Le paradoxe est saisissant : les joueurs n’ont jamais été aussi athlétiques, et donc les possibilités n’ont jamais été aussi importantes, mais les concours de dunks n’ont jamais été aussi tristes que depuis plusieurs années. Les souvenirs de Michael Jordan, Dominique Wilkins ou Vince Carter prennent de l’âge et les successeurs se font attendre.
Il y a bien eu une éclaircie avec Zach LaVine et Aaron Gordon, mais le concours a clairement perdu de sa saveur pour les plus anciens. Pourquoi ?
« Les réseaux sociaux changent tout », explique Dee Brown, champion 1991 à Charlotte. « Ils ont dilué le concours puisque les meilleurs ou les stars n’y sont pas. Celui qui est le plus lumière en ce moment, c’est Zion Williamson. Pourtant, il n’est pas encore en NBA ni dans le concours de dunks. Il y a des joueurs d’université, des gens du monde entier, des lycéens qui montrent leurs dunks. On peut observer tout type de dunks, en temps réel. Donc, quand le concours arrive, les gens ont déjà vu des meilleurs dunks sur Instagram, etc. »
G-League, juges et rétro
Dès lors, comment relancer le Slam Dunk Contest ? Ce sont les anciens vainqueurs qui peuvent le mieux en parler et la première piste offerte est de revenir aux fondamentaux.
« Je le ferais à l’ancienne. Comme dans la rue. L’un après l’autre. Pour moi, l’aspect gadget est surcoté. Montrez ce que vous avez dans le ventre et ne laissez pas la responsabilité à un coéquipier ou un accessoire », avance Vince Carter, qui avait tout de même profité de Tracy McGrady en 2000. « J’aime le vieux format. On prend la balle, on laisse son imagination fonctionner et on y va, tout simplement », confirme Dominique Wilkins, vainqueur en 1985 et 1990.
Dee Brown aimerait aussi voir le concours s’ouvrir.
« J’aimerais qu’il y ait plus de participants. À mon époque, on était huit. C’est plus excitant. De plus, le gagnant remporte les 100 000 dollars et il n’y a pas d’argent pour le deuxième ou troisième. Ainsi, plus de joueurs seraient intéressés. J’ajouterais aussi des joueurs de G-League. Ils font partie de la NBA, donc pourquoi pas. »
Et pour arbitrer, des personnes compétentes. « Les juges doivent savoir dunker », estime Dee Brown. « Il faut avoir un minimum de connaissance sur le niveau d’un dunk. Je sais qu’ils essaient de mettre des célébrités mais on parle d’un concours de dunks. Personnellement, je ne peux pas être juré dans un concours de chant alors que je ne sais pas chanter. »
Plus de coups à prendre qu’à mettre
Un des principaux soucis autour du concours de dunks reste également l’absence de stars. Pendant des années, on a attendu LeBron James ou Dwyane Wade et on aurait espéré revoir Kobe Bryant après sa victoire en 1997. Les plus grandes étoiles de la NBA désertent l’événement et pour Dominique Wilkins, c’est la « peur de l’échec » qui paralyse.
« Premier raison : l’argent », assure de son côté Dee Brown avant de donner raison à l’ancien ailier des Hawks. « Ces gars gagnent tellement d’argent ailleurs. Avec les réseaux sociaux, on n’a plus besoin de ça. On se fait sa promotion soi-même. Quand j’y étais, on allait au concours de dunk pour se montrer, pour se voir à la télévision, pour voir son nom dans les journaux. Désormais, une grande partie des grands joueurs construisent leur marque sur les réseaux sociaux. Elle est plus grande que le concours donc ils ne veulent pas prendre le risque de perdre ce statut de grand joueur en s’inclinant pendant le concours. »
Dernier vainqueur en date, Donovan Mitchell rappelle aussi la dimension physique de cette soirée du samedi. « Ça demande beaucoup de faire le concours et de jouer le All-Star Game. Il faut s’entraîner et être concentré pour ce concours. Le corps et la tête sont sollicités. Le break du All-Star Game est fait pour se reposer. La saison passée, je n’étais pas All-Star mais j’étais fatigué. Je n’aurais pas imaginé faire les deux. Et je n’ai pas participé cette saison à cause de mon corps, je veux me reposer. »
Fatiguant mentalement et physiquement, peu rémunérateur sur le plan financier et avec plus de coups médiatiques à prendre qu’à provoquer, le concours de dunks manque d’arguments pour reconquérir les stars et les cœurs.
L’édition 2019 ne pourra sans doute pas inverser cette tendance, mais si elle pouvait au moins offrir une belle soirée dont on se souviendra dans quelques temps, ce serait déjà un joli minimum.