L’image est superbe. Luke Walton se pointe dans le vestiaire des Lakers, après la courte défaite des siens face aux Rockets, le ballon du match en main. Il s’approche d’Andre Ingram et sort : « Tu étais en G League depuis combien de temps ? » Et l’intéressé de répondre sobrement : « 10 ans. » « Sacrée première soirée ! », félicite le coach avant de prendre son joueur dans les bras et de lui taper sur le torse.
En moins de 24 heures, ce joueur inconnu, qui a même reçu des chants de « MVP ! » du Staples Center, a réussi à se faire un prénom dans la galaxie NBA. Un prénom que tout le monde avait sur les lèvres à l’issue de ce match, y compris Kobe Bryant. « Je lui ai dit que j’avais entendu son histoire, raconte par exemple Chris Paul, qui s’est adressé à lui avant une entrée en jeu. Je lui ai dit ‘ Gros respect ‘. Dix ans à patienter en G League pour enfin avoir une opportunité et jouer comme, c’est assez spécial. »
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— Kobe Bryant (@kobebryant) April 11, 2018
Andre Ingram, 32 ans et les cheveux poivre et sel, a attendu ce moment pendant une décennie toute entière. Flashback. À sa sortie de ses quatre années de fac à l’American University de Washington (14 pts de moyenne), il n’est retenu par aucune franchise NBA lors de la Draft 2007. Cap sur l’étage inférieur alors, dans la D League de l’époque à Utah Flash, affilié au Jazz.
Recordman de 3-pts en G League
En 2009, on lui donne une poignée de minutes en Summer league avec la franchise NBA de Salt Lake City mais ça ne va pas plus loin. Après quatre saisons dans l’Utah, il gagne les South Bay Lakers. En 10 saisons au total passéess dans la ligue de développement, sans compter un passage par l’Australie et Perth, Ingram n’a tourne qu’à une dizaine de points. Mais il se fait remarquer par son adresse longue distance, 46% en carrière, au point de devenir le recordman du plus grand nombre de tirs à 3-pts rentrés de cette ligue (713).
« Il est probablement la personne la plus respectée de G League », note Alex Caruso, son nouveau coéquipier, lui aussi arrivé de l’étage d’en-dessous. « Il faut mettre ceci dans la perspective d’une décennie dans votre vie… J’avais alors 14 ans. Je devais être en 1re on 2nde année de high school quand Andre jouait sa première année dans cette ligue. Et maintenant, je suis son coéquipier chez les Lakers. »
Oui car il y a quelques heures, il reçoit un coup de fil sans doute inespéré depuis tant d’années : celui des Lakers, qui le signent pour la fin de la saison. Ces derniers n’ont plus rien à jouer mais comptent surtout quelques blessés (Lonzo Ball, Kyle Kuzma…) dont son homonyme Brandon Ingram. « Lorsqu’il m’a appelé, je pensais que c’était pour me dire qu’il rentrait à la maison, raconte sa femme Marilee Ingram, venue le suivre au Staples Center. Quand il m’a dit que c’étaient les Lakers, je l’ai littéralement perdu et j’ai commencé à crier ! »
You stay on the grind and at the end of your 10th year, you finally get the call.
Andre Ingram never stopped persevering and now his @NBA dream is a reality. #ThisIsWhyWePlay #LakeShow pic.twitter.com/1SZhc5SW7k
— Los Angeles Lakers (@Lakers) April 10, 2018
Quelques heures plus tard, il était sur le parquet à affronter les Rockets. Selon Basketball-Reference.com, au moment de fouler le Staples, il est devenu le plus vieux rookie américain depuis… 1964 (l’Argentin Pablo Prigioni est le recordman absolu avec ses 35 ans lors de son arrivée). Pas timide pour un sou, Ingram a saisi sa chance en claquant 19 points (6/8 dont 4/5 de loin), 3 rebonds et 3 contres !
« C’était excellent !, lâchait dans un grand sourire le héros de la soirée. Une fois qu’on a démarré l’échauffement, j’ai senti l’électricité dans la salle. C’était incroyable. La salle, les projecteurs, c’est juste une fois dans une vie. C’était fantastique. Tout le monde, tous les joueurs et entraîneurs me disaient ‘ Quand tu y es, laisse venir ! ‘ C’était fou. En voyant ce premier tir rentrer, je me suis senti bien. »
« Je VOULAIS jouer dans cette ligue, je l’ai toujours su, poursuit Ingram. Je me suis dit que la G League était la meilleure route pour y arriver. » Ça a pris du temps, mais il y est enfin jusqu’à au moins la nuit prochaine.