Avec une belle griffure sur le visage, cadeau du rugueux Ed Davis, Joffrey Lauvergne a gentiment accepté de répondre à nos questions. L’intérieur du Thunder est revenu avec nous sur la série de triple double de Russell Westbrook, sa relation avec Billy Donovan ou encore sur l’été dernier à Rio, où était aussi présent son coéquipier Domantas Sabonis.
Actuellement à 6 points et 4 rebonds en 15 minutes de moyenne, l’ancien Nugget s’est parfaitement intégré dans la rotation d’Oklahoma City. Mais le vaillant tricolore en veut encore plus !
Joffrey, vous en êtes à 15-10 maintenant, après cette défaite à Portland. Sachant d’où vous venez après l’intersaison, êtes-vous satisfait de ce bilan aujourd’hui ?
« On aimerait forcément faire mieux. Mais il y a eu pas mal de matchs qui se sont joués sur une possession. On en a perdu certains, on en a gagné d’autres. On aurait certainement pu faire mieux mais on fait notre maximum. »
Russell Westbrook vient d’en terminer avec sa série de triple double d’affilée…
« C’est terminé, on ne sait pas, [il va sûrement en refaire]. On verra le prochain [rires]… Non, mais c’est assez incroyable le niveau de jeu auquel il évolue depuis le début de l’année. C’est fou parce que ça a l’air facile quand on le voit jouer. On ne s’en rend pas compte et quand on regarde le tableau d’affichage, il en est à 18, 8 et 8. Et il reste un quart temps et demi. Tu te dis merde… »
Le problème, c’est que le Thunder est très dépendant de lui au final.
« Tant qu’on gagne, ça va. C’est la manière dont on joue, donc il y n’a pas de problème avec ça. »
On vous a vu discuter, quelle est votre relation avec lui sur le terrain ?
« Il est cool. J’aime bien jouer avec lui. Malgré tout ce que les gens peuvent dire sur lui, qu’il porte l’équipe à lui seul et ce genre de choses, c’est un bon gars. Malheureusement pour moi, je joue la plupart du temps avec le deuxième cinq, donc je ne joue pas souvent avec lui. J’aimerais jouer plus mais c’est comme ça pour le moment. Quand tu joues avec lui, ça devient facile parce que tout le monde va sur lui. Des fois, tu as des paniers tout seul parce que tu coupes ou quand tu es sous le cercle. Parfois, à trois points aussi parce que les défenses se concentrent tellement sur lui. Il rend le jeu facile pour ses coéquipiers. »
Vous étiez également à l’intronisation de Westbrook au Hall of Fame d’Oklahoma City, avec Michael Jordan. Avez-vous pu rencontrer la superstar ?
« Non. On n’a pas fait de photo avec Jordan [rires]. Lui, il était à la table de Russ, et nous, on était à notre table. Il a ensuite fait son discours et nous, on est parti. Eux sont restés encore un peu plus longtemps parce qu’ils étaient au premier rang. Mais non, on ne l’a pas vu. La seule fois où j’ai rencontré Jordan, c’était au Jordan Brand Classic à Paris. On l’a vu parler oui. Et c’était marrant parce que j’étais venu en faisant comme si je ne savais pas qui était Jordan, ce qu’il a fait avant, etc. Pour voir la manière dont il parle et capte l’attention des gens. Et ce qui est ressorti, c’est que Jordan, peu importe de quoi il parle, il capte l’attention. Certains t’endorment quand ils parlent mais pas Jordan. Sa manière de parler, sa gestuelle. Il a énormément de charisme. »
Comme Stephen Curry, votre papa était pro avant vous. Avez-vous eu, vous aussi, l’occasion de shooter pendant les échauffements des pros, de faire des petits un-contre-un avec des joueurs pros quand vous étiez gamin ?
« Un petit peu, à Clermont, à la fin de la carrière de mon père. Je devais avoir dix, douze ans et je commençais à jouer pour rigoler. Je me souviens avec Dounia Issa, Demba Mbengue, Régis Racine, David Mélody… C’était une période sympa avec Axel [Toupane], on allait voir les entraînements. »
Pour en revenir au Thunder, vous avez un secteur intérieur complètement international avec un néo-zélandais (Adams), un Turc (Kanter), un Lituanien (Sabonis) et donc un Frenchy, comment ça se passe entre vous ?
« C’est plutôt cool de jouer avec des joueurs internationaux. Je ne sais pas si c’est un plus car je considère que les bons joueurs sont les bons joueurs, peu importe d’où ils viennent. Mais dans notre équipe, c’est plutôt bien d’avoir ça. Ça fonctionne bien dans ce qu’on veut faire [avec OKC]. C’est assez rare d’avoir quatre intérieurs qui ne soient pas américains. Même si les trois autres ont tout de même fait leur cursus aux Etats-Unis. »
Avec qui êtes-vous le plus proche ?
« Ils sont tous très sympas. Mais je dirai plutôt Domas. Avec lui, on a vécu un truc assez particulier cet été. On a cru qu’on allait se faire tuer dans un bus à Rio. À la fin de la cérémonie d’ouverture, on se retrouve ensemble dans le même bus. Il y avait aussi le joueur de New York [Mindaugas Kuzminskas]. On quitte le stade olympique et on est dans le même bus. La voie avait été dégagée pour qu’on rentre normalement en une demie-heure. On est tombé sur un chauffeur incroyable. Le gars est sorti de la voie tracée par l’organisation et on s’est retrouvé dans les embouteillages. D’entrée, je trouvais ça bizarre. Et puis, il a fait une boucle. On est passé une deuxième fois au même endroit. Je me suis dit, c’est pas possible, il s’est trompé ! Il savait pas où on allait, il n’avait pas de GPS. Au lieu de mettre une demie-heure, on a mis deux heures et demi à rentrer. Un mec s’est endormi sur l’épaule de Kuzminskas, c’était incroyable ce retour au village olympique.
Vous étiez le seul français dans ce bus maudit ?
« J’étais avec Thomas [Heurtel]. On avait prévu de rentrer tôt parce qu’on jouait le lendemain. Le mec s’est perdu. On est arrivé au village olympique, les gens commençaient à nous chercher, ils se demandaient où était passé ce bus. On est arrivé une heure et demi après le dernier bus… alors qu’on était parti parmi les premiers ! »
Votre temps de jeu oscille pas mal. Est-ce un paramètre auquel vous vous attendiez ? N’est-ce pas difficile à gérer ?
« Je ne m’y attendais pas. Je vais me battre et je vais faire ce qu’il faut pour que ça soit plus constant. »
Quelle est votre relation avec le coach, Billy Donovan ?
« Ça se passe bien. Les deux coachs avec lesquels j’ai travaillé aux Etats-Unis [il oublie Brian Shaw et Melvin Hunt lors de sa première saison à Denver], j’ai eu un bon feeling. Que ce soit Mike Malone ou Billy, je m’entends bien avec eux. J’aime bien la manière dont on s’entraîne. C’est sérieux. On peut discuter avec lui. Je fais en sorte de faire ce qui faut pour que [mon temps de jeu] devienne plus constant. J’ai fait des matchs où j’ai bien joué. Les retours que j’ai, c’est qu’ils sont plutôt très contents de ce que je fais. »
Rudy Gobert et Evan Fournier, qui sont de votre génération, ont signé des gros contrats récemment, est-ce que ça vous titille aussi ? Avez-vous certains regrets dans vos choix de carrière ?
« Chacun a ses opportunités et le plus important, c’est de savoir les concrétiser. Moi, je pars peut-être d’un petit peu plus loin. Si on m’avait dit en partant de Chalon que ça se passerait comme ça… Je suis très fier de ce que j’ai fait pour le moment dans ma carrière. Et j’espère que je vais continuer de l’être. Le plus important pour moi, c’est de savoir que j’ai fait tout ce que je pouvais et que je me suis comporté d’une manière dont je peux être fier. »
Vous avez un PER (Player Efficiency Rating) de 13.8, soit le deuxième meilleur en sortie de banc derrière Enes Kanter. Et un meilleur chiffre que Victor Oladipo, Anthony Morrow ou encore Jerami Grant, n’est-ce pas frustrant de ne pas jouer quand on est tout de même productif ?
« Je ne me cache pas. Je ne cache pas mes objectifs. Les coachs le savent aussi. Je suis pas quelqu’un qui va mettre une mauvaise ambiance, qui va être négatif. Mais mon boulot de basketteur professionnel, c’est de donner le meilleur de moi-même et d’espérer que ça se passe de mieux en mieux. J’espère jouer de plus en plus. J’essaye toujours de faire le maximum sur les choses que je contrôle. Et je suis assez content de ce que j’ai fait depuis le début de saison. Le PER, oui, c’est bien mais en NBA, il y a tellement de stats. On peut toujours trouver quelque chose. Qui se gratte le nez avant de shooter aux lancers… Comment la défense change quand tu es sur le terrain ou pas… Moi, tout ça, je ne regarde pas trop. Je fais ce que je peux sur le terrain, et après, on avise. »
Propos recueillis à Portland