« Certains shoots que je prends aujourd’hui, je n’aurais même rêvé de les prendre un jour, la première fois où j’ai enfilé le costume du Heat. Je me serais dit : « Mais qui je suis pour prendre ce tir ? » Un gars non drafté qui tournait à 9 points par match dans son année senior à la fac (…). Je n’étais même pas un bon joueur au lycée et je n’ai jamais eu un système de dessiné pour moi à la fac… jamais ».
Tous les grands shooteurs le diront, l’élément majeur de leur réussite tient dans la confiance qu’ils peuvent avoir en eux et en leur capacité à inscrire tous les paniers tentés. Avec ses statistiques ahurissantes à 3-points, Duncan Robinson s’est fait une place parmi les snipers les plus impressionnants. Pourtant, on ne peut pas dire qu’il dégage une exceptionnelle confiance en lui depuis son arrivée en NBA, comme le rappelle cette étrange déclaration.
Avant lui, seuls cinq joueurs passés par la troisième division de la NCAA au cours de leur cursus universitaire avaient réussi à se frayer un chemin jusqu’en NBA. Le parcours de Duncan Robinson a donc été long et sinueux. Il aurait pu basculer à de nombreuses reprises, comme le souligne l’intéressé en toute lucidité.
« J’aurais signé pour jouer dans un club de D2 en Lituanie pour 1 200 dollars par mois. Ça aurait été une lutte, mais je suis sûr que j’aurais adoré et que je n’aurais pas regretté une seconde ».
Mais Duncan Robinson a eu le mérite d’accrocher, comme lorsqu’il a répondu à l’appel de Michigan, devenant ainsi le premier joueur de l’histoire à passer de la D3 à la D1 en NCAA. Cette capacité à se relever après chaque coup dur, chaque désillusion, pour mieux repartir. Jusqu’à cet entraînement pré-draft qui a tout changé, au printemps 2018.
« Je le connaissais bien parce que j’avais suivi Michigan durant le tournoi. Mais je vais être honnête, je ne pensais pas qu’il était assez bon », se remémore Erik Spoelstra.
Le parcours du combattant
Au moment de trouver un agent, Duncan Robinson a fait face à la même réticence, se rabattant sur un certain Jason Glushon, spécialiste des championnats étrangers.
Ce dernier a tout de même réussi à mettre en place un workout devant une poignée de franchises NBA, en poussant Duncan Robinson dans le rouge au niveau physique puis en le forçant à prendre des tirs en mouvement. Il faut croire que le shooteur s’en est bien sorti puisque le scout du Heat, Chet Kammerer, a appelé coach Spoelstra dans la foulée pour lui dire qu’il venait d’assister à l’une des meilleures performances au tir qui lui ait été donné de voir dans sa carrière. « Chet a tellement insisté sur ce point que je l’ai cru sur parole », ajoute Erik Spoelstra.
La veille de la Draft 2018, le coach du Heat a donc appelé Duncan Robinson pour l’informer qu’il aimerait l’inscrire dans son équipe de Summer League, s’il venait à ne pas être drafté. Les Lakers lui avaient fait la même proposition. Duncan Robinson n’a pas été drafté et a fini par choisir le Heat pour sa réputation de post-formation et de développement chez les joueurs de son profil, qui n’ont pas eu un parcours tout tracé jusqu’à la Draft.
C’est sans doute ce choix, celui de rejoindre le Heat et le staff d’Erik Spoelstra, qui a été déterminant dans la suite de sa carrière, même si, là encore, il a fallu du temps à Duncan Robinson pour se convaincre qu’il était à sa place, malgré ses premières apparitions en NBA (15 matchs disputés en 2018-2019 avec le Heat dont une titularisation).
Mais c’est donc l’été dernier qu’Erik Spoelstra a décidé de prendre le problème à bras-le-corps en lui annonçant qu’il allait démarrer aux côtés de Jimmy Butler sur les ailes ! Mais avant ça, le coach floridien savait qu’il fallait le débarrasser de ses démons, ce que lui seul semblait en mesure de faire.
« Il sortait d’une ligue d’été très réussie avec nous à nouveau » poursuit l’entraîneur. « Il avait battu tous nos records de tir, et il avait toujours du mal à avoir confiance en lui et à se sentir à sa place. Vous ne pouvez pas avoir ce genre d’encombrement quand vous êtes là pour être un sniper. Vous devez avoir l’esprit clair ».
Durant le « training camp », le coach de Miami s’est présenté avec les highlights de deux matchs de G-League où Duncan Robinson avait inscrit 10 paniers à 3-points à 48% de réussite. L’objectif d’Erik Spoelstra ? « Démontrer tout ce qu’il avait déjà fait à un niveau mondial en tant que shooteur ». Il lui a ensuite demandé combien de preuves supplémentaires il lui fallait pour croire enfin en ses capacités.
Les mêmes doutes qu’Erik Spoelstra lorsqu’il a pris les rênes du Heat
Face à l’incompréhension de son disciple, Erik Spoelstra lui a alors parlé du « syndrome de l’imposteur », le coach du Heat ayant traversé les mêmes interrogations lorsqu’il est arrivé en NBA, lui l’ancien analyste vidéo propulsé « head coach » des Three Amigos en un claquement de doigts.
« Je lui ai dit : je ne sais pas si tu en as entendu parler. Je l’ai vécu. Mes premières années, probablement pendant deux ou trois ans, en tant que coach principal, j’ai vraiment lutté avec ça. Je ne me sentais pas prêt et je ne me sentais pas forcément à ma place ».
C’est ainsi que Duncan Robinson a eu le déclic, en s’appuyant sur son parcours, qui l’avait tout de même mené jusqu’au roster du Heat, l’histoire d’Erik Spoelstra et sa volonté de le voir franchir ce cap. En cours de saison, le coup de grâce du coach a été de concocter un nouveau clip mettant en lumière la timidité dont souffrait encore Duncan Robinson lorsqu’il était sur le parquet, et à quel point ça pouvait coûter au Heat.
« L’année dernière, il refusait des tirs, du genre : « Ai-je le droit de prendre ce tir ? Est ce que ce ballon doit aller à Dwyane (Wade) ? On a dû lui apprendre que la question n’était pas le nombre de tirs qu’il prenait. Mais la façon dont il devait aller les chercher, à chasser ses tentatives », confie le coach. « Je lui ai beaucoup crié dessus parce qu’il refusait des tirs. Et « Quinnie » (Chris Quinn, en charge du développement des joueurs) était impitoyable. Il le descendait s’il refusait un tir ouvert. « Tu as peur ? Qu’est ce que tu fais ? Tu n’es pas là pour poser des écrans ou pour faire des passes’. »
Le résultat ? 270 paniers à 3-points inscrits en saison régulière à un taux de réussite irréel de 44.6% ! À titre de comparaison, Steph Curry, peut-être le meilleur shooteur de l’histoire de ce jeu, avait dû attendre sa quatrième saison en NBA pour atteindre de tels standards.
La force de Duncan Robinson depuis tout ce temps a été sa capacité à assumer de grosses charges de travail et même à en redemander. Son éthique de travail lui a permis de toujours se relever et de continuer à progresser. Jusqu’à ce qu’il développe cette confiance qui fait aujourd’hui l’une des forces du Heat en attaque.
« Nous avons tout de suite vu un dynamisme et un professionnalisme incroyables », reconnait Chris Quinn. « Quelqu’un qui va cocher toutes les cases pour être le meilleur possible. S’il devait faire des tirs supplémentaires, travailler davantage sa défense, manger correctement, dormir correctement, il allait le faire ».
Devenu un « chasseur » hors-pair
Duncan Robinson semble apprécier d’être poussé dans ses derniers retranchements à l’entraînement. Il est donc bien tombé au Heat, réputé pour sa « culture » de l’effort. « Il m’entraîne durement, et j’aime ça. C’est une partie de ce qui me pousse et qui me permet de donner le meilleur de moi-même », souligne-t-il.
Même si l’équilibre est encore fragile et qu’il lui arrive parfois de passer à côté ou de retrouver quelques-uns de ses mauvais réflexes, Duncan Robinson est devenu un tout autre joueur, un vrai joueur NBA, un chasseur de spots hors-pair et un shooteur qui restera dans l’histoire de la franchise, voire plus.
« Offensivement, le seul moment où le coach me crie dessus, c’est quand je ne tire pas. C’est mon travail de prendre des tirs. Le grand changement, c’est que je comprends que c’est mon job en fait, de les prendre ».
Discret lors des deux derniers matchs, face à Indiana puis dans le Game 1 contre Milwaukee (2/11 en cumulé derrière l’arc), Duncan Robinson peut aussi compter sur le soutien de ses coéquipiers pour le mettre en confiance et lui rappeler son importance dans leur dispositif. Bam Adebayo avait récemment souligné que le shooteur passait rarement au-delà de deux matchs sans briller. Confirmation ce soir pour le Game 2 face aux Bucks ?
Duncan Robinson | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2018-19 | MIA | 15 | 11 | 39.1 | 28.6 | 66.7 | 0.1 | 1.1 | 1.3 | 0.3 | 0.7 | 0.3 | 0.3 | 0.0 | 3.3 |
2019-20 | MIA | 73 | 30 | 47.0 | 44.6 | 93.1 | 0.1 | 3.0 | 3.2 | 1.4 | 2.6 | 0.5 | 1.0 | 0.3 | 13.5 |
2020-21 | MIA | 72 | 31 | 43.9 | 40.8 | 82.7 | 0.1 | 3.4 | 3.5 | 1.8 | 2.5 | 0.6 | 1.1 | 0.3 | 13.1 |
2021-22 | MIA | 79 | 26 | 39.9 | 37.2 | 83.6 | 0.3 | 2.3 | 2.6 | 1.6 | 2.5 | 0.5 | 0.8 | 0.2 | 10.9 |
2022-23 | MIA | 42 | 17 | 37.1 | 32.8 | 90.6 | 0.2 | 1.5 | 1.6 | 1.1 | 1.8 | 0.3 | 0.7 | 0.0 | 6.4 |
2023-24 | MIA | 68 | 28 | 45.0 | 39.5 | 88.9 | 0.2 | 2.3 | 2.5 | 2.8 | 2.4 | 0.7 | 1.4 | 0.2 | 12.9 |
2024-25 | MIA | 74 | 24 | 43.7 | 39.3 | 88.7 | 0.2 | 2.0 | 2.3 | 2.4 | 1.8 | 0.5 | 1.2 | 0.1 | 11.0 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.