Interview de Phil Jackson dans l’Equipe Magazine : extraits

Notre confrère Jérôme Cazadieu a réalisé, dans l’Equipe Magazine du 24 Octobre, une interview exclusive de Phil Jackson l’homme aux dix titres NBA.

Un entretien où il est question de bouddhisme, de respect ou encore de littérature  qui nous  plonge dans une autre dimension du basket. En voici les meilleurs extraits.

Maitre Zen, « le philosophe » ou « le psychologue » ?

Tous me vont bien sauf, peut-être « Zen master ». Il n’y a pas de maître dans le zen, disons plutôt zen. Philosophe ? Pas de doute. Quant à psychologue, évidement, tous les coaches usent de la psychologie pour diriger leurs hommes.

Gérer les égos

C’est une question d’équilibre. Nous passons notre temps à enseigner à nos joueurs la meilleure manière de jouer ensemble. Or ils n’ont pas tous le même talent. Vous avez des joueurs, qui par la passe et le shoot, savent faire avancer leur équipe. Et d’autres qui aimeraient le faire, mais n’en sont pas capables. Plutôt que des laisser tomber dans une certaine forme de mépris pour eux-mêmes, il faut leur enseigner à devenir un rouage de l’équipe, un « role player ».

Des inspirations bouddhistes

Les chrétiens parlent d’amour là où les bouddhistes évoquent la compassion. Ce sont deux attributs similaires, même si la compassion est un peu différente. C’est certes célébrer l’homme, mais aussi comprendre d’où viennent ses souffrances. La compassion permet à l’entraineur de détecter un joueur qui verse dans l’euphorie ou dans la dépression, deux attitudes que j’ai fréquemment rencontrées chez les joueurs, selon qu’ils sont confrontés au succès ou à la frustration.

Le respect par les indiens d’Amérique

Chez les indiens, on remercie son adversaire pour avoir donné le meilleur de lui-même. On ne le rabaisse surtout pas. Beaucoup de basketteurs grandissent aujourd’hui en se disant qu’ils doivent marcher sur leur adversaire, le rendre minable. Je ne leur en veux pas, car le système veut ça. Moi j’essaye d’inculquer à mes joueurs le respect de leur adversaire. […] Sans compassion et respect de votre adversaire, le basket ne serait qu’un sport de guerrier.

Des livres pour Rodman, Shaq et Kobe

Dennis Rodman, par exemple, je lui ai donné un livre de photographies retraçant l’histoire des motos. Il aime les motos mais pas trop les livres. Au Shaq, qui s’était autoproclamé « grand philosophe », je lui ai donné un essai de Kitaro Nishid (philosophe japonais qui a cherché à marier philosophie occidentale et traditions extrême-orientales), qui parlait du rapport entre autrui et soi. Je me disais que cela pourrait l’éclairer (rires). La réalité, c’est que Shaq a adoré. Puis je lui ai donné à lire Siddhartha (d’Hermann Hesse). Il m’a écrit un résumé du livre où il me disait qu’il s’était énormément reconnu dans ce personnage. Il est riche, beau gosse et aime les femmes (rires). Typique de l’humour du Shaq ! (Siddhartha est en fait exactement le contraire : ascète, solitaire, à la recherche de la sagesse absolue.) […] J’ai donné à Kobe des  ouvrages plus théoriques sur les différentes manières d’exercer son leadership. C’était vraiment quelque chose qui le préoccupait. Ça a dut servir, car il donne de plus en plus aux autres. Il a beaucoup plus de compassion pour ses partenaires qu’avant. Il comprend qu’il ne peut pas exiger de ses coéquipiers ce qu’il attend de lui-même.

Phil et la méditation

Sur un parquet mes joueurs doivent savoir faire cinq ou six choses à la fois. La méditation est un moyen pour eux d’atteindre cet objectif en contrôlant leurs pensées. L’esprit est un muscle comme un autre, il a besoin d’exercice pour être détendu.

Who’s the best ?

Au cours de ma carrière, j’ai connu quatre basketteurs d’exception. Michael et Kobe sont les plus formidables compétiteurs que j’ais eux sous mes ordres. Shaq, c’est un phénomène. […] On n’avait jamais vu dans l’histoire du basket un joueur de cette taille et de ce poids avec autant de facilités techniques. J’inclurais Scottie Pippen à ce cercle. […] Sans lui, Michael n’aurait pas gagné autant de titres (six), comme Shaq n’aurait pu le faire sans Kobe (trois). On travaille désormais avec Pau (Gasol) pour qu’il soit pour Kobe ce que Scottie fut pour Michael.