C’était un jour comme un autre à Aurora, Colorado, pour Deborah Parker.
Nous sommes en février 2010. Elle allume son ordinateur, et comme un vieux réflexe, lance une recherche sur internet pour le nom de « Deandra Favors. »
Pourquoi, me direz-vous ?
Pour le savoir, il faut connaître l’histoire de Derrick Favors, le jeune intérieur du Jazz.
Fruit d’une union pécheresse
L’histoire remonte à 1989. Nous sommes à Atlanta, en Géorgie ; Johnnie Parker, cuistot de fortune pour Sky Chef, entreprise de nourriture lyophilisée qui sous-traite pour la compagnie aérienne Eastern Airlines, est muté de Denver à Atlanta. Là, il rencontre parmi ses nouveaux collègues une dénommée Deandra Favors. Bien que le premier soit déjà marié à Deborah Parker depuis 1986, une amourette se dessine. En janvier 1991, Deandra lui annonce qu’elle est enceinte de trois mois et qu’elle envisage de garder le bébé. Le choc est brutal !
Tout s’accélère alors pour Johnnie Parker. Pris entre deux feux, il sait qu’il pourrait non seulement perdre cet enfant illégitime, mais plus encore, sa famille de trois enfants avec sa femme Deborah. Il brise tout contact avec Deandra durant trois mois et lui annonce finalement qu’il reviendra « un de ces jours. »Selon ses dires, c’est ce qu’il a fait. Il vient frapper à la porte de l’appartement de Deandra à plusieurs reprises avant d’apprendre d’un voisin que son ancienne maîtresse a finalement levé le camp pour une destination inconnue. Ayant entre temps perdu son numéro de téléphone, il avoue avoir raté le coche complètement.
« Je sais que j’ai tout foiré sur ce coup-là, raconte-t-il sur AOL News. J’avais une femme et des enfants, je ne voulais pas mettre tout ça en l’air. J’ai eu peur de perdre ma famille. »
C’est cependant 5 ans plus tard que l’affaire éclate au grand jour au sein de la famille Parker. Pris entre temps de graves problèmes au dos qui avaient déjà eu raison de sa courte carrière universitaire dans les rangs de l’université de St Louis (10 points de moyenne pour sa saison freshman), Johnnie Parker, doit soigner une tumeur à la colonne vertébrale. Il lui faudra plus de 9 mois avant de pouvoir récupérer ses capacités physiques et marcher à nouveau.
« La culpabilité, tu sais. Je voulais m’en libérer, je voulais en finir avec cette histoire. Et puis je voulais connaître ce fils que je n’ai jamais connu. Je devais donc tout lui avouer pour pouvoir commencer cette quête. »
« Bien sûr, c’était un moment très difficile. Ça fait mal, » reconnaissait volontiers Deborah. « Mais, mon mari et moi, nous avons été ensemble depuis si longtemps que nous avons été capables de traverser cette épreuve. J’avais eu des doutes au moment de leur liaison, mais tout n’est sorti qu’en 1996. »
La quête du fils
Sans ordinateur, sans les chaines télévisées du câble, et alors qu’internet à ses débuts, la recherche s’annonce ardue pour le couple Parker. Mais Deborah, pas rancunière, aide son mari depuis son travail. Et quand la famille retourne à Denver, la recherche continue et se précise.
Car pendant ce temps-là, à Georgia Tech, de l’autre côté des Etats-Unis, le fils inconnu gagne lentement mais sûrement en notoriété. Titulaire des Yellow Jackets, le fiston continue son apprentissage. Et ses coachs sont admiratifs.
« Il ne se plaint jamais. Comme cette fois où je vois qu’il a des ampoules au pied. Je lui demande : ‘Comment t’as fait pour avoir ses ampoules ?’ On regarde et on voit qu’il portait des vieilles chaussettes pourries. Il avait perdu les chaussettes de l’équipe en faisant son linge et n’en avait pas demandé une autre paire. Je lui dis : ‘Tu sais, Derrick, tu peux demander des chaussettes !’ Mais c’est comme ça qu’il a été éduqué par sa mère. Il a été bien entouré aux Atlanta Celtics (AAU Team) et au lycée d’Atlanta-Sud. Ils lui ont inculqué les valeurs de travail, d’humilité et d’ambition. » raconte Paul Hewitt, ancien coach de Georgia Tech, aujourd’hui à George Mason.
Derrick Favors n’est effectivement pas un môme qui s’impose. Plutôt attiré par Popeye que par Jack Bauer, (« les cartoons sont le seul programme télé qui me rend heureux, me calme et me détend. »), il laisse volontiers la hype à John Wall quand arrive le moment de la draft 2010.
« Je n’aime pas avoir toute cette pression sur moi. Alors donnez-lui toute l’attention, ça ne me dérange pas. Je ne veux rien de tout ça. Etre éloigné des projecteurs me va très bien. »
Contrairement à la norme basket, ses amis sont en majorité des fans d’ordinateurs – d’aucuns diraient des « geeks » – plutôt que ses coéquipiers ou les autres sportifs de la fac. Personnage atypique, Derrick Favors doit certainement cette particularité à cette enfance sans figure paternelle. Informé sur l’identité de son père, Derrick reste placide.
« Je savais qu’un jour, il se manifesterait. Je suis juste content de savoir qui il est. C’est quelque chose qui vient dans le cours de la vie, il faut le prendre comme ça. »
Le basket dans les gênes
Présenté à son fils par l’intermédiaire d’un dossier contenant des photos sous la tunique de la fac de St Louis et des coupures de journaux de l’époque, Johnnie Parker raconte avoir été un bon joueur jusqu’à ces problèmes de dos. Fils de la génération hippie (il chante depuis la Medical Marijuana ou encore Hey Joe de Jimi Hendrix dans le groupe Burnin’ Tuesday sous le pseudonyme de Nastee Waters), il arborait fièrement une énorme coupe afro, remportant un concours de dunks local, en plus d’être considéré comme le meilleur lycéen de St Louis.
« A la fac, j’ai joué contre Larry Bird quand il était à Indiana State. Je pense que je m’étais bien débrouillé en défense contre lui. Je suis presque sûr qu’il se souvient de moi. » s’enflamme même Johnnie Parker.
A revoir les box scores de l’époque, le duel était plus inégal que celui narré par Parker. 2 victoires pour Bird avec 28,5 points et 12,5 rebonds pour le futur Larry Legend contre 4,5 points et 3,5 rebonds pour Parker. Et Bird d’ajouter qu’il n’a aucun souvenir particulier de Parker… ouch !
Mais il n’en reste pas moins que son rejeton Derrick Favors a la balle orange dans les gênes. Un autre fils de Parker, aussi appelé Johnnie (bonjour l’originalité), qu’il a eu d’un mariage précédent (bonjour le coureur de jupons), a connu une petite carrière à la fac de Missouri avant de devenir pro à l’étranger. Mais ce n’est rien en comparaison du talent de Derrick.
« J’ai probablement hérité ça de lui. C’est cool de pouvoir enfin voir des photos de lui. Mais je ne suis pas pressé. Cela prendra du temps. (…) Je me déciderai à le rencontrer quand je serai prêt. Je ne sais pas quand. On verra ce que l’avenir nous dira. »
Après 18 ans d’absence, et des tentatives abruptes sur Facebook (depuis bloquées par sa mère Deandra), Johnnie Parker peut bien attendre encore un peu…