Nous continuons notre analyse de l’incroyable performance de Ray Allen au 2ème match des finales 2010 contre les Lakers.
Après une première partie consacrée à une introduction historique et à une présentation du premier système, place désormais au second système, plus riche que le premier et surtout faisant l’objet de plusieurs variantes durant le match.
Un double écran pour traverser la raquette
La base du système est relativement simple. Allen (20) débute comme dans le premier système en poste bas, près de Davis (11) qui joue ailier-fort. Perkins (43) est en poste bas à l’opposé. Pour sa part, Pierce se positionne en attente en tête de raquette. Le système va donc reposer sur un double écran, d’abord de Davis, puis de Perkins, pour libérer de la place à Allen dans le coin derrière la ligne à trois points.
Lorsqu’il est bien positionné, Rondo (9) passe la balle à Allen qui peut dégainer son tir. C’est le second de la soirée.
Ce qui est marquant sur cette action, ce sont les écrans des Celtics. Tous les deux sont tout à fait illégaux, et plutôt dirty. On est dans l’intensité d’une finale NBA… C’est d’autant plus marquant qu’il y a une très grande différence de gabarit et de poids entre ceux qui posent les écrans (Davis 2m06 131 kg , Perkins 2m08 127 kg) et celui qui les subit (Fisher 1m85 pour 95 kg). Bien que Fisher soit bodybuildé, 30 kg c’est une sacrée différence, et on le voit sur le terrain.
Sur l’écran de Davis, Fisher est déstabilisé. Davis est en mouvement permanent alors qu’il est au contact, cherchant à trouver la position qui gènera au maximum le meneur. De ce fait, Fisher prend l’écran alors qu’il n’est pas sur ses appuis, il lui faut donc quelques centièmes de seconde pour les récupérer. Il prend donc déjà un retard significatif sur Allen. L’écran en lui-même est mal posé (il ne bloque pas dans l’axe de la course de Allen), et sans ce petit coup de vice il n’aurait pas fonctionné.
L’écran de Perkins est clairement un écran glissant. Au moment où Fisher passe à côté du pivot, celui-ci fait un pas de côté, et il ne reste au meneur des Lakers qu’à venir s’empaler dans la poitrine du joueur des Celtics. Le choc a lieu alors que Perkins est encore en mouvement latéral, ses pieds ne sont pas posés au sol.
Mais, à nouveau, ne pas sanctionner ce type d’écran est typique pendant les playoffs…
Variante 1 : Allen part en tête de raquette
Ce système est une variante du précédent, avec comme différences principales le fait qu’Allen parte de la tête de la raquette, et que le premier écran soit posé beaucoup plus haut.
Le positionnement de Rondo (9), en position d’attente derrière la ligne des 3 points, de Pierce (34) et de Perkins (43) sont identiques à la première variante. Allen partant de la tête de la raquette, il faut lui apporter une aide beaucoup plus haut pour le séparer de son défenseur.
L’écran de Shelden Williams (13) est porté de manière propre, et Fisher qui est déjà en retard sur le départ de son vis-à-vis, se le prend de front. Lorsqu’il parvient à se libérer, Williams s’est légèrement décalé vers la ligne de fond, et bloque à nouveau de dos la course de Fisher, en retard de plusieurs trains. Il est alors trop loin pour pouvoir influer sur le reste de l’action.
L’écran de Perkins empêche dans tous les cas le retard de Fisher. Bynum ayant vu que son coéquipier serait dans l’incapacité de défendre, contourne Perkins et tente de contrer. Mais il est trop loin et il manque de rapidité, ce qu’il n’est pas surprenant vu son gabarit. Rondo s’est décalé vers la gauche du panier pour pouvoir passer le ballon à son arrière, tandis que Pierce a inversé sa position et est passé derrière l’arc pour lui laisser le champ libre et ouvrir des possibilités en cas de rebond offensif. La passe est précise et Allen n’a plus qu’à armer et shooter.
Encore une fois sur l’action Fisher a été baladé d’écran en écran par des joueurs beaucoup plus lourds que lui. Qui a dit que le basket n’était pas un sport de contact ?
En fin de match, quasiment la même variante est exécutée. Allen part cette fois de l’aile, et bénéficie de deux écrans par Garnett (5), manqué, et Perkins (43) à nouveau. Bynum réagit aussi en switchant sur Allen, pour empêcher le panier facile. Le saut du pivot pour le contrer et la fatigue du joueur des Celtics provoquent un air-ball.
Variante 3 : que faire quand le premier essai ne fonctionne pas ?
Cette variante est ma préférée car elle montre que les joueurs et le coach ne sont pas des pantins déroulant systématiquement le même schéma et sont capables d’adaptation. C’est le cas même s’il n’est pas couronné de succès.
Allen part donc comme vu précédemment de l’aile. La différence ici est que c’est Pierce (34) qui descend fait un écran poste bas.
Davis (11) pose « comme d’habitude » son 2ème écran. Mais le fait que Pierce ait été impliqué change tout : c’est Artest qui défendait sur lui. Voyant que Fisher ne pourrait suivre, ce dernier abandonne Pierce pour poursuivre Allen. Sur le deuxième écran, il passe intelligemment entre Odom et Perkins qui posait un écran destiné à bloquer une course calquée sur celle de l’arrière des Celtics. Il n’a donc qu’un retard limité sur Allen, qui ne peut armer son tir. C’est, après l’article que nous avions réalisé sur les trappes défensifs des Lakers, un autre exemple de la qualité de la défense d’Artest.
On le voit sur le schéma, l’avantage de faire descendre Pierce est qu’à l’issue de la rotation c’est Fisher qui est chargé de défendre sur lui. Résultat : un énorme avantage de taille pour Boston. Les Celtics ajoutent un écran de Wallace (30), ce qui permet à Pierce de s’éloigner vers l’aile. Il est alors seul et bien positionné derrière la ligne des trois points. Si Allen avait été dans un journée moins brillante, peut-être que ses coéquipiers auraient retourné le jeu et passé à Pierce. Mais dans le contexte de ce match, un système lancé pour Allen devait finir par un tir de Allen…
De l’autre côté du terrain, Allen voit qu’il ne va pas pouvoir shooter. C’est là où l’adaptabilité des joueurs est fondamentale : le système principal a échoué, il faut trouver une alternative. En trois temps, il va se retrouver en position de shoot. D’abord, il décide de descendre dans le coin tandis que, parallèlement, Davis vient prendre sa place à l’aile (schéma précédent). Ensuite, la balle est d’abord ressortie vers Rondo, via Glen Davis.
Puis Davis pose un écran permettant à Allen d’échapper à son défenseur. Artest, sur cette phase de jeu, est d’ailleurs plutôt lent à réagir à l’accélération de l’attaquant. Rondo peut lui passer la balle alors qu’il est démarqué, et il va pouvoir tirer.
Malheureusement le tir échoue, mais l’enchaînement et la réactivité des joueurs est intéressante à observer.
La même en vidéo.
Conclusion
Le but de cet article en deux parties était d’observer la série à 3-points de Ray Allen du game 2 des dernières finales. Quelles leçons en tirer ?
Tout d’abord, les systèmes sont bien évidemment construits autour des qualités des joueurs qui composent le roster. Ainsi, dans le cas d’Allen, c’est sa mobilité sur le terrain et ses qualités de « catch-and-shooter » (shooter après une passe) qui sont mis en avant. Allen n’est pas Paul Pierce ou Kobe Bryant. Il est donc moins capable de créer son propre shoot.
Ensuite, Allen est un shooter d’expérience, qui sait faire la différence à l’aide de petits plus. Son pas de côté dans le système présenté dans l’article précédent en est un exemple. Le fait qu’il ait refusé le tir difficile montré dans la 3ème variante de cet article le montre aussi (certains, se sentant chaud, l’auraient tenté coûte que coûte).
De plus, le système à double-écran à l’intérieur favorise la prise d’espace pour le tireur et donc lui permet de réaliser son tir dans les meilleures conditions. Si tout se déroule comme anticipé, c’est le shoot facile assuré.
Enfin, Allen a bénéficié non seulement des systèmes et de sa « main chaude », mais aussi du fait que Fisher défende sur lui. Le Laker est moins grand et moins bon défenseur de Bryant, qui est le vis-à-vis poste pour poste du joueur des Celtics. Cependant, l’agressivité de Rondo et sa vision du jeu ont poussé l’équipe de Los Angeles à le faire défendre le numéro 24 sur lui. Lorsque Allen a tant de réussite, ça se paye cash.