Si la domination actuelle de LeBron James, sur le plan physique et tactique, rappelle inévitablement celle de Shaquille O’Neal, l’ailier des Cavaliers a poussé la comparaison jusqu’à la maladresse aux lancers-francs.
Sans atteindre l’indigence du Shaq, James a fait preuve cette saison d’une maladresse chronique, qui a atteint les 67.4 % de réussite. Le plus mauvais pourcentage de sa carrière, tout simplement.
Le plus mauvais shooteur pour les fautes techniques…
Pourtant, le quadruple MVP n’est pas un mauvais shooteur de lancers-francs. Il est dans la moyenne des joueurs NBA avec un pourcentage en carrière de 74 %. Seulement, il n’a jamais dépassé les 78 % et pour un joueur aussi fin techniquement et perfectionniste, c’est assez singulier.
Une statistique illustre bien sa maladresse : depuis 1996, 104 joueurs ont shooté au moins 100 lancers-francs en réparation d’une faute technique. De tous, LeBron est le plus maladroit avec 67 % de réussite sur ces 248 tentatives.
Comment expliquer une telle inconstance dans cet exercice, pourtant si simple et si familier pour un joueur de basket ? C’est justement son inconstance dans sa routine personnelle.
Avant de tirer son lancer-franc, un joueur respecte une routine, une habitude héritée en général de son plus jeune âge, pour se concentrer, reprendre son souffle, se vider la tête. Certaines sont devenues célèbres dans l’histoire de la NBA.
18 routines différentes cette saison !
En 1993, un médecin de Long Beach, Tom Amberry, était entré dans le Guinness Book des records après avoir inscrit 2750 lancers-francs de suite. Trois années plus tard, il a rédigé 144 pages sur l’art des lancer-francs avec notamment les 7 étapes à suivre pour réussir dans cet exercice.
« Il faut perfectionner sa technique, ensuite c’est juste de la concentration. Un lancer-franc prend 6 secondes. Il ne faut penser à rien d’autre pendant ces 6 secondes. Il faut se vider de ses pensées. Chaque shoot est différent, mais c’est le même rituel », explique-t-il en 1994 à Sports Illustrated.
Quelle est la routine de LeBron James ? Il n’en a pas. Ou plutôt, il en a plusieurs. Dans un papier très instructif sur la question, ESPN en a recensées et illustrées 18 rien que pour la saison qui vient de s’écouler. 18 routines différentes en une saison ! Un changement de dribble, un pied devant l’autre, il souffle dans sa main, il se l’essuie, il se penche en avant… Un phénomène extrêmement rare.
« On peut observer un changement de routine, peut-être une ou deux fois dans une carrière. Un peu plus pour les mauvais shooteurs », estime Stan Van Gundy, le coach des Pistons.
80 % de réussite avec Ray Allen
Dès lors, il s’agit de comprendre si LeBron James est maladroit parce qu’il change de routine constamment ou change-t-il de routine constamment parce qu’il est continuellement maladroit ?
Visiblement, c’est la seconde piste qui est privilégiée puisque LeBron n’aurait aucune raison de changer une routine qui gagne. On peut aussi se demander pourquoi il ne se laisse pas plus de temps pour intégrer une routine et s’y tenir. Changer chaque semaine ou presque n’aide pas beaucoup pour gagner en régularité, donnée centrale dans un lancer-franc.
Il existe une heureuse parenthèse dans sa carrière. Pendant les playoffs 2013, il n’est pas efficace sur la ligne avec un petit 68 % sur les 6 premières rencontres. Ray Allen, l’une des plus belles et efficaces gâchettes de l’histoire aux lancers-francs, le conseille. James adopte alors la routine d’Allen : trois dribbles, quelques rotations avec la balle, les talons levés, la balle envoyée. À partir de là, il terminera avec 81 % de réussite aux lancers-francs. Pourquoi n’a-t-il pas continué comme ça ? Mystère…
Il s’est adapté à ce handicap
Si James est si maladroit que cela, pourquoi les équipes n’essaient pas de l’envoyer plus souvent sur la ligne ? Notamment en fin de match ? Parce que LeBron est un joueur intelligent et il a su s’adapter à ce relatif handicap.
En effet, dans les fins de rencontre à suspense (une minute à jouer, une possession d’écart), il ne shoote que très rarement de lancers-francs. En 2007-2008, il en avait shooté 32. En 2013-2014, seulement 21. Cette saison ? 2 ! C’était contre Boston, fin décembre 2016. Un chiffre incroyable pour un franchise player.
LeBron évite de se retrouver sur la ligne quand le match est en jeu. Dans ces mêmes conditions (une minute à jouer, une possession d’écart), il a pris 13 shoots cette saison dont 8 tirs primés. La distance moyenne de ses 13 tirs ? 6 mètres. La distance moyenne des shoots de LeBron la saison passée ? 3 mètres. Les chiffres sont là. Ils expliquent tout ou presque.
Mais pas question de penser que LeBron a peur ou qu’il a conscience qu’il peut handicaper son équipe. En playoffs, il est monté d’un cran, dans tous les domaines. Après un piteux 58 % de réussite contre Indiana, il a affiché 83 % contre Toronto et il est actuellement à 73 % contre Boston.
Faiblesse, handicap, maladresse. Les mots ont un sens quand on évoque les lancers-francs chez LeBron James. Clairement, ce n’est pas son moment favori dans une partie. Seulement, en playoffs, quand ça compte vraiment, il est capable de revenir à un niveau acceptable. Et là, le talon d’Achille disparaît.