Après deux ans de NBA, le pivot de Portland n’est toujours pas la terreur annoncée par les habitués du campus de Columbus. Une saison blanche a contrarié son ascension et son apport offensif reste anecdotique.

Oden peut-il rattraper le temps perdu ?

Finaliste NBA pour sa cinquième saison dans la Ligue, Dwight Howard a incontestablement pris de l’avance sur la nouvelle génération de pivots NBA. On ne peut plus décemment considérer Emeka Okafor, retenu derrière lui lors de la draft 2004, comme un concurrent crédible. Greg Oden et Andrew Bynum, retardés par les blessures, s’adaptent gentiment.

« Ne comparez pas Bynum et Oden à la référence moderne, Shaquille O’Neal, prévient Brian Hill qui coachait Orlando pour les débuts du « Diesel » dans la Ligue. Lorsqu’il est arrivé en NBA, Shaquille possédait déjà le bagage complet du pivot. Il avait le corps, la vitesse et la puissance. Les pivots que vous citez n’offrent pas cette combinaison. »

Il est évident que le petit jeu des comparaisons ne facilite pas la tâche des successeurs. Donnie Walsh, le président des Knicks, est-il sérieux quand il voit en eux les petits-fils de Bill Russell et Wilt Chamberlain ?

« C’est peut-être trop mais ce que je veux dire par là, c’est qu’ils vont changer le paysage de la Ligue. Bynum et Oden sont deux super athlètes. Si vous voulez avoir une chance de gagner le titre dans les prochaines années, vous avez intérêt à avoir l’un des deux dans votre équipe. »

Pas de big man, pas de bague

Le jeu a évolué vers un rythme up-tempo qui fait le bonheur d’arrières et d’ailiers à la fois athlétiques, véloces et explosifs comme Kobe Bryant, Dwyane Wade et LeBron James. Dans la NBA d’aujourd’hui, les pivots ne font plus la différence seuls. Mais tout franchise player qui aime jouer small ball expliquera qu’il a besoin d’un grand pour gagner une bague. Les Bulls de Michael Jordan constituaient l’exception. Depuis, chaque champion a joué des coudes sous le cercle. Les Spurs avec Duncan en pivot, les Lakers du Shaq, le Heat de Shaq et Mourning, les Pistons de Ben Wallace… En l’état, que peut-on demander à Greg Oden ? Le pivot des Trail Blazers disputait seulement sa saison rookie l’an dernier, lesté d’un statut de future superstar. Après une année passée à se reconstruire un genou droit et une entorse pour se mettre dans le grand bain, l’ancien top défenseur d’Ohio State a trouvé peu à peu ses marques. Il a su ajuster son jeu en commettant moins de fautes naïves qu’à ses débuts. Bien sûr, ses stats (8.9 pts, 7 rbds, 1.1 ct) reflètent davantage un impact défensif qu’une présence réelle en attaque. Mais il a le temps de progresser dans ce secteur, d’autres à Portland se chargeant d’assurer le scoring.

« J’ai dû attendre tellement de temps pour fouler un parquet NBA que ma motivation est décuplée. Je n’avais rien fait que déjà, tout le monde se focalisait sur moi. Je me considère comme un jeune qui débute et qui apprend. C’est vrai, je pensais faire un peu mieux, être plus consistant. J’espère que ça viendra. A moi de ne pas faire deux bons matches puis d’en enchaîner trois mauvais. Je travaille pour être davantage régulier », ajoutait Greg Oden du haut de ses 2,13 m et 129 kg.

Roy : « Oden a plus de pression que moi »

Oden s’en sort honorablement avec son block par match et ses 56.4% de réussite. Nate McMillan a, semble-t-il, trouvé les mots pour rassurer son poulain.

« S’il ne commet pas d’erreurs durant sa première saison, il n’en commettra jamais… Je lui ai dit que le monde ne reposait pas sur ses épaules. Il doit évacuer la pression et se concentrer sur son jeu, sans avoir peur de décevoir les attentes. Il doit oublier tout le brouhaha médiatique fait autour de lui. Qu’il se place en low post et il marquera des points. Il a non seulement du temps pour s’imposer en NBA mais aussi toute notre confiance. »

On rappelle fréquemment à Oden que peu de pivots ont réussi des débuts fracassants en NBA. Brandon Roy le soutient à sa façon.

« Lors des échauffements, j’essaie de l’aider à se décontracter. Il a encore plus de pression que moi qui compte trois années de NBA… »

Evidemment, ses pépins physiques inquiètent. A Portland, personne n’a oublié – comment pourrait-il en être autrement ? – Sam Bowie, drafté n°2 en 1984 devant Michael Jordan et dont la carrière a été brisée par une blessure au genou. Ce retard à l’allumage a incontestablement plombé tous les plans, notamment marketing, élaborés autour du géant de l’Oregon. Il faut rappeler qu’à la fac, l’intérieur surpuissant d’Ohio State, présenté comme le nouveau David Robinson, faisait fantasmer tous les scouts NBA. On n’avait pas vu pareille hype depuis LeBron James en 2003. A l’époque, LeBron revient souvent dans la discussion en essuyant de gentilles plaisanteries relatives à son âge. Il a 22 ans mais en paraît huit de plus. Sur le campus de Columbus, dans l’Ohio, on chambre volontiers le pivot surpuissant des Buckeyes sur le sien (19 ans). Avec sa bouille fripée à la Antonio McDyess, Oden semble approcher de la quarantaine. Aussi les habitués de la fac présentent-ils l’Hercule des parquets NCAA comme le papa de James… Il boucle sa première et (dernière) saison au college avec une moyenne de 15.5 points, 9.7 rebonds et 3.5 contres.

« Le prochain porte-parole de la NBA »

Doté d’une physique plutôt intimidant, Oden s’impose naturellement comme la terreur des parquets dans un vivier de basketteurs réputés tendres. Greg le presque millionnaire est une vraie bête de raquette. Un épouvantail dissuasif qui fait le ménage aux rebonds, défend comme un forcené, contre comme un malade et dunke comme Shaquille O’Neal.

« Un joueur comme lui, on en voit un par décennie », s’enflamme le toujours lucide Steve Kerr.

« C’est un Bill Russell de 7 pieds, surenchérit Bruce Pearl, l’entraîneur de Tennessee. J’ai grandi à Boston et j’ai vibré pour les Celtics de la grande époque. Autrement dit, je pèse mes mots. Greg Oden a une chance de devenir l’un des meilleurs pivots défensifs de tous les temps en NBA. »

« Il a le sens du contre, explique un dirigeant de la Ligue. Il n’a pas encore un véritable move mais si vous voulez arrêter des phénomènes en pénétration comme LeBron James ou Dwyane Wade, c’est le type idéal. »

Toujours pas de véritable move deux ans plus tard… Pour devenir un joueur d’impact en NBA, le natif de Buffalo devra sacrément progresser en attaque. On le comparait autrefois à Tim Duncan mais il n’en possède ni les fondamentaux, ni le jeu dos au panier. Sa panoplie de moves est limitée et il perd facilement ses moyens face au cercle. Par chance, Oden est un « nice guy ». Un mec bien, d’un naturel très calme, avec la tête sur les épaules. Et surtout un monstre d’humilité. Les honneurs, la hype, les comparaisons flatteuses n’ont pas eu raison de sa fraîcheur ni de sa candeur.

« C’est le prochain porte-parole du basket US, assurait-on sur le campus de Columbus. Il a plus de personnalité que Dwyane Wade, il a un meilleur relationnel que Kobe Bryant et il est plus abordable que LeBron James. Les marques de chaussures vont se l’arracher. »

Après deux ans de NBA, dont une saison blanche, le destin a en décidé autrement. Etait-ce écrit d’avance ?

« Il y avait un point négatif dès le départ, à savoir qu’il joue pivot, analyse Sonny Vaccaro, un scout et consultant marketing qui a travaillé pour Nike, Adidas et Reebok. Les firmes hésitent à choisir des intérieurs comme représentants. Mais ce qui est sûr, c’est que Greg est le joueur le plus sympathique et le plus sociable que j’ai rencontré au fil des années. »

A lui de laisser une trace dans la Ligue, d’une façon ou d’une autre.

Mix 2008/09