Ettore Messina répond aux lecteurs de Basket USA

Il est assis les jambes croisées, en train de parler avec son fiston. Il regarde Andrew Bynum répéter ses gammes une heure et demie avant le Game 2 face aux Nuggets. Quin Snyder le chambre quand on tend notre microphone vers lui, moquant la popularité de son ami italien auprès de la presse européenne.

Eh oui Quin, Ettore est une légende sur le Vieux continent !

« A part Kobe, Pau et Luke Walton, personne ne me connaissait quand je suis arrivé, mais je m’y attendais donc je ne me suis pas vexé. C’est normal », nous confiera-t-il à la fin de cet entretien de vingt bonnes minutes en bord de parquet.

Assistant de luxe des Lakers, l’officiel consultant a accepté de répondre à vos questions. Celui qui confie parler italien avec Kobe, dont il vante la connaissance du basket international, s’est montré aussi courtois que sérieux. Pour être honnête, on était quelque peu intimidé au moment de jouer pour vous, lecteurs, un entremetteur privilégié.

Manlaman

Au début de l’année vous aviez un rôle de consultant pour les Lakers et étiez derrière le banc des entraîneurs. Depuis plusieurs matches, nous vous retrouvons juste à côté de Mike Brown. Pouvez-vous nous expliquer comment cette évolution a pris place et si votre rôle a changé ?

Mon rôle n’a pas du tout changé. Je me suis rapproché sur le banc car John Kuester a dû s’absenter quelques semaines pour des raisons familiales. Mais notre communication et notre méthode de fonctionnement avec Mike n’ont pas changé, peu importe que je sois sur le banc avec lui ou non.

KingKenny

Quel est votre impact dans le renouveau offensif des Lakers depuis le All Star Break ?

C’est tout le staff dans son ensemble qui aide Mike et les joueurs. Moi, je donne mes opinions et livre mes analyses avec une perspective européenne, plus attentive au spacing et au timing. Le spacing pour nous est primordial, on a tellement de grands qu’on a besoin énormément de mettre la balle à l’intérieur. Les joueurs y ont prêté de l’attention et on a progressé dans ce domaine.

Agent4

Les jeux espagnols, italiens et russes pourraient-ils s’adapter très rapidement au show américain ?

Je vois encore beaucoup de différences dans les styles de jeu, surtout dans la vitesse et l’aspect athlétique. Je dirais que nos équipes en Europe peuvent avoir leur chance contre des équipes NBA sur un match ou une série, surtout en début de saison. Mais sur l’ensemble d’une saison, avec 82 matches et les déplacements, à part quelques exceptions comme le Pana, le Barça et le CSKA, je ne vois pas qui pourrait être compétitif ici. Cela serait intéressant de les juger sur une saison entière mais ce n’est pas pour demain. Une chose est sûre, avec le calendrier et les voyages, les joueurs européens auraient besoin de temps pour s’ajuster et s’adapter à la NBA. Ils apprendraient mais ça ne se ferait pas du jour au lendemain.

Elliverson #8

D’après vous, quelle est la principale qualité (ou les qualités) demandée(s) aux joueurs pour pouvoir évoluer en NBA et en Euroleague ? pourquoi ? 

Le talent et le mental sont des qualités primordiales pour s’imposer au haut niveau, quels que soient le championnat et le continent. Mais en NBA, l’aspect physique est essentiel. Si tu n’es pas un bon athlète, même avec un mental d’acier et plein de talent ça sera très compliqué. En Europe, si as de l’intelligence de jeu et du talent, tu peux réussir. L’aspect athlétique y est moins important.

TheMaskMamba

D’après votre expérience sur cette saison raccourcie, quels sont le coach, le joueur et l’équipe qui vous ont le plus impressionné ? 

J’ai été impressionné par beaucoup de coaches. Ce serait irrespectueux pour les autres de n’en citer qu’un. Que ce soit George Karl, Thibodeau, Carlisle, Doc Rivers, tous sont d’excellents coaches. Sans mentionner Mike, que je vois tous les jours donc c’est différent. Je trouve que Monty Williams fait un super boulot à New Orleans, pareil pour Dwane Casey avec Toronto. Ces deux là, comme Lionel Hollins aussi, ne sont pas sous les projecteurs mais ils font du sacré bon boulot. Concernant les équipes, si je dois choisir je dirais Memphis et Oklahoma. Oklahoma a tellement de talents que dans les années à venir, ils vont être exceptionnels. Pour le joueur, je dois honnêtement avouer que je me sens chanceux et reconnaissant d’avoir pu passer cette saison aux côtés de Kobe. Cela a été un plaisir quotidien d’être témoin de son implication extraordinaire pour le jeu, l’équipe, ses coéquipiers et lui-même dans sa volonté de constamment être meilleur.

JeremKB24

Pouvez-vous citer deux qualités et deux défauts qui représentent le plus Kobe ?

La seule caractéristique que je puisse donner pour Kobe, c’est son engagement et son dévouement pour la victoire. Il oblige automatiquement les autres à élever leur degré d’exigence. C’est parfois mal perçu ou difficile pour ceux qui subissent son exigence maximum. Mais tous les très grands sont comme ça. J’ai eu la chance avant lui de côtoyer des sommités comme Danilovic, Rigaudeau et Manu Ginobili, donc je peux dire sans me tromper que Kobe combine talent et personnalité.

Michael_Westen

Comment expliquer que la NBA ait si peu de coaches européens, alors que les meilleurs en sont originaires ?

Parce que les franchises ne partagent pas la même opinion que toi Michael, et que des autres lecteurs européens non plus. C’est aussi simple que ça (rire). Plus sérieusement, je n’ai pas de réponse exacte mais je peux assurer que les esprits sont très ouverts ici concernant les joueurs comme les coaches européens. C’est une question de temps, comme ça l’a été pour que les portes s’ouvrent pour les joueurs. Il ne faut rien brusquer, le monde est de plus en plus intégré et mondialisé donc ça arrivera à un moment. A quel moment ? Je n’en ai aucune idée.

J_Smoove

Avant d’être à L.A, vous avez parcouru l’Europe et avez eu de nombreux succès. En NBA, après la sortie de route des Lakers l’année dernière, la pression est-elle plus forte qu’au CSKA, au Virtus ou autre ? Sentez-vous une réelle différence d’écoute de la part des joueurs entre la NBA et la FIBA ?

Pour la pression, c’est non car je ne suis qu’assistant. Mais je vois les attentes auxquelles Mike doit répondre tous les jours et celles suscitées par l’équipe. Donc je peux vous dire qu’être coach des Lakers, c’est un sacré challenge. Après concernant l’écoute, il n’y a aucune différence. Et je rajouterais même, comme Kobe l’a mentionné il y a quelques jours, vu le niveau moyen dans les vestiaires, quand un joueur prend la parole il a intérêt à avoir un discours constructif.

Be_Roy

Après avoir misé sur l’attaque en triangle du temps de Phil Jackson, les Lakers ont adopté la nouvelle vision de Mike Brown, concentrée davantage sur le secteur intérieur et notamment Andrew Bynum. Êtes-vous satisfait de la réussite du pivot All-Star, qui est vraisemblablement indispensable aux Lakers pour le titre NBA ?

Comme tous les jeunes, il a besoin de mûrir et de trouver de la continuité. Mais il n’a que 24 ans et il a déjà dominé beaucoup de matchs cette saison, donc naturellement nous sommes satisfaits d’Andrew. Son avenir est radieux, reste à lui de rester concentrer sur les objectifs et d’éviter les blessures. Il a connu des soucis physiques dans les saisons précédentes, heureusement pas cette année. Cette continuité dans sa condition physique explique aussi sa très bonne saison.

EMDA7

Mis à part le déplacement latéral en défense et l’adresse générale que vous avez déjà abordée dans BAM, les joueurs évoluant en NBA sont-ils réellement plus intelligents dans la lecture avec et sans le ballon ?

Comme partout dans le monde, il y a des joueurs qui ont cette capacité de bien lire et d’autres qui ne l’ont pas aussi développée. En moyenne, je la trouve assez bonne en NBA, et je suis surtout impressionné par les facultés d’anticipation. Le niveau de lecture dans l’anticipation est vraiment élevé et j’ai été surpris par ça.

Diamantinoulis

Est-ce qu’il y a une grande différence entre les stars européennes que vous avez coachées (Siskauskas, Papaloukas, Prigioni) et les stars de L.A. ? 

Du fait que je sois assistant, oui il y en a une. Quand tu es assistant, tu as un contact plus direct avec les joueurs alors que comme head-coach tu dois maintenir une certaine distance entre toi et eux. Mon rôle c’est d’aider à renforcer les liens et la relation de coach Brown avec les joueurs. Il peut parfois y avoir des malentendus entre les deux parties et mon travail c’est d’être au milieu et de résoudre le problème. Je peux considérer ça comme un job plus facile, et surtout qui me permet d’avoir une autre relation avec les joueurs.

Quels sont les joueurs NBA (pas des stars) qui auraient un gros impact sur leur équipe en Europe ? 

Il y en a beaucoup. Vraiment. Tous les jours dans chaque équipe, je vois au moins deux joueurs qui en Europe seraient très bons. A condition qu’ils viennent avec une bonne mentalité. Certains peuvent penser qu’il est plus facile de s’imposer en Europe mais le basket y est tellement différent qu’il leur faudra le même niveau de travail et d’implication pour y briller. Cela étant dit, je comprends que beaucoup de joueurs fassent le choix de privilégier la NBA, qu’une fois ici ils veulent y rester.