Quand on lui demandait ce qui faisait la force de l’attaque en triangle, il y a quelques années, Phil Jackson expliquait qu’il s’agissait surtout de créer de bons tirs pour les « role players ». En effet, Michael Jordan, Kobe Bryant ou Shaquille O’Neal pouvaient toujours marquer des points mais le but du système développé par Tex Winter, c’était d’utiliser leur menace pour punir les aides défensives de la défense, et ainsi libérer les autres joueurs.
Avec la fin du « hand checking » et de nouvelles règles pour accélérer le jeu au début des années 2000, il est devenu très compliqué pour un défenseur de contrôler le dribble des attaquants. Au départ, cela a surtout permis à de grands scoreurs (Allen Iverson, Tracy McGrady…) de briller, avant que Mike D’Antoni n’entame sa révolution à Phoenix.
En systématisant le pick-and-roll autour de l’axe Steve Nash – Amar’e Stoudemire, le coach a recréé le même principe que l’attaque en triangle, à savoir un concept capable non seulement d’utiliser le talent des stars, mais également de le mettre au service des « role players ». Il y a quelques années, Mike D’Antoni disséquait ainsi son système, expliquant qu’avec un meneur et un intérieur qui maîtrisent le pick-and-roll, plus trois shooteurs, l’attaque a toujours une solution.
James Harden, Russell Westbrook et LeBron James au centre de tout
Pour cela, le coach doit avoir des joueurs qui correspondent pleinement à ce mode de jeu et c’est le cas à Houston. Dwight Howard parti, les Rockets ont des joueurs qui se fondent dans le moule D’Antoni, avec un axe Harden – Capela/Nene et une armée de shooteurs autour, Eric Gordon et Ryan Anderson s’épanouissant cette saison.
Dans une ligue où le contrôle du dribble par le défenseur est devenu virtuellement impossible, les joueurs capables d’être des « triple menace » (dribble, shoot, passe) sont devenus encore plus mortels qu’avant. Il n’y a qu’à voir l’influence de LeBron James à Cleveland pour s’en rendre compte. À Houston, c’est la même chose avec James Harden, qui est au coeur de tout le jeu texan. Avec ses 28.4 points de moyenne, ses 11.9 passes décisives et ses 1.8 hockey assist (une passe précédant la passe décisive), on peut dire que James Harden et ses décalages génèrent au moins 62 points par rencontre (certains décalages mettent plus de deux passes pour aboutir au shoot et ne sont donc pas inclus). En clair, le barbu texan est à l’origine de près de 55% des points de son équipe, au minimum !
Le même calcul à Cleveland place LeBron James à l’origine de 47% des points des Cavaliers, tandis que comme James Harden, Russell Westbrook et ses décalages sont à la base de 55% des points du Thunder.
Mais encore faut-il profiter des décalages…
Avec des superstars désormais plus libres dans leur dribble, les défenses doivent répondre collectivement et tout l’intérêt de Mike D’Antoni et de son système est d’offrir une solution permettant d’utiliser cette réponse collective, et notamment les aides… à son avantage.
Lors d’un récent hold-up à Minnesota, les Rockets ont ainsi démontré ce principe sur des actions consécutives.
Alors qu’ils sont menés de six points à 36.8 secondes de la fin, Mike D’Antoni cherche à placer James Harden face à Karl-Anthony Towns pour lui permettre de prendre de la vitesse face à l’intérieur pour trouver un coéquipier. Un écran de Ryan Anderson perd Andrew Wiggins, qui ne sait pas s’il doit changer, et laisse l’espace à Ryan Anderson pour tirer.
Quelques instants plus tard, les Rockets ont une action pour égaliser. Cette fois, les Wolves se sont adaptés en plaçant Zach LaVine sur Ryan Anderson, histoire de pouvoir changer sur les écrans pour James Harden. Sauf qu’Andrew Wiggins s’endort sur la remise en jeu et laisse la pénétration à son adversaire. Karl-Anthony Towns obligé de venir en aide, James Harden peut ressortir le ballon pour Trevor Ariza, qui décoche un 3-points après un petit décalage.
En novembre, nous avions déjà vu comment les Rockets utilisaient Ryan Anderson pour étirer les défenses. Sur cette action face aux Knicks, on voit ainsi James Harden utiliser le double écran que les Rockets aiment beaucoup. Lance Thomas défend bien la première fois mais James Harden relance l’action et, cette fois, Carmelo Anthony vient faire prise à deux.
Le trio Anderson – Hilario – Ariza explose pendant ce temps en tête de raquette, le Brésilien fonçant vers le cercle tandis que l’ailier et l’ailier fort s’écartent de chaque côté. Ryan Anderson peut donc être servi et marquer face à Derrick Rose, alors que Carmelo Anthony tente également de revenir.
… tout en ne délaissant pas trop le pick-and-roll
Comme pour le Thunder ou les Cavaliers, le jeu des Rockets peut sembler assez basique puisqu’il utilise en majorité les capacités d’une superstar, libre dans son dribble grâce aux règles modernes de la ligue, pour profiter des aides et créer des décalages. Encore faut-il que tous les rouages du système soient en place, Oklahoma City manquant par exemple de shooteurs extérieurs pour pleinement profiter de l’influence de Russell Westbrook.
Quant aux Cavaliers et aux Rockets, il est important pour eux de ne pas oublier le pick-and-roll, qui ne doit pas simplement être un point de lancement de l’attaque.
Les pénétrations de James Harden et sa relation avec ses intérieurs sont ainsi toujours essentielles pour laisser la défense en alerte et pouvoir justement libérer les shooteurs. Pour cela, Houston aime d’ailleurs placer Eric Gordon au centre de la raquette afin d’aider le pivot (ou le meneur) à se libérer sur le pick-and-roll. Comme face à San Antonio.
Ou aussi facilement face à Phoenix.
S’il s’appuie sur un joueur d’exception, capable d’attaquer le cercle, de shooter de loin mais aussi de trouver ses camarades, le jeu de Houston est néanmoins plus subtil qu’il n’y parait et ne résume pas à un simple concours de 3-points. Après ses années à Phoenix puis ses expériences mitigées à New York pour Los Angeles, Mike D’Antoni peut à nouveau pleinement mettre en place sa stratégie offensive. Le résultat, c’est que les Rockets sont troisièmes à l’Ouest (27 victoires – 9 défaites), qu’ils ont le meilleur bilan de décembre (15 victoires en 17 matchs) et la deuxième meilleure attaque du pays (115.4 points sur 100 possessions), à égalité avec Toronto.
C’est d’ailleurs la quatrième meilleure attaque de l’histoire, derrière les Warriors actuels (116.2 points pour 100 possessions), les Lakers de 1987 (115.6), les Bulls de 1992 (115.5) et à égalité avec les Celtics de 1988…