La fin de la saison 1976-1977 est très tendue du côté d’Indianapolis. Les Pacers viennent de finir leur première année en NBA après leur migration depuis l’ABA. Mais dans l’Indiana, le coût de fonctionnement de la nouvelle salle, la Market Square Arena, et les trois millions de dollars réclamés par la ligue comme prix d’entrée ont complètement plombé les caisses de la franchise.
En ce mois de juin 1977, la carte de crédit du club n’est plus acceptée nulle part et les salariés ne sont plus payés depuis trois ou quatre semaines. Le GM/coach Slick Leonard est même obligé de s’adresser aux employés pour leur demander d’être patients. Tous les joueurs (sauf un) ont également accepté de recevoir leurs salaires plus tard. Mais il faut vite trouver une solution !
Une idée folle pour sauver la franchise : un téléthon
Celle-ci peut venir des fans, des investisseurs ayant promis 750 000 dollars supplémentaires si la franchise obtient 8 000 abonnements à l’année. Pour un club qui vient de finir avec 36 victoires et qui ne possède pas de star dans son effectif, c’est compliqué et, surtout, la temps presse. Comment faire pour convaincre des centaines d’abonnés en quelques jours ? Sandy Knapp, alors en charge des relations publiques au club, et Nancy Leonard, l’épouse du GM/coach, pensent à un téléthon télévisé. L’idée est un peu folle et totalement expérimentale. Elle est d’ailleurs unique dans l’histoire de la ligue.
« Les gars, nous sommes dans le pétrin », annonce clairement Nancy Leonard au staff de 13 personnes qu’elle a réuni pour organiser l’évènement. « Nous ne pouvons pas flâner jusqu’en août ou septembre. Nous devons vendre les tickets maintenant ».
Sans les 8 000 abonnements et les 750 000 dollars qu’ils apporteraient, le club est en effet en danger. Si l’objectif n’est pas atteint, la seule solution pour les propriétaires serait de céder la franchise à un investisseur qui veut la déménager. L’enjeu du téléthon est donc simple : garder les Pacers à Indianapolis.
Un défi impossible ?
Mais si l’enjeu est simple, la réalisation est beaucoup plus complexe. Le meilleur moment pour organiser ce marathon télévisuel est le 4 juillet, jour de l’indépendance américaine. Le jour est férié, avec des familles qui regardent la télévision ou peuvent se mobiliser, et il parait donc idéal.
Cependant, il ne reste que quelques jours pour organiser l’évènement et la mission parait impossible. Charles Rushmore, qui travaille sur le fameux téléthon de Jerry Lewis, est contacté mais il prend peur. Il promet d’aider comme il le peut mais il assure qu’il faut six mois pour monter un téléthon et le délai imposé ici lui semble intenable. Heureusement pour les Pacers, la chaîne locale WTTV-Channel 4 déprogramme tout ce qu’elle avait prévu pour le 4 juillet et promet 16 heures en continu à la franchise.
Il faut désormais trouver un lieu, ce sera la salle de bal du Convention Center. Des musiciens acceptent de venir jouer pendant le show télévisé alors que le gouverneur Otis Bowen, le coach d’Indiana Bob Knight, le coach de Purdue Fred Schaus et l’ancienne star de l’équipe, George McGinnis, se déplacent tous pour tenter de convaincre les fans de s’abonner ou de donner de l’argent, en fonction de leurs moyens.
« C’était une expérience remarquable », assure Sandy Knapp. « Ça a été un tel ascenseur émotionnel. C’est comme si le temps s’était arrêté, comme s’il était suspendu dans les airs. Nous avons travaillé tellement dur, nous étions épuisés physiquement et mentalement. Tout était plus intense, comme si nos sens étaient en feu ».
La mobilisation de toute une région
Il faut dire que rien n’a été épargné à la franchise. Alors que l’équipe a pris l’antenne à 10 heures du soir le 3 juillet, elle se rapproche du but et du gong final, fixé à 14h30, le 4 juillet. Mais à 12h30, le staff se rend compte qu’un bug informatique a surévalué les ventes et ajouté 822 tickets en trop.
Alors qu’ils pensaient avoir vendu 7 552 abonnements sur les 8 000 espérés, les Pacers découvrent qu’ils n’en ont que 6 730. Et il reste moins de deux heures !
En 14 heures de direct, la franchise n’a vendu que 1 000 abonnements puisqu’elle avait déjà 5 720 abonnés avant que l’expérience ne commence. Il faut donc réaliser l’impossible et vendre les 1 300 abonnements manquants en moins de deux heures. L’ambiance dans la salle est donc très tendue mais à dix minutes du gong final, Nancy Leonard fait l’annonce que tout le monde attendait. Des sanglots pleins la voix.
« Nous en sommes à 8 028. »
La franchise s’est sauvée grâce à l’idée un peu folle de deux femmes et les Pacers pourront finalement rester à Indianapolis. La salle explose et le GM/coach Bobby « Slick » Leonard n’en revient pas.
« Quelque chose comme ça ne peut arriver que dans l’Indiana », assure-t-il. « Il n’y a que les campagnards pour réaliser quelque chose comme ça. Les fans ont été fabuleux, ils nous ont soutenus jusqu’au bout ».
Toute la ville et toute la région se sont ainsi mobilisées. John Hargreaves, 11 ans, a ainsi fait du porte-à-porte à Plainfield pour récolter 18 dollars. Carl Cushingberry, 7 ans, a récolté 15 dollars. Teresa Lynn, 9 ans, a elle donné au coach du club un billet de cinq dollars avec un mot.
« Je suis une petite fille. Je voudrais donner cinq dollars aux Pacers. C’est une bonne équipe. Je les aime bien ».
De quoi faire craquer Nancy Leonard.
« C’est là que j’ai pleuré. Nous venions d’atteindre le nombre suffisant d’abonnements et ces gamins sont arrivés avec leurs boîtes pleines de pièces. Ils avaient arpenté les rues pour récolter de l’argent. Ça prouvait le lien entre les Pacers et les habitants, même ceux qui ne pouvaient pas s’acheter d’abonnements à l’année ».