Chris Paul et le Complexe de Napoléon

Tout le monde connaît l’histoire de Michael Jordan, lycéen, furieux de ne pas être inclus dans l’équipe première au contraire de son ami, LeRoy Smith. Trente ans plus tard, LeRoy Smith n’a pas percé dans le monde du basket professionnel mais son nom obsède toujours Sa Majesté, jusque dans son discours du Hall of Fame. En NBA, beaucoup arrivent avec une soif de revanche, souvent pour s’être vus barrés la route pour une raison ou pour une autre: pauvreté, mauvais environnement, pas de talent particulier décelé, etc…

Chris Paul est de ceux-là…

Toujours recalé dans sa jeunesse

Le meneur angelino regorge d’histoires à raconter sur ses difficultés à paraître crédible. Loin d’être le plus grand, CP3 était fréquemment celui laissé sur le bord du terrain au moment de faire les équipes au collège. Comme Jordan, il a dû attendre son année junior pour intégrer l’équipe première au lycée, ce qui l’empêcha de jouer avec son frère. Le New York Times rapporte aussi une anecdote selon laquelle Paul aurait passé sa colère sur les coaches de North Carolina, son université préférée. Motif : ils étaient venus le recruter trop tard, Paul partait pour Wake Forest.

Pour prouver à tous que son talent est au-dessus de la moyenne de la ligue, Chris Paul a travaillé comme rarement dans cette ligue. Il a engagé un coach personnel et il s’entraine comme un forcené à domicile.  En 2012, un autre acharné du travail en la personne de Kobe Bryant révélait la plus grande faiblesse du meneur:

« Chris a un complexe d’infériorité parce qu’il est petit. Je lui dis tout le temps et il déteste ça. Il n’aime pas ça du tout. Mais ce petit con est dur et il vous fait payer cher ce genre de conneries. »

Même impression chez Gregg Popovich, qui s’exprimait en mars 2013.

 « Chris est méchant et mauvais comme une teigne. Je ne sais pas s’il existe quelqu’un d’aussi compétitif que ce petit bonhomme. C’est vraiment une épine dans le pied… On dirait un de ses mecs à qui on a volé les jouets lorsqu’ils étaient mômes. Il en a après tout le monde lorsqu’il est sur le terrain. »

Comme souvent, la faiblesse est devenue force. Ses coéquipiers ne disent pas autre chose. Depuis qu’il est en âge de jouer au ballon, Paul combat les préjugés à son égard, jusqu’à cet entre-deux remporté face à Klay Thompson au premier tour, pourtant plus grand de… 18 centimètres (ndlr : certes avec l’aide complice de l’arbitre).

« Il souffre du complexe de Napoléon. » dit de lui son ex-rival NCAA, J.J Redick. « Complètement d’accord » ajoute Jamal Crawford.

Le titre comme seule perspective valable

Auteur d’une performance ahurissante au premier match des demi-finales contre OKC (32 pts à 8/9 derrière l’arc, 10 ass), Paul savoure ses minutes en playoffs. À 29 ans, il n’était parvenu à ce stade qu’à deux reprises en huit ans: la première en 2008 avec les Hornets de la Nouvelle-Orléans, la seconde en 2012 où ses Clippers furent balayés par San Antonio.

« Tu as toujours l’impression que tu reviendras à ce niveau, et ce n’est pourtant pas le cas. » explique Paul au correspondant du Times. « Ça le travaille beaucoup. L’horloge tourne, on prend tous de l’âge » relate Willie Green au sujet de la soif de titre de son leader.

Dans sa neuvième saison NBA, Chris Paul n’a pas de titre mais est déjà reconnu comme l’un des meilleurs de cette ligue. Avec Tony Parker, Allen Iverson ou Isiah Thomas, il est un de ceux qui contribue à rendre le basket plus humain, plus « normal » grâce à son 1m83. Pourtant, à le voir jouer, dribbler avec une aisance de jongleur, il est difficile de déceler la moindre forme d’humanité chez cet homme. Même ses yeux sont trompeurs, sa gueule d’ange cache un tueur. Tous vous le diront.