Coach depuis une cinquantaine d'années, Rick Pitino ne manque pas de recul pour apprécier l'évolution du basket. L'entraîneur de l'université de St John's a notamment un avis assez tranché sur le poste de meneur de jeu, qu'il occupait lui-même durant sa carrière NCAA de joueur. Interrogé par les médias locaux suite à un entraînement ouvert de son équipe, Pitino s'est montré catégorique : “le poste 1 est complètement mort” dans des propos rapportés par nj.com.
Surpris par le jeu proposé par sa formation, sans véritable meneur de jeu, Rick Pitino s'en est expliqué en longueur, détaillant son analyse tactique du jeu actuel. “Vous savez, et je l'ai dit à mon équipe : qui est le meneur de jeu des Knicks, des Lakers, des Celtics, ou des champions le Thunder ? Les meneurs sont complètement morts dans le basket. L'époque des John Stockton est loin derrière nous. Il n'y a plus de meneurs de jeu aujourd'hui.”
Des meneurs plus complets, moins maestro
Pitino pointe l'absence de vrais profils de meneurs “à l'ancienne”, gestionnaires et distributeurs. Un rôle plus restrictif, à rebours des profils techniques recherchés aujourd'hui où il est fréquemment demandé aux meneurs comme aux autres postes de posséder un bagage plus large (shoot, dribble, etc…). Si l'on prend les exemples cités par Pitino, le meilleur passeur des Lakers la saison passée était LeBron James avec ses 8,2 “assists” par rencontre, l'exemple-même du joueur capable de tout faire ou presque sans vrai poste unique et fixe. Jalen Brunson pointait à la huitième place du classement des passeurs (7,3 passes) avec New York, Shai Gilgeous-Alexander ne figurait pas dans le Top 10 (6,4 passes, 14e moyenne) pour Oklahoma City, Jayson Tatum était, lui, hors Top 20 (6,0 passes, 21e). De forts attaquants évidemment, mais pas des joueurs identifiés comme des chefs d'orchestre.
“Brunson est un combo guard scoreur” poursuit Pitino. “Je ne crois pas qu'il cherche vraiment la passe, mais plutôt à marquer. Et Dieu merci ! Qui est le meneur du Thunder, des Lakers ? C'est simplement un jeu différent, ce n'est pas nécessairement mieux ou pire.”
Le basket produit en NBA par rapport à la décennie 90 des John Stockton et compagnie a bien évolué, plus athlétique, rapide et porté sur le tir extérieur. Mais le plus grand nombre de possessions par match et de passes décisives collectives par match (le Jazz numéro 1 en 1995-1996, dernière saison durant laquelle Stockton fut meilleur passeur de la ligue, serait 16e en 2024-2025 avec 26,1 passes décisives) ne se traduit pas comme le souligne Pitino par des passeurs plus prolifiques individuellement. Quinze joueurs atteignent les 10 passes par rencontre la saison passée, si l'on ramène les moyennes sur 100 possessions jouées. Ils étaient 24 en 95-96, selon Basketball Reference.
Plus de grands meneurs ? St John's jouera sans le moindre poste 1 !
“Chris Paul est peut-être le dernier grand meneur” reconnaît tout de même Rick Pitino. Pour s'adapter à la nouvelle donne, le technicien n'y va pas par quatre chemins : “Nous avons compris que nous avons tellement de bons basketteurs que nous allons jouer un système sans meneur“. L'entraîneur de St John's tente l'expérience depuis la reprise de l’entraînement de son équipe, avec les recrues Ian Jackson et Dylan Darling comme “postes 1” par défaut plus que dans les faits.
“Vous devez jouer avec tout le monde qui porte le ballon, cinq joueurs autour de la ligne à 3-points et simplement créer du bon mouvement. Tout le monde touche le ballon, et tout le monde le passe. Ian va évidemment jouer en 1 ou en 2 à l'arrière en match, mais ils sont tous des pièces interchangeables. Nous jouons en mouvement permanent non pas parce que nous manquons de quelque chose. Mais parce que tout le monde est réellement doué physiquement.”
Une forme de preuve par l'absurde de la théorie de Pitino sur ce poste de meneur comme espèce en voie d'extinction.