contribution du 20ème meilleur est tout de même importante.
Le graphique ci-dessous représente l’évolution du nombre de minutes par match jouées en moyenne par chaque groupe.
Pour aider à l’analyse, les lignes horizontales en pointillé représentent la moyenne pour chaque groupe.
2008-09 : une très bonne année
On y voit par exemple qu’en 2008-09, les 10 rookies les plus utilisés passaient 31,5 minutes sur le terrain. C’est l’année de Derrick Rose, O.J. Mayo, Russell Westbrook, Eric Gordon ou Brook Lopez, qui jouaient tous plus de 30 minutes.
C’est aussi celle de Kevin Love, Courtney Lee, Greg Oden (drafté un an plus tôt) ou Michael Beasley, mais qui tous jouaient moins de 25 minutes. Leur présence sur le terrain est donc figurée par la courbe rouge, mais la tendance est la même : cette année là les rookies ont beaucoup joué.
Au contraire, en 2006-07, la moyenne pour le top 10 n’était que de 24,7 min/m, soit à peine plus que le top 10-20 de 2008-09 ! Et la même tendance s’observe pour le groupe top 10-20. Cette année-là, un seul joueur du top 10 a joué plus de 30 minutes : Brandon Roy. Le second, Adam Morrison, pointe à 29,8 minutes par match.
Quid de la draft 2003 ?
Basé sur le nombre de minutes, on voit ressortir la fameuse draft 2003 (celle de LeBron James, Dwyane Wade, Chris Bosh, Carmelo Anthony ou encore David West), mais uniquement dans le groupe Top 10. Cela suggère, et il faudra l’analyser grâce aux Win Shares, que c’est le Top 10 qui était particulièrement bon cette saison là, le reste de la draft étant plutôt dans la moyenne.
Un premier aperçu de la cuvée 2010-11 : bof
A la lumière de ce graphique, la cuvée de cette année est moins bonne que la moyenne, voir plutôt médiocre. En nombre de minutes, le top 10 est le 3ème plus mauvais de ces 10 dernières années. Et, c’est simple, le top 10-20 est tout simplement le moins utilisé, avec 17,4 minutes/match en moyenne.
Cependant, comme précisé auparavant, le nombre de minutes n’est qu’un premier indice. Regardons maintenant ce que cela donne au niveau de l’apport statistique.
Analyse II : les Win Shares
Les données
Le graphique suivant reprend le même principe que le précédent, mais en affichant les Win Shares.
Globalement, la courbe a le même aspect que la précédente, ce qui est plutôt rassurant. La classe 2008 apparaît à nouveau comme étant la meilleure de ces 10 dernières années, et d’assez loin.
Une draft 2003 pas si excellente que cela ?
La surprise, c’est le niveau moyen de la draft 2003 de James, Wade et autre Bosh. Avant de crier au loup, il ne faut pas oublier trois paramètres.
Premièrement, comme dit plus haut, il s’agit de l’apport des joueurs lors de leur première année, et non pas de leur évolution jusqu’à aujourd’hui. LeBron James, même s’il a été excellent dès la première année, n’était pas le James des trois dernières saisons.
Deuxièmement, c’est une moyenne, ici par groupe de 10 joueurs. Certains joueurs peuvent donc faire baisser la moyenne. Le 10ème de la classe 2003 est Darius Songalia, avec un Win Shares de 2.3, à comparer avec le 10ème de la classe 2008, Courtney Lee, avec un score de 4,4…
Enfin, le Win Shares n’analyse pas seulement l’apport offensif (en points par match), mais cherche à prendre en compte l’ensemble des facteurs offensifs, défensifs et au rebond.
Pour creuser un peu, comparons maintenant les top 5, en terme de points par match et d’efficacité (Win Shares). On a choisi le top 5 pour faire ressortir spécifiquement les performances des tout meilleurs de la classe 2003.Il est très clair que la classe de 2003 est l’une des plus efficaces en terme offensif, comme le montre le graphique suivant.
Mais ce n’est pas suffisant, car ces joueurs n’étaient pas forcément de très gros contributeurs dans tous les compartiments du jeu. Le seul qui tirait cette saison là son épingle du jeu en défense était Dwyane Wade, membre de la All-Defensive Second Team, mais il n’apportait que 16 points par match.
Le graphique montre bien que l’apport d’un joueur ne se limite pas simplement aux points, et qu’en terme de Win Shares, le top 5 de la draft 2002, avec son Yao Ming, Amar’e Stoudemire ou Carlos Boozer, apportait plus en moyenne.
Et la draft 2010 ?
Après toutes ces considérations historiques, revenons à la draft 2010. Va-t-on confirmer notre intuition et la constatation en terme de minutes ? La réponse est clairement oui : le Win Shares du top 10 est le 2ème plus mauvais de la décennie, de même que le Win Shares du top 20.
Dit autrement, cette classe de draft, globalement, est l’une des plus mauvaises de la décennie.
Est-ce surprenant ? A part les deux stars que sont Blake Griffin et John Wall, nombre de joueurs draftés haut n’ont pas percé comme attendu.
On peut citer Evan Turner, Derrick Favors, bien en deça de leur draft. DeMarcus Cousins, bourré de potentiel mais terriblement irrégulier, et dont l’équipe a squatté les fonds de classement. On pense aussi à Ekpe Udoh, Al-Farouq Aminu, Gordon Hayward, qui aujourd’hui sont au mieux des roles players, au pire des joueurs destinés à la D-League ou au fond du banc.
Et les bonnes surprises comme Landry Fields, Eric Bledsoe ou Gary Neal ne suffisent pas à remonter la moyenne générale.
Au final, il est bien possible que cette classe soit tout simplement composée de joueurs qui auront besoin de temps pour s’affirmer dans la ligue.
Mais il est aussi bien possible qu’on n’en retienne, dans 10 ou 15 ans, que deux ou trois noms…