Sous des applaudissements nourris, Nicolas Batum est revenu à Portland cette nuit. L’ailier tricolore a bien fini à 18 points, 8 rebonds et 6 passes mais son équipe de Charlotte a sombré corps et âme en deuxième mi-temps.
Pour son retour là où sa carrière NBA a commencé, Batman a accepté de faire le point sur sa deuxième campagne avec les Hornets, la mauvaise passe actuelle de son équipe ou encore l’Equipe de France et son successeur possible, le rookie Timothé Luwawu-Cabarrot.
« C’est la période la plus compliquée de la saison »
Nicolas, on a vu pas mal de maillots floqués du 88 ce soir, et beaucoup d’applaudissements pour votre présentation. Est-ce que c’est toujours particulier de revenir ici, au Moda Center de Portland pour vous ?
« Ça fait plaisir. J’ai eu beaucoup de bons moments ici. C’est l’équipe qui m’a drafté. Je suis arrivé ici directement en venant du Mans. J’avais 19 ans, j’étais un petit jeune homme. J’ai quand même passé une bonne partie de ma vie ici. C’est toujours particulier quand je reviens là. Ça fait plaisir d’avoir cette ovation à la présentation, les fans ici auront toujours une place particulière pour moi. »
Comment ça va physiquement alors que vous avez un match dès demain face aux Warriors, puis encore un autre à Salt Lake City ?
« C’est la période difficile là, on en est aux alentours des cinquante matchs. On est dans une de ces sales périodes où ça commence à tirer sur les corps. On est tous dans le même bateau, il n’y a pas que moi. On est tous au même niveau mais c’est vrai qu’en ce moment, c’est la période la plus compliquée de la saison. »
Vous restez sur 10 défaites sur vos 13 derniers matchs, n’est-ce pas difficile de garder le moral quand ça ne va pas collectivement ?
« Il faut garder la tête haute. Il y a toujours des moments où c’est difficile dans une saison. C’est là justement où les bonnes équipes vont se souder et vont réussir à ce que ces périodes ne durent pas trop longtemps. Il faut qu’on en sorte ! »
D’autant que vos deux dernières défaites étaient de 3 petits points…
« Ce soir, c’est vraiment la première déculottée qu’on prend ! Tous les matchs qu’on perd en ce moment, c’est quasiment à chaque fois de moins de cinq points. »
Qu’est-ce qui vous manque pour passer le cap ?
« Je ne sais pas ce qui nous manque en ce moment. On a peut-être un manque… Non, je ne sais pas ! Franchement, c’est dur à voir parce qu’on a les mêmes joueurs et on avait bien commencé [la saison]. On a battu des grosses équipes, il y a encore pas longtemps. Il faut qu’on y croie à nouveau. On doit y croire et ça va aller. »
C’est votre deuxième saison au sein des Hornets, au sein du système de Steve Clifford. Dans quels domaines vous sentez-vous plus à l’aise ?
« Je suis plus à l’aise. Je connais mieux les joueurs, je connais mieux l’organisation, je connais mieux la ville. Ça change pas mal de choses. Je suis bien intégré maintenant en Caroline du Nord. »
Votre relation sur le terrain avec Marco Belinelli est assez intéressante. Vous vous trouvez très bien sur les coupes et les backdoors, est-ce quelque chose qui est venu rapidement entre vous ?
« Ça s’est fait naturellement sur le terrain en fait. On n’a même pas bossé ça à l’entraînement. On l’a fait en match directement. C’est une connexion qu’on a eue. Il sait très bien que, quand moi je drive ou que je suis sur le pick & roll, je cherche la passe tout de suite. Donc lui, comme c’est un shooteur qu’on surveille de près, il est assez intelligent pour sentir ces coupes. Il est très fort là-dessus. »
« Je suis arrivé à une certaine maturité dans mon jeu »
En préparant l’interview, j’ai noté que vous jouiez davantage à Portland (sur deux saisons entre 2012 et 2014) qu’à Charlotte. Votre temps de jeu s’est stabilisé depuis Charlotte et vous êtes plus productifs sur ce temps de jeu moindre. Comment évaluez-vous cette évolution de votre carrière ?
« Je suis arrivé à une certaine maturité dans mon jeu. Voilà, j’ai 28 ans. C’est ma neuvième saison en NBA, donc maintenant, j’ai bien cerné les caractéristiques de mon jeu. Je sais quoi faire et quand le faire. Je sais quel est mon rôle, je sais quel joueur je suis. Et c’est une routine que j’ai maintenant, j’ai ces automatismes dans mon jeu, et ça me permet de savoir quoi et quand produire. »
Et puis, il y a là-dedans la notion que vous évoluez dans un système de jeu qui vous convient…
« Oui, aussi ! [L’inconstance] était un peu mon défaut lors de mes premières années. On peut encore me le ressortir aujourd’hui mais je suis de plus en plus régulier quand même sur mes performances. Sur mes stats aussi. Je suis toujours autour des 15 [points], 7 [rebonds], 6 [passes] en moyenne et je ne suis en général jamais trop loin de ça. »
Frank Vogel a récemment déclaré que vous étiez un des joueurs les plus sous-estimés de la NBA, est-ce que vous l’avez vu ?
« Non, je ne savais pas. »
Quelle est votre réaction ?
« Ça a toujours été un peu comme ça de toute façon. Je n’ai jamais vraiment été dans la lumière. Quand j’étais ici par exemple, mes chiffres étaient toujours à peu près les mêmes parce qu’il y avait deux gros All Stars devant moi. Mes chiffres étaient comme ça. Maintenant, je suis encore dans un petit marché et on ne fait pas forcément beaucoup attention à moi. Je fais mon boulot, c’est tout. Je fais ce que j’ai à faire. »
On sait que vous êtes proches de Kemba Walker et Marvin Williams, avec ce noyau dur (plus Cody Zeller) de quatre joueurs prolongés récemment. Comment vit ce vestiaire ?
« En ce moment, c’est un peu dur, je ne le cache pas ! Kemba et Marvin sont très vocaux. Ils continuent de parler et d’encourager les gars. C’est une période difficile mais on en a tous connues. Et on va s’en sortir. »
Kemba Walker a enfin été nommé All Star, est-ce qu’il y a eu du champagne ? Une petite célébration car c’est amplement mérité !
« Non [rires]. On jouait le lendemain, on était à New York. On a vu ça à la télé et on est tous parti le féliciter dans sa chambre. Lui, il voulait surtout pas qu’on lui dise. Il voulait absolument pas qu’on lui dise, même si on le savait avant. Il voulait l’apprendre par surprise, en regardant la télé. Je crois même qu’il avait coupé ses téléphones, il s’était complètement déconnecté. Il a appris ça à la télé. Quand on l’a su, on est tous allé dans sa chambre. »
« Luwawu-Cabarrot a ce truc en plus : il joue avec son cerveau »
Vous avez récemment joué contre Philly et Timothé Luwawu-Cabarrot, le petit dernier de la « French connection ». Déjà, le connaissiez-vous avant la NBA ?
« Pas vraiment. Je l’avais croisé une fois quand il était cadet à Antibes. Ça remonte. »
Qu’avez-vous vu pour ses premiers pas en NBA ? Avez-vous pu le regarder jouer ?
« Oui, je regarde un peu. Il a joué un peu contre nous récemment. Je lui avais dit au début novembre, quand on l’avait joué la première fois, qu’il a ce truc en plus [il pointe sa tête]. Il joue avec son cerveau et ça, ça va l’aider à l’avenir. Il a le basket et les qualités physiques pour s’imposer mais il a aussi le cerveau parce qu’il a appris le jeu pro en Europe. Et ça, moi, c’est ce qui m’a servi quand je suis arrivé ici. Et c’est ce qu’est en train de le servir lui maintenant. Surtout avec un coach comme Brett Brown, l’ancien coach de l’Australie, un coach FIBA qui connait bien ce jeu-là. Et honnêtement, ça ne me surprendrait pas qu’il soit titulaire la saison prochaine. Il s’adapte super bien. Quand [Ben] Simmons va revenir, je le vois bien dans le cinq sur le poste 2, autour de toutes les stars qu’ils auront. Ça peut être un bon fit. »
Vous le voyez comme un poste 2 pur du coup ? Je voulais vous proposer l’optique où il serait une sorte d’héritier pour vous au poste d’ailier plutôt…
« Je le vois en arrière. On peut dire ça [qu’on a les mêmes qualités naturelles sur le jeu rapide et en défense, ndlr]. C’est la suite, c’est clair. Avec d’autres joueurs des générations après 98, mais oui, lui, c’est la suite. »
Avez-vous déjà décidé d’une date butoir pour vous décider sur votre participation à l’Euro ?
« Non. Je dis ça pour l’instant mais je ne sais pas. Parce qu’on est en pleine saison NBA donc c’est vraiment compliqué de se projeter sur les étés. Moi, depuis que je suis en NBA, je n’ai pas loupé un seul été. Donc, qu’on ne commence pas à me dire que je suis un lâche ou un déserteur sachant que ça fait 9 ans et que j’ai fait 8 ans d’Equipe de France. J’ai quand même pas mal donné. Plus les jeunes… »
A ce propos, est-ce que le All Star Break est quelque chose que vous attendez avec impatience ?
« Pas avec impatience mais c’est un truc dont on a besoin, oui c’est sûr. On en a besoin pour reposer les corps. »
Et mentalement, on imagine aussi. Surtout qu’il est désormais plus long ce break…
« C’est vrai qu’un ou deux jours en plus, c’est pas négligeable. Je les prends. »
Propos recueillis à Portland